Chapitre 3 - Quelque chose s'achève, quelque chose commence

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— Un avant-bras ? explose Cassiel.

Silence.

— Son avant-bras ?

Nouveau silence.

— C'est tout ce que vous avez ? Son putain d'avant-bras ?

Les cris d'une rage froide de Cassiel résonnent dans la morgue. Le Dr. Huáng sursaute à chaque exclamation du conjureur. Ce dernier demeure figé, le visage tordu par la colère. Bien qu'il n'ait jamais vraiment porté son père dans son cœur, il ne le détestait pas pour autant. Il s'était attendu à voir le corps sans vie de son paternel, mais en aucun cas à ce qu'il a sous les yeux en ce moment. Tout son corps est parcouru de soubresauts suite au trop plein d'émotions qu'il vient de subir. Il peine à se contrôler. Il en veut à son père, d'être mort si loin et pour une cause qui lui échappe. Il en veut aussi à Esther, de ne pas lui avoir avoué la vérité. Lui annoncer qu'ils n'ont pu retrouver que le bras gauche de Karl. Pourquoi ne pas lui avoir révélé cette information d'entrée de jeu ? Il s'en veut également d'avoir été si égoïste et de ne pas avoir pensé à son père durant ces dernières années. De l'avoir repoussé.

Ses jambes le trahissent. Elles cèdent sous lui, provoquant sa chute. Il se rattrape tant bien que mal au tube dans un fracas métallique perçant. Le légiste sursaute une nouvelle fois en entendant le bruit du caisson qui tremble sous le poids du conjureur. Troublé par le malaise de Cassiel, il se précipite vers lui et l'aide à se relever. Il l'amène ensuite à son bureau, le force à s'asseoir afin qu'il reprenne ses esprits. Le médecin se tourne ensuite vers la directrice et la fixe d'un air courroucé.

— Madame, avec tout le respect que je vous dois, d'une part vous vous permettez de troubler le calme de mon lieu de travail, mais en plus, vous dissimulez à cet homme la nature de la mort de Karl Steward. Je veux bien admettre que vous soyez un peu brut de décoffrage, mais ce n'est pas dans vos habitudes de passer sous silence ce genre d'informations.

— Docteur Huáng, vous serez autorisé à me donner votre avis quand j'en aurai besoin. En attendant, veuillez retourner à vos occupations. Nous avons besoin du fils des Steward ici. Et il est clair que Cassiel ici présent, n'avait aucune envie de rester pour poursuivre l'entreprise de feu son père. Il est le seul à avoir des indices sur ce que tramait Karl. Dois-je vous rappeler les événements d'il y a quatre ans ? Et ce qu'ils nous ont coûté ?

L'air peu accommodant de la directrice douche les ardeurs du légiste qui, dans un geste désespéré de se faire oublier, rechausse ses lunettes à réalité augmentée. Penaud, il sort de la morgue, en laissant les deux conjureurs en tête à tête.

Une fois le médecin parti, Cassiel relève la tête et fixe durement Esther. Il ne reste plus aucune trace de la colère qui émanait de lui quelques minutes auparavant. Toutefois, son expression se fait plus fermée, comme s'il porte un masque dénué de toute expression. Esther note le regard perçant de Cassiel. Il n'a plus cette naïveté et cette insouciance qu'elle a pu voir jusque-là. Il semble plus décidé, plus mûr. Et c'est ce qu'elle veut. Qu'il prenne ses responsabilités.

— Vous le saviez, n'est-ce pas ? accuse Cassiel d'une voix âpre.

— Évidemment. Sinon pourquoi aurais-je omis de mentionner ceci ? Cassiel, nous avons besoin de vous pour reprendre le travail de Karl. Votre père enquêtait sur divers événements d'une importance capitale. Le seul souci, c'est que personne ici n'est en mesure de savoir de quoi il s'agit. Nous n'avons aucune information valable. Vous seul pouvez défaire ce qu'a mis en œuvre votre père pour protéger ses secrets.

— Défaire le travail de mon père ? Putain, mais vous vous foutez de moi ? Ça fait sept ans que je n'ai pas vu mon père et vous me demander de prendre sa suite ? De continuer son enquête ? De trouver ses indices ? Vous savez quel genre d'homme et de conjureur il est... Était... Bref, et vous me demandez à moi, de poursuivre ?

ConjureurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant