Le Véhicule Des Vivants, Tome 1

12. Le Visage de la Lionne

Comme convenu, Kisita fut contrainte de se rendre dans la capitale du royaume d'Égypte. L'empereur Nsemi s'assura que rien n'arriverait à celle qu'il déclarait être sa fierté. En effet, une petite armée de quarante guerriers et quinze serviteurs du Kongo escorteraient la princesse jusqu'à la vallée du Nil et le pharaon mettrait trois navires à sa disposition pour cette aventure.

Kisita fit ses adieux à son peuple, qu'elle ne reverrait certainement plus jamais. Si au Kongo, Nsemi était vénéré comme un dieu, alors Kisita l'était comme un ange. Nzuzi, sa mère biologique et épouse légitime de l'empereur, l'exhorta à être une femme exemplaire, aimante, et une ambassadrice utile à sa terre natale.

Les trois navires quittèrent les côtes du Kongo pour le pays du pharaon, avec une seule escale de prévue au grand port du Sénégal, à mi-parcours. Là, se trouvaient déjà la Lionne et ses hommes, déguisés en simples marchands.

À l'arrivée des trois navires égyptiens venus faire des provisions alimentaires pour le reste du voyage, les commerçants du port accoururent près du quai. Quelques soldats et membres d'équipage des navires de la princesse descendirent explorer les lieux et effectuer des achats dans le marché du grand port. C'est alors que Shiwa et ses hommes en capturèrent subrepticement quelques-uns, afin de subtiliser leurs tenues et ainsi infiltrer les bateaux de la princesse. Une fois à bord, ils empoisonnèrent tous les conteneurs de boissons avec du Nswadi et patientèrent.

Les navires reprirent la mer en direction du port d'Égypte. Deux jours plus tard, lorsque la plupart des passagers des navires furent terrassés par le terrible poison, incapables de lever le petit doigt, quelques heures avant d'être tous achevés, Shiwa et ses hommes prirent le contrôle des trois bateaux. Ils balancèrent tous les passagers dans la mer, morts ou vivants, de sorte qu'il ne resta que Kisita, agonisant dans sa cabine princière. Shiwa s'y introduisit. La princesse était étendue sur le lit, encore consciente, mais plus assez forte pour crier à l'aide, à l'instant où elle se retourna pour voir l'intruse. Elle comprit que cette femme masquée qui l'approchait ne lui voulait aucun bien.

- Que me voulez-vous ? gémit-elle.

- Sais-tu seulement qui je suis ? demanda Shiwa, pleine d'arrogance.

- Je vous donnerais tout ce que vous voudrez, si vous me sauvez, l'implora la princesse.

- Cela m'étonnerait beaucoup. Même tout l'or de ton empire ne saurait me satisfaire, répondit-elle d'un ton moqueur.

- Mon père, l'empereur du Kongo, fera tout ce que vous exigerez pour sauver ma vie.

- Regarde-moi, Kisita, dit Shiwa en retirant son masque.

Nzambi ya mpungu ! Comment est-ce possible ? s'écria-t-elle, effarée, invoquant le nom divin en Kikongo ancien.