La vérité

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Amandine écoutait à la porte du bureau de M.Collet. Jamais elle ne l'avait entendu hurler de colère. Et jamais elle n'avait ressenti autant de haine dans la voix de Doriand. Ils se disputaient très fort, mais elle ne comprenait pas bien de quoi il s'agissait.
- Tu ne m'en empêcheras pas ! cria Doriand.
- Mais réfléchis un peu ! Tu ne peux pas faire ça maintenant ! Tu peux pas me faire ça !
- Et ça change quoi, franchement ? Le plan reste le même ?
- Mais tu ne peux pas l'épouser tout de suite, sinon il y aura des soupçons, tu le sais parfaitement !
- Cela m'est égal ! Je l'aime ! Et elle sera ma femme tôt ou tard !
- Doriand, c'est pas le moment !
- Je te l'ai dit, je n'en ai que faire !

Sur ces mots, il ouvrit violemment la porte, et la referma dans un claquement qui résonna dans tout le couloir. Il n'eut même pas un regard pour Amandine et s'en alla promptement.

Elle n'avait absolument rien compris à ce qui venait de se passer, mais elle espérait que les deux amis ne resteraient pas en froid pour longtemps.

Amandine marqua une hésitation avant d'entrer. Elle n'avait pas parlé à M.Collet en tête à tête depuis l'incident avec ses frères, et elle voulait lever la gêne qu'il y avait entre eux.
Cependant, avec ce qui venait de se passer, elle rebroussa chemin.
Néanmoins, elle ne put le faire car M.Collet avait ouvert la porte précipitamment, comme s' il la savait juste derrière.
- Vous avez tout entendu ?
- Plus ou moins.
- Ne vous en faîtes pas, ça lui passera.
- Cela avait l'air assez grave tout de même ?
- Plus ou moins.

Amandine n'insista pas davantage, cela ne la regardait pas. Elle voulait juste lever le froid qu'il avait entre eux depuis un moment.
- M.Collet par rapport à ce que j'ai dit la dernière fois...

Qu'est-ce qu'elle devait lui dire pour que tout rentre dans l'ordre ?

- Je vous écoute.
- Je... ce que j'ai dit... c'était...

Elle ne trouvait pas les mots exacts pour lui dire ce qui devait être dit. Devait-elle s'excuser ?

- Vous savez je pense que vous n'avez rien...
Elle ne le laissa pas finir sa phrase et dit spontanément :
- Je ne le pense pas !

M.Collet parut heurter par cette annonce.
Cependant, il se ressaisit immédiatement, lui offra une inclinaison de tête, et ferma la porte à son nez. Il parut vraiment offusqué.
Mais elle ne comprenait pas, qu'avait-elle dit de mal ? Cela aurait dû lever l'embarras qu'ils avaient entre eux depuis plus d'une semaine ? Ou bien, peut-être se faisait-elle des idées et qu'il n'y avait aucun problème ?
Là encore, elle regretta son geste, d'autant plus que ce qu'elle avait dit, elle le pensait de tout son cœur. Elle voulait améliorer la situation, et elle l'avait empiré.

Le soleil déposait sa chaleur sur Tiraline, la brise était légère, les arbres avaient bourgeonné, et les oiseaux avaient fait leur retour. La neige épaisse de l'hiver avait complètement disparu, laissant place au vert de la nature qui réapparaissait. On pouvait sentir le parfum envoûtant des fleurs qui venaient d'éclorent. Le printemps fit son apparition.

Elle rentra au château quelque peu dépitée. Elle avait mal aux pieds à cause de ses talons, et mal aux épaules à cause de tous les dossiers qu'elle trimballait en permanence.

Depuis ce qu'il s'était passé la veille de son vingt-deuxième anniversaire, elle avait aperçu M.Collet que furtivement. La plupart du temps une bouteille de rhum ou une cigarette à la main. Chaque fois qu'il lui parlait, c'était pour lui faire des remarques du genre : "Je vous déteste, comme le monde entier devrait le faire ! "Vous ne servez à rien !" "Vous n'êtes rien sans moi, vous avez besoin de moi !" "Je ne vous laisserai jamais retourner dans votre petite campagne !"
Honnêtement, plus le temps passe, plus elle le trouve étrange et effrayant.
Néanmoins, il n'avait pas remit la main sur elle et pourtant, les violences psychologiques étaient infiniment plus dévastatrices que les violences physiques.
Elle avait perdu tout estime d'elle-même et, elle s'était mise à ressentir un profond dégoût envers elle. A force d'entendre tous ces commentaires, elle les avait intériorisés et pris pour vrai. Elle avait beau se rassurer, en se disant que cet homme avait tort et qu'il disait n'importe quoi, sa voix grave remontait toujours dans son cerveau.

La Première Dame Où les histoires vivent. Découvrez maintenant