Ceux qui errent

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Le soir était tombé, et l'air s'était bien rafraîchi. Gaëlle avait allumé un feu dans la cheminée.

Liam avait sorti de sa sacoche noire sept gourdes en métal (contenant pour la plupart des liquides différents), un oignon, le sac de haricots rouges qu'il avait mis à tremper avant de partir, du riz, du paprika, et quelques feuilles de laurier. C'est que, dans la mesure où chez eux et ici était très différent, il fallait parfois prendre ses précautions... une chose que leur guide avait négligé, et qui lui avait laissé un cuisant souvenir. Il installa précautionneusement une grille au dessus du feu, sous le regard  fatigué de Théo.

-Tu avais tout ça dans ton sac ? s'étonna t-il. En plus de la harpe et de l'arc ? La fin de sa phrase se transforma en bâillement.

Liam rit, et sortit de quoi émincer l'oignon.

-Plein d'autres choses, encore. Et c'est une cithare, pas une harpe.

Au tour de Théo de rire.

-Tu ne sais pas à quoi je te fais échapper en cuisinant ce soir, dit Liam en soupirant.

-Ah..?

-Mais peu importe, où est passé Gaëlle ?

Ce n'était pas vraiment le moment, trouvait-il, pour expliquer à Théo que la nourriture qu'ils mangeaient au quotidien chez eux était en fait très aseptisé par rapport à ce qui se faisait ici... et que leur pauvre petite flore intestinale le digérerait assez mal si il lui venait à l'idée de cuisiner avec uniquement les ingrédients qu'on trouvait dans la forêt.

(À tester les jours où je serais de mauvaise humeur...)

-Elle est sortie chercher du bois dans votre réserve, elle m'a dit que la celle de la cheminée était presque vide et qu'elle n'en avait pas pour longtemps.

-Elle peut prendre le temps qu'elle veut, ça met longtemps à cuire les haricots, dit-il en jetant les intéressés sur l'oignon qu'il avait mis à revenir dans une casserole en terre cuite avec de l'huile. J'espère juste qu'il n'est pas devenu trop humide, depuis le temps... Il rajouta un savant dosage de sauce tomate et d'eau par dessus le tout, remua un peu, sala, poivra, épiça, et ferma le couvercle.

-Tu prépares quoi ?

-Des haricots avec de la sosto et des épices. On appelle ça du chili con carne, sauf que je n'ai pas emporté de viande, donc chili sin carne.

-Et..?

-Du riz. Tu as faim ?

-Oui...

Leurs ventres gargouillèrent à l'unisson, et ils éclatèrent de rire.

                                                            ***

Gaëlle respirait profondément l'air marin. Ça lui avait manqué. Tout lui avait manqué. Elle rentrait en sifflotant un air parfaitement faux, et s'arrêta pour lever les yeux vers une trouée entre les hauts pins. Les étoiles d'ici étaient toujours aussi belles. Pourtant, c'était les mêmes que celles qu'elle regardait en montagne enfant avec Andréa, qui connaissait toutes les constellations par cœur.

En passant devant la mer, elle contempla la grande immensité bleue sombre. Ses yeux tombèrent ensuite sur le sable... où un élément s'était rajouté, remarqua t-elle en fronçant les sourcils. 

Quelqu'un se découpait dans le ciel étoilé, silhouette immobile face à la mer.

Gaëlle s' engagea sur la plage. Ses bottes s'enfonçaient dans le sable humide, laissant des traces derrière elle. Elle fit son chemin sans hésiter, et s'arrêta au niveau de l'inconnu, qui était comme drapé dans de longs cheveux sombres. Il ne sembla pas la remarquer, et continuait de lui tourner le dos. Une cape grise -qu'on ne pouvait même plus qualifier d'usée- lui couvrait les épaules et traînait dans le sable, rincée par les vagues successives de la marée. Gaëlle ne vit aucune trace de pas autour de lui, comme s'il était simplement apparu là où il se tenait désormais. Elle avait le sentiment diffus que cette silhouette n'avait rien à faire là.

Sous un même ciel - lotrOù les histoires vivent. Découvrez maintenant