9. L'interrogatoire

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Mon pressentiment se confirmait. Quelque chose de mystérieux et de dangereux se tramait derrière cette histoire. Je comprenais que les forces en présence étaient bien supérieures à toute protection que Kaba et Mutis pouvaient m'offrir. Je n'avais pas d'autre choix que de suivre les instructions de ce message à la lettre.

En rentrant dans la salle de réunion, je remarquai que tout le monde était déjà installé. Je repris alors ma place, puis le ministre Mukendi prit la parole :

- Madame Liza, Monsieur Kabasele, nous tenons tout d'abord à vous remercier d'avoir répondu à notre invitation. Avec mes conseillers, Madame Sandy et Monsieur Diabonda, nous aimerions entendre votre version des faits, concernant le déroulement de votre visite au territoire de Babowa, et nous assurer qu'il ne s'est produit aucun incident dont notre gouvernement régional devrait s'inquiéter. Sachez, d'entrée de jeu, que rien de particulier ne vous est reproché.

Pendant une demi-heure, Kaba et moi leur relatâmes l'essentiel de notre aventure à Babowa, omettant intentionnellement toute référence à la pierre de Babowa.

- La patrouille de police qui vous a intercepté et qui a saisi vos effets, prétend que vous rouliez sur un chemin en direction des positions rebelles. En étiez-vous conscients ? nous demanda la conseillère.

- C'est impossible, s'exclama Kaba. Au retour, nous avons emprunté le même chemin qu'à l'aller. C'est aussi le seul que nous connaissons. J'avoue que j'ignorais complètement que des rebelles fréquentaient les environs des villages où nous allions, s'excusa-t-il.

- Des habitants de Babowa prétendent vous avoir conseillé de rebrousser chemin, mais qu'au contraire vous avez décidé de continuer votre route. Ils vous ont alors suspecté d'être venu approvisionner des rebelles, continua le conseiller.

- Nous nous sommes limités à la première localité de Babowa que nous avons visitée. Notre véhicule n'est jamais allé au-delà. En plus, une forte pluie s'annonçait. Nous devions, par conséquent, commencer à rentrer au plus vite. Concernant notre lien avec les rebelles, je crois qu'il faut être un peu fou pour imaginer une telle absurdité, leur rétorqua mon cousin.

- Le lendemain, vous êtes retournés sur les lieux, accompagnés de militaires. La police, à une barrière, déclare avoir remarqué une cargaison dans votre véhicule. Que contenait-elle ? demanda-t-il.

- Nous n'avions aucune cargaison particulière à bord. Il n'y avait que des paquets de boissons emportées pour le trajet, répondit Kaba.

- Maintenant que je vous vois en personnes, il me paraît très improbable que vous ayez la moindre relation avec ces groupes armés, en effet, réagit le ministre.

- J'ai des notes qui peuvent témoigner que tout ce que nous avons fait à Babowa était en rapport avec mes recherches sociologiques, si ça vous intéresse, proposai-je.

- Excellent ! Nous y jetterons obligatoirement un œil, s'extasia-t-il.

- Nous aurons également besoin de voir toutes les photos que vous pourriez avoir prises ce jour-là. Je vais tout de suite ordonner que vos téléphones nous parviennent à cet effet, expliqua Sandy.

Bien évidemment, aucun élément compromettant ne fut découvert dans nos téléphones portables et c'est ainsi que l'interrogatoire prit fin. Nous sortîmes ensuite tous de la salle. Éric ordonna à son conseiller de nous rendre nos appareils et de noter nos coordonnées téléphoniques. Je réalisai alors que, pour ma propre sécurité, il ne serait peut-être plus possible de le contacter, alors que j'avais enfin trouvé quelqu'un qui connaissait certainement tout de la pierre de Babowa. En dépit des circonstances, la suite de l'histoire de son arrière-grand-père m'intéressait beaucoup. J'étais cependant tenue de suivre les instructions de son message et d'agir le plus naturellement possible.

Kaba et moi marchions vers la sortie de l'immeuble du gouvernorat, guidés par un agent, lorsque mon téléphone se mit à sonner. C'était mon père qui s'inquiétait. Je lui promis que je rentrerai dans la capitale saine et sauve, alors que j'entrai dans la voiture. Je profitai de l'inattention du chauffeur et du temps que Kaba prit à saluer les policiers qui gardaient le parking, pour glisser la bouteille sous mon siège.

À l'instant où notre véhicule franchit la grille de clôture du gouvernorat, je sentis en moi une tension croissante à mesure que nous nous éloignions des lieux. Après environ cinq minutes de route, la barrière de police que nous avions rencontrée et traversée à l'aller se trouvait toujours là. Le chauffeur s'arrêta quelques mètres plus loin et informa les policiers que nous revenions du gouvernorat. Il y avait au moins huit hommes en uniformes et deux pick-up ordinaires de police. L'un d'eux s'approcha du véhicule pour exiger nos identités, tandis qu'un second amena ce qui me paraissait être un détecteur d'explosifs.

- Nous allons devoir inspecter votre véhicule, commença le premier policier. Aussi, je vous prie de bien vouloir descendre du véhicule. S'il vous plaît.

- Je vous assure que ce n'est vraiment pas nécessaire de fouiller le véhicule. Nous sommes les enfants de Mutis et nous revenons du gouvernorat, leur expliqua Kaba.

- Ce ne sera pas long, ne vous en faites pas, lui rétorqua-t-il.

- Y a-t-il une arme à feu, à bord ? demanda le second policier.

- Non. Pourquoi ? demanda mon cousin.

- Ce n'est pas ce que dit mon détecteur d'armes. Descendez et éloignez-vous du véhicule immédiatement, commença-t-il à hurler.

- C'est absurde, voyons !

- Nous allons devoir vous emmener au commissariat et fouiller intégralement votre voiture. Embarquez ces jeunes gens avec vous, Officier. Je vais monter à bord de leur véhicule, afin de guider leur chauffeur jusqu'au poste.

- Vous ne trouverez absolument rien, Monsieur l'Agent. Vous perdez votre temps, croyez-moi. Liza, faisons ce qu'ils demandent. Je suis vraiment désolé, s'excusa Kaba.

Je n'eus alors plus le moindre doute quant à leur intention de nous kidnapper. La crainte d'une tournure violente des évènements me paralysait. C'était à peine, si j'arrivai à marcher. Ils m'installèrent dans l'une des voitures et mirent Kaba dans l'autre. Je m'assis sur la banquette arrière, au milieu d'un homme et d'une femme. À l'avant, il y avait un chauffeur en tenue policière, ainsi qu'un homme vêtu de noir. Je n'eus aucun mal à reconnaître l'homme en chemise blanche qui était resté dans le pick-up, lorsque nous avions été interceptés sur la route de Babowa, deux jours plus tôt.

Le véhicule démarra lorsque la voiture de mon oncle passa devant nous, prenant latête du cortège. Je me retournai afin de voir si Kaba était effectivement à bord de l'autre pick-up et se portait bien. C'est alors que l'homme assis à ma droite me saisit violemment par le cou, plaçant sa main sur ma bouche pourm'étouffer. La femme retenait mes membres, m'empêchant de me débattre. L'homme à l'avant pointa son arme sur moi et m'ordonna de me tenir tranquille, si jevoulais que rien ne m'arrive. Ils placèrent ensuite un bandeau sur mes yeux et me prirent le bras afin de m'injecter un sédatif. Je ressentis la douleur de lapiqûre sur mon bras et perdis rapidement conscience. Je pensai à ma famille et priai le Bon Dieu, sentant que je m'éteignais...

Le Véhicule Des Vivants, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant