Celle-ci balbutia :
-Euh...on vous attendait justement pour en décider. On ne peut pas décider d'une date sans vous consulter, car ce n'est pas seulement leur mariage, c'est aussi l'union de nos deux familles. De plus, le mariage est quelque chose qui se prépare minutieusement, on doit collaborer pour que tout se passe bien. N'est-ce pas Founa ?
-Tu as tout à fait raison, Natassou, répondit-elle.
Hamed se sentait de plus en plus nerveux. Il avait l'impression que sa mère avait aggravé la situation.
-Ah, ce que vous dites là est bien vrai, continua Mahazou. Moi et Founa pensons que, après deux ans, Hamed et Haziza se connaissent suffisamment pour envisager une vie de couple maritale. Pourquoi attendre plus longtemps ? Je pense que pour commencer, on doit organiser la cérémonie de la dot et le plus tôt sera le mieux.
-Oui, vous avez raison. Tout doit se faire par étapes. Vous pouvez déjà réfléchir aux choses que vous voulez pour la dot et après, nous pourrons choisir une date, déclara Natassou.
Anderson se mit à tousser très fort, comme si la nourriture lui était passée de travers. D'abord surprise, Natassou envoya Haziza chercher de l'eau dans la cuisine. Elle s'exécuta aussitôt et quand elle revint, elle servit un grand verre à Hamed qui bût goulûment.
-ça va, mon fils? Tu te sens mieux? S'enquit Founa.
-Qu'est-ce qui s'est passé? Enchaîna Natassou.
-Tout va bien, répondit-il enfin après avoir repris son souffle. La nourriture m'est passée de travers et j'ai paniqué.
-Toi, un gros gaillard comme ça, tu as peur de la mort? Ricana sa mère.
-Très drôle, maman, murmura-t-il.
-Au moins, tu auras appris qu'on ne parle pas la bouche pleine, conclut Mahazou.
"dixit celui-là même qui ne faisait que manger en mastiquant et parlant bruyamment. Et ça veut me donner des leçons de morale", marmonna Hamed entre ses dents serrées.
Il commençait vraiment à en avoir marre de toute cette mascarade et avait envie de passer ses nerfs sur quelqu'un. Finalement, il s'essuya la bouche et se leva.
-Où vas-tu? Tu n'as pas fini ton plat, dit Natassou.
-J'ai du travail mais je pense que je vais plutôt me reposer, maman. Je n'ai pas eu le temps de le faire aujourd'hui.
-Toujours le travail, soupira Natassou.
-Bonne nuit, Nènè, coupa Hamed. Bonne nuit à tous.
Il connaissait tellement bien sa mère qu'il savait qu'elle ne finirait jamais de faire de son acharnement au travail, tout un sujet qui allait perdurer pendant des siècles et des siècles. Il s'éclipsa donc rapidement et rejoignit sa chambre.
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On était dimanche. Le temps était plutôt calme et la météo prévoyait une journée plus ou moins ensoleillée. Kalisha avait troqué ses complets tailleurs contre une robe blanche en tissu léger, un chapeau et des lunettes de soleil. Dans le coffre de la voiture, elle avait mis un panier contenant des sandwichs et des sodas, une pelle, un seau et une serviette. Il était 9h quand elle prit la voiture en direction de la plage. A cette heure de la journée, la plage était sûrement déserte et c'était justement ce calme qu'elle recherchait. La plage située à environ 30 minutes de chez elle était réputée pour ses beaux sables blancs, sa mer au reflet bleu turquoise et l'air frais de la bise marine. Elle y arriva beaucoup plus rapidement et gara non loin de la plage. Elle descendit toutes ses affaires et vint disposer la serviette sur le sable blanc avant de déposer le panier dessus. Elle s'assit les pieds en tailleur et laissa son regard admirer toute cette étendue d'eau et se perdre dans l'horizon. Cet endroit lui rappelait ses vacances au Cap-Vert, où elle avait visité la plage de Santa Monica, sur l'île de Boa Vista. En y repensant, elle se mit à fredonner la chanson « petit pays » de Cesaria Evora, l'artiste chanteuse cap-verdienne surnommée la « diva aux pieds nus ». Plus elle chantait, plus l'épisode de la veille lui revenait à l'esprit et sans s'en rendre compte, elle chantait de moins en moins jusqu'à arrêter complètement. La veille, un oncle du village, l'avait appelée. Il l'avait sévèrement réprimandée quant au fait qu'elle ne s'était toujours pas mariée à son âge, comme si elle avoisinait les 70 ans. Et non content de cela, il s'en était pris à sa mère au motif que c'était sa faute si le célibat de Kalisha était source de déshonneur pour eux : « c'est la faute à Gniré si tout ça arrive. Au lieu de te laisser grandir au village pour que tu apprennes nos valeurs et coutumes, elle a préféré t'envoyer à l'école en ville. Regarde où ça nous a menés, tu as de l'argent, mais aucun homme ne veut de toi ! Est-ce une vie ça ? Tu vas mourir, vieille fille ! C'est moi qui te le dis ! En tout cas, je ne veux pas être là pour voir ça. Encore heureux que tu parles ta langue maternelle, autrement tu serais irrécupérable ». Il a débité tout un tas d'autres choses sur comment le choix de sa mère de l'envoyer en ville pour faire ses études en négligeant l'apprentissage des valeurs africaines telles que se former pour être une bonne épouse et une bonne mère la ferait courir à sa perte. Sans même s'en rendre compte, des larmes lui perlaient le long des joues. Elle aurait voulu que Fatima-Sara soit là pour la consoler, mais il était 22h ; il était tard pour l'appeler, elle était sûrement au lit. De plus, elle était mariée maintenant. L'amitié entre femme célibataire et femme mariée était mal vue, généralement par le mari lui-même, estimant qu'une célibataire ne ferait qu'une mauvaise amie et conseillère pour la femme mariée. Intérieurement, Kalisha remerciait le ciel que l'époux de Fatima soit si compréhensif et la laisse voir son amie de temps à autres, même si elle ne le connaissait pas personnellement. Kalisha sentit une main lui caresser la joue. Pensant au début que c'était la sienne, elle ne réagit pas. Mais quand elle se rendit compte que ses deux mains étaient dans le sable, elle tourna lentement la tête et hurla de peur.
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A cœur ou...à raison?
RomanceUne femme, un homme. Deux géants des affaires, deux rivaux emmenés à travailler ensemble mais dont les cœurs finissent par battre à l'unisson. Mais quand les alliances interethniques s'en mêlent, faut-il écouter son cœur ou sa raison?