LA ROBE

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L'odeur des feuilles mortes et de l'écorce assiégeait les narines d'Astrid. Au milieu d'une forêt verdoyante, le soleil se frayait un chemin entre les arbres pour réchauffer sa peau. Ses pieds nus écrasaient un manteau de feuilles qui recouvrait le sol humide du matin. Elle prononça des mots qui ne parvinrent pas à ses propres oreilles. Un bijou étincelant se tissa autour de son cou, une rivière étoilée prenait sa source dans le creux de sa gorge et s'écoulait sur son buste, une masse chaude avait gagnée son ventre.
Les poils de ses bras s'hérissèrent au contact de la brise. Sous la peau de ses pieds, elle ressentait chaque grains de terre qui se mêlaient aux craquement des feuilles. Sa main détectait sur les arbres toutes les rainures qui s'étaient créées avec le temps. Son sens du toucher était démultiplié, comme à chaque fois qu'elle tissait ce collier. Des bras l'encerclèrent pour la soulever du sol. Son corps qui tournoyait fut submergé de joie alors que se déposèrent des lèvres dans son cou, elle reconnut leur douceur et le piquant de la barbe qui les entourait. Son collier magique s'évapora tandis qu'elle rouvrit les yeux en souriant. La voix de l'homme qui l'encerclait de ses bras lui chuchota :

- Il faut y aller Lulu, il ne faut pas que l'on perde notre avance.

Elle se sentit tomber, les bras n'étaient plus là pour la retenir, elle eu la sensation d'être engloutie par le sol, l'obscurité avait gagné chaque parcelle de la forêt et dans un tournis d'images indissociables sa tête ne trouvait aucun point de repère. Elle ferma les yeux avant de les réouvrir, des flammes montaient vers le ciel et dévoraient les bâtisses d'un village qui partait en fumée. Elle n'était plus au même endroit, ni au même moment. Le toucher satiné du soleil avait été chassé par une pluie torrentielle qui lui frappait le visage. Une rangée d'hommes en armures se précipitaient sur elle, torches et épées à la main.
Dans un raz de marée de cris hargneux qui lui fonçaient dessus, elle murmura calmement:

- Zuben Eschamali.

Une bague se tissa autour de son doigt et se transforma en gantelet. Elle pointa un soldat de son doigt habillé d'un voile d'étoiles, une vapeur s'en extirpa et frappa sa cible. Alors qu'elle claqua des doigts, tous ceux qui fondaient dans sa direction furent attirés violemment au même endroit. Elle n'eut pas besoin de la magie des Sens des Cancer pour que, parviennent à ses oreilles, le craquement des os et le bruit de la perforation des armures des soldats sous leurs propres épées. Elle claqua des doigts à nouveau et la dizaine de corps qui s'étaient empilés sur un seul se déversèrent sur le sol boueux, trempé par la pluie et le sang.
   Sa robe de nuit blanche était imbibée d'eau, ses pieds s'enfonçaient dans la vase, elle repoussa de sa main une mèche qui s'écrasait sous son visage. Elle balayait du regard la scène d'horreur alors que, sur ses joues, les larmes se mêlaient à la pluie. Des cris résonnaient dans le village mais ce fut celui d'un homme, derrière elle, qui la poussa à se ressaisir.

- Il faut partir, dépêche toi!

   Une main agrippa son avant bras et la força à suivre le mouvement de fuite d'individus qui s'enfonçaient dans la forêt. Son pied rencontra une racine qui la fit trébucher et s'étaler de tout son long.  Elle se releva en geignant avant de reprendre sa course entre les arbres. Trempée et pleine de terre, sa robe était encore plus lourde et ralentissait son avancée.
   Le groupe de fugitifs marqua une pause près d'un cours d'eau, certains en profitèrent pour boire, d'autres s'adossèrent à des arbres pour reprendre leur souffle. L'homme qui avait attrapé le bras d'Astrid profita de ce moment pour prendre la parole.

- Y'a-t'il des blessés parmi vous?

   Certains se manifestèrent en levant une main tremblante. Astrid les dévisageait, horrifiée, furieuse et profondément triste.

- Jusque quand ? Déclara l'homme. Jusque quand allons nous fuir ? Combien d'entre nous doivent mourir? Combien de nos foyers brûleront-ils? Jusque quand nous traquerons-t'ils ainsi ?

La tisseuse d'étoilesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant