2085, aéroport de la méta-cité de Shandong, Qiánjiāng.
— Vous êtes en retard, M. Steward !
L'accusation sans appel frappe de plein fouet l'homme roux. Son casque qui couvre normalement le tumulte de l'aéroport de la méta-cité ; où il vient d'arriver après une dizaine d'heures de vol, n'empêche pas les paroles de l'assaillir. Le dénommé Steward, Cassiel de son prénom, ne bronche pas lorsque cette remarque résonne encore à travers son implant neural. Remarque qu'il connaît fort bien puisqu'elle le suit depuis des années. Dès son enfance, il a entendu cette lancinante rengaine au sujet de ses retards à répétition. À vrai dire, il n'a jamais été ponctuel, même quand il mettait tout en œuvre pour arriver à l'heure. Et quand ce n'est pas de son fait, il subit également cette remontrance, comme le prouve une nouvelle fois les paroles de la voix féminine.
Désabusé, Cassiel retire son casque et le laisse autour de son cou. Il marque un temps d'arrêt alors que l'écho de cette voix à la tessiture chaude, presque grave, aux influences indiennes, résonne dans sa tête. Sortant d'une sorte de torpeur, il parcourt du regard la foule amassée devant lui à la recherche de l'origine de cette voix. Au bout de quelques instants, une femme de grande stature s'impose à lui. Sans l'ombre d'un doute, il le sait, c'est elle. D'une carnation sombre, son port altier et gracieux contraste avec sa carrure imposante. En observant ses bras qui dépassent de la veste posée sur ses épaules, il perçoit les muscles qui se dessinent sous sa peau tatouée. Pour parachever le tableau, elle revêt une tenue élégante et habillée de femme d'affaires.
Il continue d'avancer d'un pas traînant vers l'inconnue qui l'a interpellé, portant avec nonchalance ses bagages. Une fois arrivé à hauteur de son hôte, il doit lever les yeux pour soutenir le regard de son interlocutrice. C'est rare qu'il croise une femme aussi grande que celle en face de lui, toutefois, Cassiel n'est pas reconnu pour sa grande taille du haut de son mètre soixante-dix. La moue dédaigneuse de son interlocutrice lui indique qu'elle patiente depuis un temps considérable. De fait, si son premier vol s'est déroulé sans encombre entre Londres et Shanghai, le second lui a eu plus d'une heure de retard. Un imprévu dont il se serait bien passé. Un regard à moitié amusé et chargé de reproches l'accueille lorsqu'il plonge ses prunelles pers dans celles mordorées de cette femme au charisme et à la prestance inaltérables. Il n'en décèle pas moins une certaine chaleur derrière ce masque de sévérité.
— Dàshī* Parekh, je suppose ?
Elle lui tend une main dont la poigne ferme et les cals ; témoins d'un entrainement intensif et d'une vie sur le terrain ; contrastent avec sa manucure et son élégance globale.
— Elle-même. Bonjour M. Steward et bienvenue dans la province de Shandong. Suivez-moi. Je vous présente également Batu Zhuk, mon second.
Tout en emboîtant le pas d'Esther, le dénommé Batu, opine du chef en guise d'assentiment et de salut. Cassiel a à peine le temps d'observer l'homme qu'il doit se contenter de son dos. Il passe au crible la posture du conjureur. Celui-ci laisse une étrange impression à Cassiel. Sa démarche est tout aussi impressionnante que celle d'Esther, bien qu'il soit plus finement sculpté d'après ce que suggère sa tenue. En revanche, une aura sombre émane de lui, comme s'il dissimulait une certaine sauvagerie, une violence qui ne demande qu'à sortir. L'échine de l'Écossais tressaille sous un frisson d'horreur. Comme s'il perçoit son trouble, Batu se retourne vers Cassiel d'un air inquisiteur. Ce dernier lève la main en signe d'apaisement et avance à sa suite. J'ai connu plus aimable comme accueil... Et plus chaleureux pour le coup. Cette visite promet d'être riche en émotions.
Le trio déambule dans l'aéroport, ce qui semble être une éternité pour Cassiel. Privé de sa musique pour lui tenir compagnie, il se contente de suivre la directrice de la Guilde et son homme de main, au travers de la foule de badauds. Tout en marchant, il ne cesse d'observer le mix de populations et de cultures se pressant dans les couloirs. A n'en pas douter, un grand nombre d'asiatiques en provenance de tous les pays, allant des natifs chinois, aux coréens, deuxième communauté la plus importante d'après le réseau holoweb de la ville. Viennent ensuite des japonais, des indiens, mongols, et tant d'autres. Quelques étrangers hors Panasie sont toutefois présents, mais pas en grand nombre. Parmi la masse de chevelures sombres, quelques-unes, plus colorées, s'affirment par un rose, un dégradé allant du bleu au vert ou plus simplement par une belle chevelure aux couleurs flamboyantes, comme celle de Cassiel.
VOUS LISEZ
Conjureur
Ciencia FicciónSur Terre, la magie décroît. Le monde spirituel s'étiole petit à petit. En 2085, esprits et humains cohabitent tant bien que mal sur une Terre en proie à l'appauvrissement magique et où la technologie remplace de plus en plus la magie. Suite au meu...