Samedi

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    Allongé dans le grand lit double de la chambre d'hôtel, Fyodor était enroulé dans de doux draps. Les rayons du soleil vinrent lui chatouiller la peau tandis qu'il se réveillait doucement. La place à côté de lui était froide, mais il ne s'en inquiéta pas car il pouvait entendre Chûya chantonner non loin de lui. C'était une douce et agréable mélodie. Il inspira longuement en s'étirant un peu, puis il ouvrit les yeux. Les rideaux étaient entrouverts, laissant tout juste passer un peu de lumière dans la pièce. Une odeur de pain toasté flottait dans l'air. Ce réveil était plaisant. Il observa un instant le plafond avant de tourner la tête. Son regard écarlate se posa sur la silhouette de Chûya. Il était habillé d'un short de sport et d'un gros sweat à capuche. Ses cheveux avaient rapidement été coiffés en une queue de cheval. Il était dos à lui, mais Fyodor pouvait facilement le voir bouger la tête. Sa voix continuait de résonner dans la chambre. Il était en train de faire cuire quelque chose. Fyodor sourit doucement, il adorait l'entendre chanter. Il finit par se lever après de longues secondes et s'approcha de Chûya. Une fois à sa hauteur, il l'enlaça, collant son torse à son dos. Chûya sursauta.
    – Fyodor, s'exclama-t-il avec surprise. Je ne savais pas que tu étais réveillé...
     Fyodor sourit et déposa un baiser sur le haut de son crâne.
    – Si je pouvais me réveiller comme ça tous les jours, ça serait incroyable...
    Un grand sourire se dessina sur le visage de Chûya, qui vint se retourner pour lui faire face. Il passa ses bras autour du cou de Fyodor et il déposa ses lèvres sur les siennes avec délicatesse. Ils s'embrassèrent avec amour quelques longues secondes avant que Chûya ne se décale et se remette en face de la gazinière. Fyodor le regarda faire en souriant.
    – Je fais le petit déjeuner, s'exclama-t-il en montrant une assiette pleine de pancakes.
    – Ça sent super bon, répondit Fyodor.
    Ils se sourirent puis ils finirent tous les deux de préparer leur petit déjeuner. Chûya cuisinait et Fyodor préparait la table. Après quelques minutes, tout fut enfin prêt et ils purent s'installer sur la petite table de la chambre. Ils commencèrent à manger tranquillement.
    Fyodor avait une représentation le soir même, et demain ils devront à nouveau se séparer pour quelques mois. Chûya devait malheureusement retourner au Japon afin de pouvoir assurer ses cours. Déjà qu'il s'était autorisé une semaine de vacances gratuite... Alors, ils comptaient bien profiter de cette dernière journée ensemble. Surtout qu'ils ne savaient pas quand est-ce qu'ils pourront se revoir. Cette semaine avait été incroyable, et ils se sentaient si bien l'un avec l'autre.
    – J'avais pensé qu'on pourrait aller se promener, commença Fyodor. On pourrait passer la journée dans Moscou, manger quelque part...
    Chûya sourit doucement.
    – Avec plaisir ! Tu as une idée de où aller ?
    Fyodor réfléchit un instant. Il y avait beaucoup de lieux dans la capitale qui pouvaient être intéressants à voir et à découvrir, il ne savait pas trop quoi choisir.
    – Mh... Est-ce que tu as une idée, toi ?
    Chûya acquiesça puis il baissa son regard sur son assiette, faisant glisser son dernier petit morceau de pancake sur la surface lisse et blanche de la vaisselle. Un fin sourire était plaqué sur son visage.
    – J'aimerai beaucoup aller voir la galerie Tretiakov... Si ça te dit, évidemment !
    – Avec plaisir, sourit Fyodor. On a qu'à y aller ce matin ! Ça te va ?
    – Oui !


    Les deux jeunes hommes marchaient côte à côte dans la grande galerie Tretiakov. Ils se tenaient la main et leurs doigts étaient entrelacés. Ils regardaient les différentes œuvres exposées. Parfois, ils s'arrêtaient et discutaient de ce qu'ils voyaient, partageant leur point de vue de telle ou telle peinture. Ils avaient tous les deux un grand sourire et leurs yeux brillaient de joie.
    Après un moment, Chûya s'arrêta devant une toile. Fyodor le regarda avant de poser son regard sur la peinture. Dessus, il y avait une mer calme, il n'y avait aucune vague. Sur l'eau se trouvait un navire et deux petites barques. La nuit était tombée et une île était visible au loin. La lune brillait entre quelques nuages. Fyodor ne connaissait pas cette peinture, c'était la première fois qu'il la voyait. Mais, il la trouvait magnifique. Les couleurs étaient bien choisies, elles s'harmonisaient à la perfection.
    – C'est magnifique, soupira Chûya.
    Fyodor sourit doucement.
    – C'est vrai...
    Chûya plissa un peu les yeux, regardant l'écriteau qui se trouvait juste à côté du mur. Tout était écrit avec l'alphabet russe, et même s'il apprenait le russe, il avait encore quelques difficultés à le lire. Pourtant, après quelques secondes de réflexion, il parvint à lire le titre de la peinture.
    – Une nuit lunaire sur Capri... Qu'est-ce que ça veut dire, demanda-t-il en tournant la tête vers Fyodor.
    – Une nuit lunaire sur Capri. C'est une peinture de Ivan Aivazovsky.
    – Tu penses qu'il voulait raconter quoi avec cette toile, demanda soudainement Chûya sans détourner son regard de la peinture.
    Fyodor regarda à nouveau la toile, un air dubitatif plaqué sur son visage. La toile ne l'inspirait pas beaucoup. Il la trouvait belle, vraiment belle, mais il ne parvenait pas à voir un quelconque message. Pour lui, il ne s'agissait que de la représentation d'un voyage. Un bateau qui naviguait sur la mer, là était tout ce qu'il percevait.
    – Je ne sais pas vraiment...
    Chûya tourna enfin son regard pour planter ses pupilles azurs dans les siennes. Il pencha légèrement la tête, un petit sourire amusé collé au visage.
    – Bah alors, tu manques d'inspi ?
    Fyodor leva les yeux au ciel, ricanant légèrement.
    – Je suis musicien moi, j'écris des musiques, je pleure en en écoutant certaines... Je ne contemple pas des peintures pendant des heures.
    Le rire cristallin de Chûya retentit dans la salle.
    – Moi je vois ça comme le repos et la paix que peut apporter la nuit.
    Fyodor fronça les sourcils, n'étant pas sûr de comprendre. Il reporta alors son regard sur l'œuvre d'art. Le repos et la paix que peut apporter la nuit ? Qu'entendait Chûya par là ?
    – Comment ça, demanda-t-il.
    – Tu vois les bateaux sur l'eau ?
    Fyodor acquiesça.
    – Leur voyage n'a pas l'air mouvementé. Il n'y a pas l'air d'avoir de vent, et donc il n'y a aucune vague. La lune les guide en brillant, tout juste devant eux. Elle les illumine, et elle illumine aussi l'île devant eux, continua-t-il. Ou alors, si ce n'est pas la lune, c'est le soleil, qui se couche ou qui se lève. On ne peut pas vraiment savoir... Par contre, c'est sûr que cette scène se trouve au début ou à la fin de la nuit, car le ciel est bien sombre. D'un côté, on a donc le début du repos, et de l'autre, le réveil après une bonne nuit de sommeil...
    Un sourire se dessina sur le visage de Chûya.
    – J'aime beaucoup ce tableau, parce que la nuit à une certaine importance. C'est notre moment, à nous-même. Il n'y a que là qu'on peut se retrouver seul, ou avec les personnes les plus proches de nous... C'est aussi lors d'une nuit qu'on s'est avoué nos sentiments tous les deux. Alors... Pour moi la nuit est vraiment importante, je pense que tu as dû le remarquer... Je travaille beaucoup pendant la nuit, je lis, j'écris, et parfois je te raconte tout un tas de choses !
    Fyodor ricana légèrement. C'était vrai, et il s'était même déjà fait la réflexion que Chûya semblait être plus sensible la nuit. Ou plutôt, il laissait bien plus libre court à ses émotions à ce moment-là. Il ne doutait pas de l'importance de la nuit pour lui.
    – Sur cette peinture, la nuit peut représenter le renouveau, car les bateaux approchent l'île. C'est comme si la lune, ou le soleil, peu importe, leur montre le chemin à suivre. C'est comme s'ils arrivaient au bout d'une quête après un long voyage ! Et la mer qui est calme, peut symboliser la paix... Enfin, ce n'est qu'une hypothèse, finit par dire Chûya en haussant les épaules.
    Fyodor sourit doucement, il n'avait pas tord. Et surtout, il était impressionné de voir que Chûya pouvait faire des hypothèses sur des peintures aussi facilement, juste en les regardant. Il était impressionné de voir qu'une simple toile pouvait lui faire ressentir autant de choses. Il tourna la tête vers lui afin de l'observer. Chûya regardait la peinture avec attention. Ses yeux brillaient, ses sourcils étaient légèrement froncés et il se mordillait légèrement la lèvre inférieure. Fyodor savait qu'il faisait souvent ça quand il réfléchissait. Il le trouvait tout simplement adorable.
    – Tu es doué, lui murmura-t-il.
    Chûya leva la tête vers lui et il lui offrit un sourire. Ses pommettes se relevèrent et ses yeux se plissèrent. Fyodor sourit grandement lui aussi et il passa son bras autour de ses épaules.
    – Et si on continuait d'avancer ?
    – C'est une très bonne idée ! Tu sais il y a qui d'autres comme artiste ?
    Fyodor réfléchit un instant alors qu'ils recommencèrent à marcher.
    – On en a déjà vu beaucoup... À mon avis, on approche de la fin.
    – Déjà, s'exclama Chûya en faisant la moue.
    Fyodor ricana et ébouriffa légèrement ses cheveux roux.
    – On est quand même là depuis une heure et demi !
    – Je pourrais passer ma vie dans les musées, et dans les bibliothèques aussi, répondit-il en haussant les épaules.
    – Ça, je le sais bien ! Mh... Si tu veux, il y a le musée Pouchkine.
    – Mais toi, tu veux faire quoi ?
    Fyodor haussa légèrement les épaules. Ils sortirent de la grande pièce dédiée à Aivazovsky et ils arrivèrent dans un couloir avec plusieurs petites toiles. C'était de magnifiques peintures.
    – Tant que je suis avec toi, tout me va ! Même si je dois avouer que je commence à avoir faim...
    – Allons manger, dans ce cas.
    Ils se sourirent et finirent leur petite visite rapidement. Ils sortirent de la galerie. Le froid frappa leur peau et Chûya mit instinctivement ses mains dans les poches de son gros manteau. Il se colla un peu plus à Fyodor, qui ricana légèrement.
    – C'est adorable, tu ne supportes pas le froid.
    – Rectification ! Tu es surhumain, tu supportes ce froid...
    – Je suis simplement habitué !
    – Mais oui, mais oui.
    Ils rirent ensemble tandis qu'ils marchaient sans les rues de Moscou. Le soleil brillait haut dans le ciel, et malgré la fraîcheur de l'air, c'était un moment très agréable.
    Chûya leva le regard vers lui et l'observa avec un petit sourire. Fyodor baissa le regard vers lui, intrigué.
    – Je t'aime, murmura Chûya.
    Le cœur de Fyodor se réchauffa et il se sentit euphorique en l'entendant parler russe.
    – Je t'aime aussi, lui répondit-il en venant déposer ses lèvres sur les siennes.
    Ils s'embrassèrent avec amour, douceur et passion, leur cœur battant à l'unisson. Puis, il s'enlacèrent. Fyodor caressa avec douceur les boucles rousses de Chûya, qui vint se blottir contre lui. La chaleur de leur corps était agréable et ils se sentaient bien. Ils ne firent attention qu'à eux et à leur bonheur. 

Surprise au théâtre BolchoïOù les histoires vivent. Découvrez maintenant