Chapitre 5 : Laisser mourir

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Je revins deux jours plus tard, reposée et sereine puisque j'avais réussi à dormir plus de douze heures d'affilée.

J'avais aussi pris le temps de discuter un peu avec ma logeuse, Madame Sakamoto. Depuis quelques années maintenant, cette veuve d'une soixantaine d'années, avait ajouté dans sa maison traditionnelle perdue en plein cœur de Tokyo, trois appartements dont les loyers, modiques, lui permettaient de joindre les deux bouts. Les logements étaient minuscules, certes, mais le jardin était magnifique et les "résidentes" comme nous appelait Madame Sakamoto, pouvaient en disposer à leur gré.

Madame Sakamoto était une pipelette et j'avais ainsi rattrapé toute une semaine de potins. Apparemment, une de mes voisines avait un fiancé, une relation "assez sérieuse" et Madame Sakamoto avait beaucoup de choses à dire sur la question. Ses pensées étaient aussi traditionnelles que sa maison. De ce fait, elle ne louait ses appartements qu'aux femmes et n'autorisait pas les visites masculines. Ce qui, jusqu'à présent, ne m'avait nullement dérangée, au contraire d'ailleurs : j'avais alors disposé d'une excuse parfaite pour refuser de faire entrer mes quelques amants dans ma vie.

Mais après le énième "vous vous rendez coooooompte ?", j'avais poliment mis fin à la conversation en prétextant un semi-mensonge : j'avais de nombreuses tâches à faire : un peu de ménage, des lessives, du rangement ... Ce que j'avais fait mais le lendemain.

J'en avais profité pour manger au restaurant et regarder des émissions télévisées sans intérêt. Bref, j'avais passé deux jours de repos ordinaires au cours desquels j'avais enfin réussi à sortir Mick Angel de ma tête.

Enfin, presque ... puisque j'étais passée chez mon coiffeur habituel qui avait cette inestimable qualité de ne pas travailler sur rendez-vous. Chez lui, il suffisait de patienter en attendant son tour, ce que j'avais fait avec plaisir, puisque j'avais prévu de quoi lire en quantité dans mon sac à main ...

J'entrai dans la salle commune de la Clinique vers les six heures du soir, prête à me mettre au travail et à entamer une nuit de garde.

- "Salut Kazue ! Oh jolis, tes cheveux !" s'exclama Naoko, toujours enthousiaste, assise dans son fauteuil habituel, une tasse de café fumant dans les mains. "Couleur et pointes ?"

- "Oui, comme d'hab. Ça ne change pas grand chose mais je me sens mieux !" Dis-je tout en me servant moi aussi, une grande tasse de café.

- "Tu as raison, c'est important de prendre soin de soi. Mais j'avoue que je ne suis pas fâchée que tu sois de retour...." Ajouta-t-elle d'un air énigmatique.

- "Pareil." ajouta Himika.

- "Que s'est-il passé ?" Demandai-je. "De nouveaux arrivés ?"

Elles éclatèrent de rire.

- "Heureusement non !"

- "En fait, au début, on était plutôt ravies de s'occuper non stop de ton beau blond ..."

Je faillis m'étouffer en avalant de travers en entendant "TON beau blond" :

- "Pardon ... trop chaud, ce café." Mentis-je.

Elles échangèrent un sourire complice avant que Naoko ne reprenne :

- "On disait donc, qu'on était plutôt ravies de s'occuper de Mick mais ... En fait, bah, c'est pas si drôle ... Il est beau mais je crois qu'il est en train de déprimer."

- "Oui." Renchérit Himika. "Il donne le change mais on voit bien que le cœur n'y est pas. En plus, ce matin le Doc lui a fait les premiers tests de réflexologie ..."

Je relevai les yeux de ma tasse et la regardai, tendue :

- "Alors ?"

- "Alors, la cata ... Pourtant, il était de bonne humeur quand ils ont commencé ... Garde le pour toi, mais je crois que le Doc a amené la télé dans sa chambre et qu'ils ont passé la nuit à regarder ..." Naoko rougit. "Enfin, tu vois, quoi ... des trucs pour adultes ... D'ailleurs, Ryo s'est invité aussi. Lui, il dort comme une masse dans la chambre une."

Yes or No ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant