Le Coeur d'Eden | Tome 2

25 | Sacrifice

Eden, vingt-et-un ans

Cette fameuse salle, celle que j'appelle la salle de l'épreuve, alors que ce n'est qu'une large salle de réunion où la Reine adressait des missions à chacun de ses Maléfiques. Pour moi, c'était un lieu de torture, le théâtre de dix années d'épreuves brutales et déshumanisantes. Chaque année, je subissais une nouvelle torture, et chaque année, la douleur prenait des formes différentes.

Alors que les démons et l'équipe proche de la Reine se réunissaient, je me disais que, de toute manière, rien ne pourrait être pire que les épreuves précédentes.

Ma première épreuve, en apparence simple, s'est révélée être un défi titanesque. J'ai dû m'entraîner sans relâche pendant une année entière, sacrifiant le sommeil, les jours de repos, n'ayant droit qu'à un seul repas par jour. Les blessures étaient mon lot quotidien : plaies béantes, bras cassés, côtes brisées. Tout cela pour répondre aux exigences de la Reine qui voulait faire de moi une véritable machine de guerre. Et elle avait réussi, j'étais devenu une machine de guerre aspirant à la paix.

La suivante était un combat éprouvant contre un démon, où tuer était la seule option pour survivre. Le combat a duré au moins une journée entière, marquée par l'effort, la fatigue et la violence. Ensuite, j'ai dû voler l'espérance de vie des humains, puis tuer un Maléfique. La cinquième épreuve fut particulièrement déchirante, me demandant de tuer Lexy, mon animal de compagnie qui m'apportait réconfort.

À force, j'ai compris comment composer avec la Reine. J'ai compris qu'elle me détestait, que ces épreuves n'étaient pas seulement des tests de loyauté, mais une façon sadique de me faire souffrir. Elle adorait me voir endurer la douleur, c'était la vérité derrière ces épreuves.

À vingt-et-un ans, j'ai arrêté de lui montrer la moindre expression sur mon visage. Elle ne verrait plus mes faiblesses, mes joies, mes souffrances. Ainsi, elle ne saurait pas avec quoi m'attaquer. Je ne lui donnerais plus la satisfaction de me blesser. Quelle que soit la nature de cette nouvelle épreuve, je l'accomplirai sans une once de souffrance dans les yeux.

— Cela faisait longtemps, Eden Darkmore, a-t-elle commencé son discours. Je suis navrée, voilà plusieurs mois que je n'ai pas eu l'occasion de venir te voir. Comment te portes-tu ?

— Je vais très bien, ma Reine.

Elle sait que c'est faux, et je m'en moque.

— Voilà maintenant ta dixième épreuve. Dix ans de loyauté à mon égard, tu ne sais pas à quel point cela me remplit de bonheur.

Intérieurement, je roulais des yeux et fis une grimace. Elle me répugnait.

— Toutes ses souffrances n'auraient pas été vaines, Eden. Ta dixième épreuve sera la plus facile de toute et dès l'instant où tu l'accompliras, j'aurai l'honneur de te proclamer Prince des Maléfiques.

Malheureusement, je n'ai pu cacher mon étonnement. Mais j'ai au moins pu cacher mon dégoût. Prince des Maléfiques ? Et puis quoi encore. Je voulais me tirer d'ici, aller à l'autre bout du monde pour m'en éloigner le plus possible. Mais elle, elle voulait faire de moi le Prince ?

— J'en suis honoré, ma Reine, mentis-je.

— Et puis, ce sera ta dernière épreuve. Tu m'as assez prouvé ta loyauté comme ça.

Vraiment ? Elle arrête, vraiment ?

C'était impossible, elle savait que je n'étais pas pris dans son piège. Alors pourquoi me confiait-elle un rôle si important, sans pour autant poursuivre les épreuves ?