Le Coeur d'Eden | Tome 2

12 | Massacre

Eden, dix ans

Chaque soir, depuis deux ans, je m'endormais avec un sourire aux lèvres, le visage rayonnant de mon amie gravé profondément dans mon esprit. Les enfants du village me traitaient toujours de monstre, mais leurs paroles me glissaient désormais comme de l'eau sur les plumes d'un canard, car mon bonheur était un gros bloc de cristal, une pierre des plus solides qui puisse exister, et même ce groupe d'enfants ne pouvait le briser.

Quant à la mère de Crystal, elle était aussi douce que sa fille et aussi belle que ma propre mère. Elle nous préparait souvent du ragoût lorsque nous rentrions après avoir passé la journée dans notre cachette secrète, la clairière de la forêt.

Alors que je pensais que ma vie continuerait ainsi, que je serais à tout jamais heureux aux côtés de ma Crystal...

— Maman ?

Au beau milieu de la nuit, des bruits sourds et des cris aigus provenant de l'extérieur ont fracassé la tranquillité de ma chambre et m'ont réveillé. J'ai d'abord pensé qu'il y avait peut-être un festival en cours et que les étranges lueurs magiques qui éclairaient ma chambre provenaient de là. Me levant de mon lit, j'ai enfilé mes chaussons, prêt à enquêter sur ce qui se passait à l'extérieur. D'ordinaire, je n'appréciais guère les festivals, mais cette nuit-là, cela m'avait agacé davantage. Les gens criaient et riaient à gorge déployée, plongeant le village dans un vacarme infernal.

J'ai tourné la poignée de la porte et reculé pour ouvrir, alors que les deux corps sans vies de mes parents tombèrent en même temps à mes pieds. Les longs cheveux noirs de ma maman étaient imprégnés de leur propre sang qui maculait désormais ma chambre et mes chaussons.

— Ma... Mam...

La vision d'horreur qui se déroulait devant moi m'a coupé le souffle, et un goût acide s'est élevé dans ma gorge, m'empêchant de prononcer le moindre mot.

Accroupi, j'ai saisi les mains de ma mère et de mon père, sentant le froid de la mort s'emparer de leurs paumes.

— S'il vous pl... Pap...

Les larmes ont embué mes yeux, mais je ne pouvais que laisser ces gouttes salées couler le long de mes joues, incapable de laisser échapper un cri, car la douleur dans mon estomac était insupportable.

À cet instant, la chaleur réconfortante de ma maman m'a manqué plus que jamais, comme si des années s'étaient écoulées depuis la dernière fois qu'elle avait caressé mes cheveux.

Plusieurs minutes se sont écoulées, un temps où j'ai lutté contre la réalité impensable qui se dressait sous mes yeux. Comment un enfant de dix ans pouvait-il accepter le fait que c'étaient les cadavres ensanglantés de ses parents qui gisaient à ses pieds ?

Leurs corps avaient été lacérés au niveau du thorax, leurs chairs déchirées par d'immenses griffes. Je n'avais aucune idée de quel sorcier ou quel animal aurait pu commettre un tel acte. Mais il était évident que l'horreur ne s'arrêtait pas là, car le tumulte que je prenais pour un festival était en réalité le son d'autres familles entières se brisant.

J'avais à peine dix ans, et pourtant, je venais d'entendre le cri déchirant de notre voisine, accompagné du bruit macabre de son sang éclaboussant le sol.

Les mains tremblantes, j'ai levé les paumes froides de mes parents et les ai posées sur mes joues baignées de larmes. Leur corps étaient juste devant ma porte, ils étaient morts en me protégeant pendant mon sommeil. Même en étant un enfant, j'avais compris leur sacrifice et ressenti la chaleur de leur amour.

J'ai savouré ces derniers instants où les mains, autrefois aimantes de mes parents, touchaient mon visage, enregistrant chaque détail, chaque sensation, comme un précieux souvenir à chérir. Puis, la réalité m'a rappelé à l'ordre : une aura maléfique s'approchait de notre maison, peut-être celle de la personne qui avait tué notre voisine. Si les choses s'étaient calmées, peut-être serais-je resté aux côtés de mes parents, me blottissant contre eux pour me laisser emporter par le sommeil. Mais cette aura démoniaque m'a indiqué que je devais immédiatement quitter les lieux.