14 janvier
Cecily me regarde avec un air hautain. La jeune fille de seize ans, si docile et silencieuse, a l'air de s'être muée en adulte tant elle est différente. Elle prend le temps de coiffer ses cheveux en arrière et de nous inviter, d'un grand geste de la main, à l'intérieur de sa chambre. Auguste déglutit, puis entre dans la pièce en premier. Une fois la porte fermée derrière nous trois, Cecily entreprend d'ajuster ses vêtements.
— Je ne comprends pas, je fais.
— Qu'est-ce que tu ne comprends pas ? rit Cecily avec sarcasmes. Comment je peux coucher avec un homme de vingt-cinq ans ? Ou pourquoi je suis si terrifiée en présence de mes parents et si dévergondée aujourd'hui ?
— Oui, rétorque Auguste, c'est précisément les choses auxquelles nous pensons.
Son expression si fière s'affaisse un peu.
Je me souviens quand Cecily est née. J'avais douze ans et je me suis demandé pourquoi Marjorie ne rayonnait pas comme ma maman sur les photos. Non, sa mère pleurait. Pas de joie, non, d'une tristesse que rien ne pouvait soigner.
Cecily est née dans une famille sans amour, m'a dit un jour Igmun, c'est à nous de lui donner ce qui lui manque.
— Victor est la seule chose qu'elle ne peut pas contrôler, déclare Cecily, elle pense que nous nous exerçons et ne s'est douté de rien quand j'ai demandé à le voir tous les jours pour des leçons particulières. Et ça a fini par arriver.
Mon dieu, si ses parents l'apprennent, ça sera un véritable enfer, je songe.
— Nous ne sommes pas là pour ça, je lance, Cecily, pourquoi nous as-tu assommés ? Et que faisais-tu dans le manoir ?
L'intéressée écarquille les yeux. Sa surprise est manifestement sincère puisqu'elle se cramponne au lit à la manière d'une bouée de sauvetage.
— Comment l'avez-vous su ?
— Nous avons nos sources, répond Auguste avec fermeté. Qu'est-ce qui t'a pris ? Pourquoi as-tu fait cela ?
Cecily déglutit bruyamment. Je peux la voir monter toutes sortes d'excuses dans sa tête, comme une adolescente de seize ans ferait pour se dédouaner, mais finalement, elle baisse la tête d'un air penaud.
— Je n'avais pas le choix, murmure la jeune fille, il fallait que je le fasse, c'est tout.
— Pourquoi ? j'insiste. Qu'as-tu à y gagner ?
Ses yeux s'agrandissent de terreur. En une demi-seconde, elle est redevenue cette petite fille effrayée, sous le joug de ses parents. Peut-être est-ce même encore le cas.
— Je ne peux pas le dire, souffle Cecily, je lui ai promis. Et si je trahis sa confiance... (elle se gratte intensément le crâne, le visage pâle) Je serai morte, Astrid.
Morte ? Je m'abaisse à son niveau pour la regarder droit dans les yeux. Ils sont presque devenus totalement noirs.
— Tu aurais pu nous tuer, j'ajoute, ton coup a failli être fatal pour Auguste. Est-ce ce que tu veux ? (pas de réaction) Cecily ?
— Je suis désolée, murmure la jeune fille.
— Mais bon sang ! gronde Auguste. Tu veux réellement nous nuire ?
Elle sursaute. Je pose une main sur le bras de mon acolyte pour le calmer. D'ordinaire, j'aurais eu la même réaction mais ma "cousine" est tout bonnement terrifiée, la brusquer ne servirait à rien.
— Qui t'a demandé de faire cela ? je lui demande doucement.
Cecily se redresse. Elle tourne la tête vers l'unique plante de sa chambre, un minuscule cactus un peu sec, qu'elle pointe du doigt.
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Le Bouquet de Fleurs Fanées
Mystery / ThrillerAstrid est une jeune éditrice au passé tumultueux ; à la mort de ses parents, elle est adoptée par Igmun Delatorre, une riche femme avec qui elle s'entend très bien. Mais quand celle-ci est assassinée le jour de son anniversaire, la jeune femme n'a...