Chapitre 3 : à coeur ouvert

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25 novembre 2008, Londres

Trente deux, trente trois, trente quatre, trente cinq...et mince. Je viens de perdre mon compte. Les gouttes qui tombent sur le pare-brise de la voiture de ma mère ont redoublé de force. Il m'est donc maintenant impossible de les compter.

Je la vois d'ailleurs du coin de l'œil, sortant du lycée. Elle a dû aller chez le proviseur pour le prévenir de mon absence.

- Il y avait un jeune homme à l'entrée. Il m'a dit qu'il te connaissait.

Je sursaute lorsque la voix de ma mère me parvient dans l'habitacle. Je ne l'avais même pas entendue revenir.

- Ah bon ?

Je ne sais pas de qui elle parle, et je n'essaye même pas de réfléchir. Je n'ai pas la tête à ça.

- Tu m'entends ? Lia ?

Mes mâchoires se crispent à l'entente de ce surnom. Lia. Pourquoi continue-t-elle à m'appeler comme ça ?

- Amélia, je lui réponds sèchement.

- Pardon, Amélia. Je te demandais simplement si tu connaissais un certain Levis. Ou alors c'était Lewis ?

Je me stoppe immédiatement à l'entente de ce prénom. Lewis ? Pourquoi Lewis a-t-il parlé à ma mère ?

- Oui. Il m'a vu tout à l'heure dans le couloir, je ne le connais pas très bien.

Elle se contente de hocher la tête, et je suis soulagée lorsqu'elle ne me pose pas plus de questions à son sujet.

Je n'ai franchement pas la tête à lui parler d'un garçon égocentrique, qui profite des sentiments des filles juste parce qu'il est populaire. Jamais je ne pourrais apprécier une personne comme celle-ci. J'ai bien trop d'estime pour ça.

Le début du trajet se passe dans le calme. Aucune de nous deux n'ose aborder le sujet de ma sœur. Ce que je peux trouver tout à fait normal.

Mais d'un autre côté, j'aimerais en savoir plus sur Jenna. Sur son état actuel. J'aimerais connaître toute sa vie précise à ce moment même. Je n'en ai jamais ressenti autant le besoin.

Après plusieurs minutes de silence intense, ma mère décide d'enfin prendre la parole.

- Ma puce ?

Je me tourne dans sa direction. Elle ne me regarde pas. Elle se contente juste de fixer la longue route sans fin.

- Oui ?

Je me tourne de nouveau pour regarder droit devant moi. Je ne veux pas affronter le regard plein d'inquiétude de ma mère.

Je ne veux pas.

Je ne peux pas.

Je n'en ai pas la force.

Je n'ai plus la force de me battre contre moi-même.

Contre mes démons ridicules qui m'empêchent de vivre.

- Je vois très bien que quelque chose ne va pas. Je suis ta mère après tout. Je sais toujours tout.

A l'entente de ces petits mots, mes ongles se plantent automatiquement dans mes paumes de mains. Si fort que je peux sentir quelques petites gouttes de sang glisser le long de mes poignets. Mais je ne retiens pas la douleur. Mes pensées sont ailleurs.

Je ne voulais pas qu'elle s'inquiète.

Je ne voulais pas lui faire peur.

Elle a déjà assez de choses à gérer comme ça.

Je ne peux pas en rajouter plus.

Je ne devais pas.

Elle voilà qu'elle s'inquiète maintenant pour moi.

Elle ne doit pas.

Je n'ai pas besoin d'aide.

- Dit moi tout ce qu'il se passe. Absolument tout.

Je veux que tu te confie à moi. Que tu partage toutes tes pensées. Et je t'aiderai du mieux que je le peux. Parce qu'une mère se doit de faire ça à son enfant.

Lorsqu'elle prononce ces quelques mots qui pourraient paraître insignifiants pour beaucoup de personnes, des larmes coulent à flot sur mes joues.

Et pour la première fois en deux longues années, j'ai conscience d'avoir une épaule sur qui me poser.

Une épaule qui ne s'effondrera pas sous le poids de mes problèmes. Comme je l'ai si souvent cru.

Mais malgré tout, je n'arrive pas à prononcer un seul petit mot. Rien ne veut sortir de ma bouche. Aucun son ne parvient dans l'habitacle.

Et je n'arrive pas à en comprendre la cause.

Je suis stupide.

Si stupide que je n'arrive même pas à parler.

Je n'arrive même pas à poser des mots sur mes maux.

Ridicule.

Je suis ridicule.

Tout dans ma vie est ridicule.

Je reprends mes esprits et essuie mes larmes du revers de ma main. Je ne veux pas que mes pensées prennent le dessus sur moi. Du moins, pas maintenant. Pas maintenant que j'ai du soutien.

- Ma puce, je sais que c'est difficile de poser des mots sur ce que tu ressens, mais tu vas y arriver. Je sais que tu peux le faire. Elle prend une pause, puis me regarde droit dans les yeux, pour la première fois depuis le début du trajet. Et tu sais pourquoi je le sais ? Parce que tu es forte. Bien plus forte que moi.

Des larmes coulent de nouveau, inondant mon visage, sans que je ne puisse rien y faire.

Je prends alors mon courage à deux mains, et commence mon long récit.

Je lui explique d'abord le harcèlement que je subis depuis deux longues années. Années interminables.

Je lui raconte également mon ressenti sur la mort de mon père. À quel point cela m'a affectée, mais que j'ai bien évidemment tout caché.

Et à la fin de mon récit, je crois apercevoir des larmes sur ses joues. Et soudain, je m'en veux affreusement. Je n'avais pas pour but de la blesser ainsi.

- Je sais à quoi tu penses, Amélia. Je sais très bien que tu t'en veux. Mais je t'en supplie, il ne faut pas.

J'absorbe ses paroles pour bien les intégrer en moi. Parce que j'en ai besoin plus que tout au monde. Parce que je me suis efforcée de tout cacher pendant bien trop longtemps, et que maintenant, j'ai besoin que l'on me rassure. Je n'arrive plus à supporter toute cette pression constante. Je n'arrive plus à faire semblant de rien. Je suis épuisée.

Des larmes coulent à flots sur mes joues durant tout le reste du trajet. Et lorsque j'aperçois l'hôpital où réside actuellement Jenna, mes larmes reprennent de plus belle en me rendant compte que je n'ai rien pu faire pour éviter ça.


_____

Hey !

Excusez moi de mon absence assez longue, mais les cours m'ont pris absolument tout mon temps.

Néanmoins, au mois de décembre, je vais essayer de poster un chapitre tous les mercredis et les dimanches.

Bref, à bientôt...

Mon étoileOù les histoires vivent. Découvrez maintenant