Chapitre 3 - ASTRID

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4 janvier

Auguste, aux antipodes d'Elias, n'a pas l'air surpris. Il m'observe de ses deux billes brunes, les bras croisés, comme si j'avais étalé une vérité qu'il savait déjà. Elias se tient contre la table, visiblement choqué.

— Assassinée ? murmure mon frère. C'est parfaitement plausible, oui...

— Je connaissais Igmun mieux que personne, je fais d'une voix claire, elle souffrait de céphalées et de maux de tête depuis plusieurs semaines. Les médicaments n'arrangeaient rien à son état, elle disait que c'était dû à son âge.

Si j'avais pu la faire diagnostiquer avant... Je serre les poings, faisant taire la culpabilité qui gronde en moi.

— Je pense que la lecture testamentaire tardive n'est pas un hasard, déclare Auguste. Igmun était au courant de quelque chose, peut-être même savait-elle qu'une personne voulait la nuire. (il me regarde bien en face) Elle nous donne un sursis, Astrid.

Je pense à la même chose. En dépit de son âge, Igmun était maligne. Si quelqu'un a souhaité lui faire du mal, elle a dû le deviner. A-t-elle trouvé des preuves ? Les a-t-elle cachées pour nous permettre de trouver le coupable ? Igmun adorait les énigmes, sans nul doute qu'elle a dissimulé les indices aux yeux des plus naïfs...

— Fouillons son bureau, je lance, elle nous a sûrement laissé une piste à exploiter.

— Qui aurait pu faire une telle chose ? dit Elias d'une voix brisée. Je ne comprends pas. Igmun...

— ... avait des ennemis, le coupe Auguste, comme chacun de nous. Plus tu es haut placé, plus les gens te haïssent. (il me scrute de haut en bas) Nous t'attendons dans la voiture.

J'ai presque oublié que j'étais en pyjama.

Après avoir enfilé un jean, une chemise blanche, mon manteau beige pour me tenir chaud et mes bottes en cuir, je rejoins mes deux acolytes dans l'horrible Fiat Panda de mon frère. Auguste me gratifie d'un mouvement de menton que j'ignore, puis m'assois à l'arrière de la voiture.

— Quelle est la situation actuelle ? je demande lorsque nous quittons la place de parking.

— Robert est directeur en intérim, ma... femme a refusé son poste, m'explique Elias. La lecture du testament va confirmer la succession, si oui ou non Robert hérite de l'entreprise. Quant à Rosaline, nous n'avons pas pu en parler puisqu'elle ne sort pas de sa chambre.

Je savais, dès qu'Elias me l'a annoncé, que ce mariage serait voué à l'échec. Rosaline n'a jamais correspondu à mon frère : silencieuse, froide, craintive, elle ne s'exprime presque jamais. Leur différence d'âge est aussi un problème puisqu'ils ne peuvent pas avoir d'enfants. Je me suis demandé maintes fois pourquoi ils ne divorçaient pas, mais je suppose que je ne connais pas toute l'histoire non plus. Elias se montre sur la défensive dès que j'aborde le sujet, alors j'ai laissé tomber.

— Marjorie et Cecily étaient présentes, ce matin ?

— Oui, avoue Elias, elles sont parties peu de temps après le départ du notaire.

Je ne les ai jamais portées dans mon cœur. Marjorie est une femme entièrement dévouée à son mari, cautionnant beaucoup trop de choses innommables. Cecily, leur fille, est la définition même de la nervosité, tremblant de tous ses membres à chaque réunion de famille, et souffrant sans doute de troubles alimentaires, puisqu'elle n'avale pas plus de deux bouchées. Je me demande parfois ce qu'il se trame dans cette demeure ou ce que Robert leur fait subir. Nous ne saurons probablement jamais.

— Il ne faut écarter aucune possibilité, j'ajoute, nous devons trouver le meurtrier avant la fin du mois.

Je surprends le regard d'Auguste en train de m'observer dans le rétroviseur. Il semble à la fois soucieux et hésitant, mais je n'ai pas le temps de lui demander pourquoi qu'il tourne la tête en direction de mon frère.

Le Bouquet de Fleurs FanéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant