STRATEGIE

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  En quittant les portes de la ville principale, Astrid observa pour la dernière fois l'académie flottante éclairée par la lune qu'elle pouvait voir depuis la fenêtre de la calèche. Même d'aussi loin elle pouvait apercevoir la partie du bâtiment qui avait été dévorée par les flammes lors de l'explosion.
La magicienne avait fait ses derniers au revoir à Maude et à Maxim lorsque, un peu plus tôt, le connétable était venu la récupérer. On l'avait placée seule dans un véhicule entre celui de Félix et Gaspard et celui dans lequel Monsieur Habu et Madame Mamushi étaient restés assis. La pluie avait commencer à tomber, les représentant du pays des Serpentaires n'avaient donc pas daigné sortir pour saluer la tisseuse d'Etoiles. Ce n'est qu'en arrivant, au milieu de la nuit, dans une auberge près du port que les salutations se firent. Un garde d'Ophiuchus avait tiré Astrid de son sommeil en ouvrant la porte du véhicule pour l'informer que le cortège était arrivé à destination.

- Rentrons, dit Madame Mamushi en indiquant l'auberge après avoir salué Astrid dans une inclinaison de son buste. Nous allons manger un peu et nous reposer avant de prendre le bateau.

   La brise marine faisait s'agiter les quelques mèches de cheveux qui s'étaient extirpés de la tresse d'Astrid. La pluie avait cessé mais des perles d'eau portées par le vent venaient se cogner sur son visage et ses mains qui tenaient une couverture qu'elle avait posée sur ses épaules.
   L'auberge était presque vide, il n'y avait que sur quelques tables des hommes qui mangeaient dans le silence, attendant sûrement de reprendre leur route au matin.
Le port était un lieu essentiel où se croisaient souvent les marchands qui réceptionnaient ou délivraient des ressources essentiellement venues des Reinaumes du Lion et du Sagittaire.
  Le tenancier de l'auberge installa Astrid et ses accompagnants à une large table dans une salle isolée. La tapisserie et les canapés en daim donnaient au lieu des airs de chalet familial, le feu dans la cheminée relevait l'odeur du bois qui embaumait la pièce. Gaspard entra en dernier avant de fermer la porte derrière lui, laissant deux gardes à l'extérieur.
   Le connétable s'installa aux côtés d'Astrid, les représentants d'Ophiuchus s'assirent face à elle. Gaspard resta debout près de la cheminée. Madame Mamushi prit la parole pour exposer les faits :

- Nous resterons jusqu'à l'aube, vous pourrez vous reposer un peu avant de reprendre la route. Nous connaissons bien cette auberge, ils font un pot-au-feu absolument divin.
- Nous allons vraiment prendre le bateau ?
- Évidement, comment comptez-vous vous rendre à Ophiuchus sinon?
- C'est juste que je n'ai jamais pris le bateau.
- Ne vous en faites pas jeune fille. La traversée sera rapide, nous arriverons avant midi.
- Et après ?
- Après quoi?

   La présidente du territoire des Serpentaires fronça les sourcils ce qui intimida Astrid mais elle ne s'empêcha pas de poursuivre.

- Une fois arrivée là-bas, combien de temps pensez-vous que j'y resterais ?
- Il ne faut pas y rester trop longtemps, les Béliers savent déjà que tu as choisi de rentrer parmi eux, en tous cas c'est ce qu'ils pensent. Nous pouvons faire traîner l'administratif pendant deux semaines, mais au delà, ils risquent de devenir suspicieux.
- Et après ?
- Comment cela après ?

Encore une fois, les sourcils de la présidente suivirent le mouvement de son incompréhension.

- Une fois que je serai là bas, comment ça va se passer ?
- Tu te débrouilleras plus ou moins pour mener ton enquête, Gaspard bénéficiera d'une nouvelle identité qui lui permettra de veiller sur toi à chaque heure du jour et de la nuit.

Des frissons parcoururent l'échine d'Astrid à l'idée d'être observée en permanence par cet homme qui, encore à cet instant, la dévisageait. Son visage était éclairé par les flammes de la cheminée qui durcissaient ses traits et son air antipathique.

La tisseuse d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant