1. L'objet

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Il pleuvait depuis trois jours dans la capitale du Tanganyika. Là-bas, le beau temps précède la pluie. Mon seul espoir était de pouvoir rentrer dans mon pays et de rejoindre ma famille. Pour la première fois en deux ans, j'avais la possibilité de retrouver mon père et mes deux petits frères. Peu après le décès de ma mère, j'avais quitté mon pays, le Congo, pour la Tanzanie, dans le but de faire mes études universitaires dans des conditions acceptables aux yeux de mon père, qui supportait seul toute la charge de mes études à l'étranger. C'était il y a treize ans. J'ai trente-trois ans aujourd'hui et je m'appelle Liza.

À la mort de ma mère, je fus désignée pour rassembler ses effets personnels et les remettre aux membres de sa famille : mes tantes, oncles et grands-parents maternels, comme l'exigeait la tradition. C'est dans la chambre à coucher de mes parents qu'étaient rangées toutes ses affaires. Mais il n'y avait pas de biens de grande valeur. Sa bijouterie entière tenait dans mes petites mains, rappelant le sobre caractère de la défunte, et seules deux vieilles valises suffisaient à contenir tous ses vêtements.

Dans une troisième valise, plus petite, que je descendis du dessus de la garde-robe, se trouvaient des documents. Il y avait ses diplômes d'études, mais également des photos, des cartes postales et, tout particulièrement, une enveloppe déformée, par son contenu visiblement dur et compact. En prenant l'enveloppe, je m'interrogeai quant à l'usage d'un emballage aussi inadéquat pour cette chose qui aurait plutôt eu sa place dans une boîte.

J'ouvris l'enveloppe et en sortis un objet solide que je déposai sur le lit. Voulant m'assurer de l'intégrité physique de l'enveloppe avant d'y remettre l'objet, je l'inspectai et y découvris des écrits. C'était l'écriture de ma mère. Mon père étant absent, je décidai de l'attendre avant de ranger la petite valise. Cela me laissait surtout le temps de regarder de plus près cet objet qui me fascinait particulièrement. Au retour de mon père, après le dîner, je lui tendis séparément l'objet et l'enveloppe.

- Je ne sais pas encore ce que c'est, mais il y a un message à l'intérieur de l'enveloppe, dis-je à mon père.

- Tu peux garder l'objet pour toi. L'enveloppe est sans valeur.

- Comment peux-tu être sûr qu'il me revient à moi et pas à quelqu'un d'autre ?

- Disons qu'il est à toi, parce que tu l'as trouvé.

- T'appartient-il ?

- Non.

- Les écrits dans l'enveloppe, c'est de toi qu'il s'agit, non ? lui demandai-je, en exhibant l'intérieur de l'enveloppe.

- « Je t'ai choisie pour me guider ». Non, c'est d'une femme qu'il s'agit. Je pense que c'est en rapport avec la légende des Shamas. En as-tu déjà entendu parler ? me demanda-t-il.

- Oui, mais très vaguement. Un ancien clan d'assassins, ou quelque chose comme ça, lui répondis-je.

- D'où l'as-tu appris ?

- Je l'ai entendu quelque part, à la télé, peut-être. Mais qu'en sais-tu, toi ? lui demandai-je.

- Pratiquement rien. Ta mère semblait, elle, en savoir quelque chose. Dommage...

- Maman avait-elle un lien quelconque avec les Shamas ? demandai-je, curieuse.

- Je n'en sais rien, Liza. Elle connaissait l'origine de cet objet, qui, je suppose, est lié, lui, à la légende des Shamas. Mais elle et moi avions jugé bon de ne jamais en parler.

- Pourquoi ? demandai-je, de plus en plus curieuse.

- Tout ce que je te demande, c'est de le garder précieusement et très discrètement. Cet objet est un puissant porte-bonheur lorsque tu le caches. Ta mère ne le montrait jamais, car elle pensait qu'il attirerait la curiosité des gens et susciterait la convoitise. Mais surtout, tu connais la femme discrète qu'elle était.

Le Véhicule Des Vivants, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant