Le début du commencement

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En ouvrant la porte, je me rend bien compte que je m'étais trompée. Devant moi, au lieu de voir une gamine de 5 ans parfaitement diabolique, une femme large d'épaules aussi stupide que froussarde et un homme calculateur et froid, je vois plutôt un homme. Grand, fort, chaleureux ? Peut-être.

Ma seule question est : que fait-il ici ? Il est bizarre. Il me regarde que moi, et pas l'intérieur complètement détruit du hall. Il me regarde que moi, et pas la fumée qui s'échappe par la fenêtre de la bibliothèque. Il ne regarde que moi et pas les bonnes qui agitent les bras par la fenêtre. Très marrant d'ailleurs. Bref, il ne regarde que moi et ne parle qu'à moi.

— Suivez-moi mademoiselle je vous en prie.

Il me montre de la tête sa voiture noire. Pas très rassurant. Il doit avoir la quarantaine mais ses cheveux commencent déjà à grisonner. Je me demande ce qu'il me veut, et surtout, pourquoi il veut que je monte dans sa voiture ? Je ne sais pas comment réagir. Et je crois que j'ai trouvé une nouvelle passion.

— Je sais monsieur, j'en ai bien envie, mais voyez-vous, il y a un petit problème.

Je crois que je commence à aimer répondre n'importe quoi. Pour qu'il me trouve stupide ensuite ? Je lui désigne du doigt l'intérieur de la ex-belle maison mais il ne détache pas ses yeux des miens. Pourquoi ? 

— Suivez-moi mademoiselle je vous en prie.

Il ne fait que répéter ce qu'il a dit plus tôt. Il ne fait que répéter la même chose. Comme un robot. Comme un automate. Comme une chose. Comme moi. Il est comme moi, obligé de dire ce qu'on lui a demandé de dire. Obligé de faire ce qu'on lui à demander de faire. La seule différence, c'est qu'il ne se rebelle pas. Pas comme moi.

— Monsieur, vous n'êtes pas obligé vous savez, vous pouvez vous libérer de vos obligations. Ne restez pas planté là comme un poireau en tout cas, je ne viendrai pas.

Je croise les bras en signe de désaccord. Je ne viendrai pas. Point. Et il ne pourra pas m'obliger à venir. J'ai appris à résister. Malgré moi. Mais, l'homme ne semble pas m'entendre car il répond exactement la même chose qu'avant. Et je sais que si je ne fais rien, ça pourra durer des heures. 

Je le suis donc. Et il sourit. Pas un sourire carnassier ni dément, comme j'en vois tant, mais plutôt, un sourire bienveillant. La première fois que j'en vois un. Un vrai sourire. En m'approchant de la voiture, je remarque une silhouette sur le siège de conducteur et le siège passager à l'avant de la voiture. Ce qui signifie que l'homme près de moi, dont j'ignore tout, va devoir rester à l'arrière. Près de moi.

C'est bien sûr hors de question. Comment ai-je put me dire un seul instant que c'était une bonne idée, depuis quand monter dans la voiture d'un inconnu est une bonne idée ? Et même si je n'ai plus que trois semaines à vivre, je ne compte pas les gâcher en me faisant kidnapper. Je compte au moins pouvoir choisir de tuer l'un des membres de ma famille. C'est une vengeance que j'attends depuis longtemps !

Je recule. Non pas craintivement, mais plutôt fièrement avec un soupçon de défi. La recette parfaite pour faire enrager ce gaillard. Malheureusement, il reste stoïque. Aucun mouvement dans son visage ou ses yeux ne montre de l'énervement. Je croise mes bras et m'obstine à reculer. Il ne fait toujours rien. Pas un mouvement. Rien. Et avant que je ne rentre dans ma « demeure » qui est toujours en flamme, il s'approche en un bond et m'attrape par le bras. Je ne suis pas bien musclée, mais je suis intelligente. Je pousse un cris et tombe par terre. Il ne se fait pas piégé et il continue à m'entraîner vers la voiture.

Il s'arrête à quelques pas de la portière et attends, les bras croisés lui aussi. Il veut que j'y aille de moi-même. Étrange. Je le regarde, mais je préfère ne prendre aucun risque. Je crois bien qu'on aurait put rester comme ça encore longtemps. Heureusement ou malheureusement, je ne sais pas trop, je vois au coin de la rue la grosse voiture de ma famille. Je m'étonne d'abord : ils n'étaient pas sensés rentrer avant ce soir, puis, je me souviens. Fichu bonnes. J'avais complètement oublié de leur confisquer le téléphone fixe qui se trouvait au fond de la pièce. Elles avaient sûrement prévenues ma famille. Et maintenant ils venaient pour me punir.

Je sais ce qu'es une punition selon eux. Alors je préfère encore faire confiance à l'inconnu. Avant qu'ils ne puisse m'attraper avec leurs longs bras je saute dans la voiture et ferme la portière derrière moi. Elle se réouvre pour laisser entrer le gars qui voulait que j'y aille. Je l'avais presque oublié celui-là... il me sourit et je lui sourit en retour. Un sourire un peu forcé de ma part, mais franc de sa part. Je reprend confiance et observe mon père s'effondrer de rage devant le seuil. Il commence enfin à regretter d'être parti sans avoir terminé le serment. Tous ses précieux meubles sont détruits. Et sa si précieuse bibliothèque aussi. Je retiens à peine un rire diabolique. La folie c'est décidément une bonne chose.

La voiture démarre à toute vitesse et j'ose enfin leur demander ce qu'ils veulent. Je sais que je suis unique, mais ils n'ont pas le droit de me kidnapper avant que ma mission se termine. C'est-à-dire que personne ne peut me kidnapper parce qu'après ma mission je meure. La vie est éphémère. Mais la mienne encore plus.

— Je peut savoir ce que vous me voulez où je dois rester sage comme une poupée ? Vous avez bien vu de quoi je suis capable.


Mia UrshaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant