CHAPITRE 3 | La rencontre

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La maisonnette au bord de l'étang n'était pas très spacieuse, mais il y régnait une atmosphère paisible qui fit du bien à Jude lorsqu'il y déposa sa valise. Si le lieu n'était pourvu que d'un lit, d'une petite table, d'un point d'eau, d'un réchaud et de quelques placards, il était bien plus accueillant et semblait bien plus confortable que les divers endroits où il avait vécu au cours de sa vie. Et puis, la vue sur l'étang et sur le parc valait, à ses yeux, tout l'or du monde.

Ce lundi matin, tandis que le soleil commençait à monter dans le ciel, Jude se dit que les jours à venir s'annonçaient meilleurs que les précédents. Logé et nourri, dans un tel endroit, les choses ne pouvaient que bien aller. Pour la première fois depuis longtemps, il ne ressentait plus ce poids qui lui pesait constamment sur les épaules. Au contraire il se sentait léger et joyeux, impatient de commencer à travailler, même s'il savait que ce nouvel emploi ne serait pas de tout repos.

Heureux, il s'affaira alors en sifflotant à ranger les quelques affaires qu'il avait emportées dans un placard et réorganisa un peu l'espace afin qu'il lui corresponde. Face à la petite fenêtre qui donnait sur l'étang, Jude disposa son lit et déplaça la petite table face à la porte d'entrée. Ainsi, il pourrait déjeuner et dîner, lors des beaux jours, face à une porte ouverte et pourrait observer les étoiles depuis son lit. Cela lui convenait mieux ainsi.

Comme Henry Ascott le lui avait signifié lors de son entretien d'embauche, Jude bénéficia de la matinée pour s'installer et prendre ses marques. Après avoir réorganisé la maison et rangé ses affaires, il quitta son chez-lui afin de se familiariser avec les lieux. Il se balada dans le parc quelques minutes, empruntant quelques sentiers au bord de l'étang et dans le petit bois, et remonta ensuite vers les bâtisses par le chemin principal. Le domaine Ascott semblait désert ce matin-là car Jude ne croisa personne. Ni un domestique, ni Henry Ascott, ni ce charmant cavalier qui n'avait plus quitté ses pensées lorsqu'il pénétra dans l'écurie. Un claquement de langue plus tard, trois chevaux passèrent la tête à travers l'embrasure de leur box et dressèrent leurs oreilles, curieux.

Tour à tour, Jude s'approcha d'eux et les gratifia chacun d'une caresse sur l'en-tête. Si les deux premiers étaient des hongres au poil gris souris, ce fut le bel alezan qui attira une nouvelle fois l'attention de Jude. Des chevaux, il en avait vus dans sa jeunesse. Les écuries, il y avait travaillé et en connaissait le fonctionnement sur le bout des doigts. Jamais pourtant il n'avait eu la chance de rencontrer un animal tel que celui-ci. Devant la porte de son box, les doigts enfouis dans son toupet soyeux, Jude observa l'animal comme s'il le passait au rayon X. L'étalon dégageait une aura et une puissance que Jude n'avait jamais ressentie chez aucun autre cheval auparavant. Il était splendide et majestueux. C'est alors que le cheval hennit, les oreilles attentivement dressées sur sa tête, que Jude s'aperçut de la présence de Winston.

Ce dernier, qui avait commencé ses cours particuliers deux heures plus tôt, était en pleine pause. S'il avait l'habitude de prendre un thé durant cette dernière, ce matin-là avait fait exception à la règle. En effet, sa curiosité avait été piquée au vif lorsqu'il avait vu le nouvel employé entrer dans l'écurie, près de vingt minutes plus tôt, et ne pas en ressortir. Le voir là, proche de son cheval et les yeux émerveillés, lui fit tout drôle. Il s'était attendu à le trouver au travail, et non en train de gratifier son cheval de caresses.

— Qu'est-ce que vous faites ?, demanda-t-il perplexe.

— J'essaie de devenir son ami.

Jude esquissa un petit sourire nerveux et retira machinalement sa main du toupet de l'animal, gêné par le regard de son interlocuteur. Il n'était pas certain de savoir si cette émotion dans sa voix était de la curiosité ou de la contrariété. Alors mieux valait se montrer méfiant, et essayer d'être souriant. Mais sourire ne lui fut pas difficile, surtout lorsque le bel étalon tenta de mâchouiller sa manche comme pour lui réclamer des caresses. Sous cette scène étonnante, Winston ne put qu'échapper un rire : on ne trichait pas avec les chevaux. Alors, si Hickstead quémandait des caresses à cet inconnu, cela devait être un type bien.

Le dernier AscottOù les histoires vivent. Découvrez maintenant