LE FRÈRE

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Astrid empruntait les courants aériens pour rentrer le plus rapidement possible. Ses cheveux lâchés lui fouettaient le visage lorsque son corps changeait de direction. La fillette, âgée de 11 ans à ce moment là, possédait déjà une grande maîtrise de la magie gravitationnelle, elle influençait son poids pour aller plus vite dans les descentes vertigineuses qui lui donnaient la sensation de tomber. Elle s'allégeait dans les courants horizontaux, se laissant porter par le vent, survolant Australis.
Lorsqu'elle posa le premier pied à terre, elle entama une course effrénée. Elle ouvrit la porte de la maison, jeta son sac à dos et fonça dans sa chambre en laissant l'entrée grande ouverte. Si elle avait bien calculé son coup il lui restait peu de temps avant que ne rentrent Aaron et Paloma. Du tiroir de sa table de chevet, elle sortit deux dessins identiques. Ils la représentaient elle, Maud, les jumeaux et Maxim devant leur maison, main dans la main. De petits cœurs voyageaient sur la feuille et entouraient les bonhommes allumettes. En lettres multicolores, Astrid avait écrit « Je t'aime » sur chacune des feuilles. Elle se précipita à la cuisine, reliée au salon, pour les déposer sur la table à manger. Elle fit demi tour pour fouiller au fond de son sac à dos, y plongeant son bras jusqu'à l'épaule.

- Fichus cailloux ! Lâcha-t'elle, où est-ce que vous êtes?
- Tu as perdu quelque chose ?

   Astrid releva la tête vers l'entrée. Elle lâcha son sac et le cacha derrière son dos avant de s'agripper à la taille d'Aaron. Le garçon, les bras chargés de denrées dans une corbeille en osier ricana.

- Attention, tu vas te prendre un melon sur la tête!

    Alors qu'Astrid relâcha son étreinte, la main de Paloma se déposa sur le sommet de son crâne pour ébouriffer ses cheveux.

- Petite crapule! Il ne faut pas laisser la porte grande ouverte quand tu rentres ça peut-être dangereux! Dit-elle en modifiant sa voix pour lui donner un faux air de réprimande.
- Surtout que quand on va partir, on ne sera plus là pour veiller sur toi, reprit Aaron en rentrant dans la maison.

   Les larmes commencèrent à troubler la vision d'Astrid qui s'efforçait de ne pas craquer une fois de plus. Paloma la souleva du sol pour la prendre dans ses bras.

- On a dit : "pas de pleurs aujourd'hui", lui chuchota-t'elle dans l'oreille en suivant son frère.

   Astrid déglutit en emmêlant ses doigts dans l'or des cheveux de sa presque grande sœur lorsqu'elle passa ses bras autour d'elle. Elle n'était plus aussi légère qu'elle le fut il y a encore quelque temps pourtant Paloma semblait la porter sans difficulté.
Lorsqu'elle la déposa dans la cuisine, Astrid aperçut Aaron se frotter les yeux, le dessin à la main.

- Je t'aime aussi, sourit-il.

Il s'accroupit pour prendre le visage de la fillette dans ses mains avant de déposer un baiser sur son front.
La fratrie s'attela ensuite à la préparation du repas. Paloma et Astrid dressèrent la table avant le retour de Maude et Maxim. Lorsque la tutrice arriva enfin, accompagnée du benjamin de la famille, elle demanda à Astrid de ranger convenablement son sac, resté dans l'entrée.
Lorsqu'elle le souleva du sol, un sachet en lin en tomba.

- Trouvé ! S'écria Astrid en fonçant vers ses presque frères et sœurs qui finalisaient les préparatifs.

Elle tendit le présent à Aaron qui l'ouvrit en souriant. Il lança ironiquement :

- Oh des cailloux !
- C'est pas juste des cailloux, regarde.

Astrid se saisit du sachet et en vida le contenu dans sa main. Trois galets ébréchés s'étaient déposés dans sa paume, elle les accola entre eux pour qu'ils retrouvent leur forme originale, un cœur.

La tisseuse d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant