Chapitre 24 - AUGUSTE

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29 janvier

Il m'arrive de penser que la vie ne vaut pas la peine d'être vécue.

Quand maman a eu son cancer, le monde s'effondrait autour de moi. Les médecins étaient optimistes mais je savais que plus rien ne serait comme avant.

Mon père, en véritable ordure, a attendu que maman se rétablisse pour divorcer. Je n'ai pas les épaules pour porter un tel fardeau, a-t-il murmuré, désolé.

Ce jour-là, j'ai dit adieu à mon géniteur et cessé tout contact avec lui.

Hormis Astrid et Elias, je n'avais pas beaucoup d'amis au collège. Tous me trouvaient étrange, silencieux, froid. J'en ai longtemps souffert avant d'apprécier la solitude, ma propre compagnie. Être satisfait de soi-même est déjà un grand pas.

Je n'ai jamais été véritablement heureux dans la vie. Aucun moment marquant qui, une fois remémoré, me procure encore une joie intense. Dans ma mémoire ne flottent que les souvenirs tristes et la douleur.

Une vie banale, sans moments exceptionnels qui méritent d'être racontés.

Je ne sais pas pourquoi je pense à tout ça. Généralement, je garde mes sombres pensées loin de moi et les chasse lors de mes insomnies. Mais aujourd'hui, elles sont prédominantes.

Le visage d'Astrid flotte devant mes yeux. Sa voix répercute agréablement dans mes oreilles. Aussitôt, un frisson me parcourt le dos comme à chaque fois que je la vois.

Elle me fait de l'effet.

Ses yeux verts sont durs, impitoyables, mais avec moi ils s'adoucissent. J'aime ses cheveux ondulés qui balayent ses épaules quand elle marche. J'aime sa personnalité forte et courageuse, je l'admire pour cela. Sa capacité à rester debout malgré la difficulté, malgré le chagrin et la souffrance.

Depuis quand ?

Dès que je l'ai aperçue dans le hall du manoir d'Igmun, il y a dix-sept ans. C'était la première fois qu'Elias m'invitait chez lui et, étant très timide, je n'ai adressé qu'un bonjour très approximatif. En relevant la tête, son regard m'a transpercé l'âme et le cœur d'une seule flèche acérée. J'étais condamné.

Je suis condamné.

Tout au long de ma scolarité, je n'ai fait que profiter des rares instants où je l'avais pour moi tout seul ; en dehors de son frère, bien sûr. J'ai appris à l'observer de loin, à la contempler tel un joyau dans la chambre d'Elias alors qu'il s'acharnait sur FIFA.

Avec le temps, je pense que je me suis résigné et la distance instaurée à la fac n'a pas arrangé la chose. Jusqu'à ce que je sois embauché dans la même maison d'édition qu'elle. Quel coup du sort, ai-je pensé. Mais Astrid est devenu un véritable glacier et tenter de renouer nos liens s'est avéré aussi inutile que de lire la fin d'un ouvrage avant de même le commencer.

Jusqu'à ce qu'Igmun décède dans d'étranges circonstances et qu'Astrid veuille mener l'enquête.

Pourquoi est-ce que je pense à cela aujourd'hui ? Peut-être suis-je en train de rêver et que mes songes prennent naturellement la direction des choses que j'apprécie.

Mon esprit flotte entre deux mondes, celui qui est inaccessible et un autre plus réel, plus rigide. Des mains me palpent le torse, d'autres la tête. J'ai vaguement conscience d'une lumière aveuglante dans ma pupille gauche alors que je sombre de nouveau dans une nuit sans étoiles.

L'aube émerge de mon esprit et mes paupières s'ouvrent d'elles-mêmes.

Un plafond blanc. Des lumières artificielles. Un rideau blanc autour de mon lit.

Le Bouquet de Fleurs FanéesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant