Chapitre 4

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Je me suis endormie pendant mon cours de français en pensant à elle. Je me demande comment ses cours sont, comment elle explique ces notions incompréhensibles. Je revois notre rendez-vous de la dernière fois. Ces images sont en boucles dans ma tête. Cette prof est en boucle dans ma tête. Ma camarade me réveille d'un léger coup de coude, je lève alors difficilement ma tête avant d'appercevoir toute ma classe debout, je me lève à mon tour précipitemment : le directeur se trouve debout face à mon bureau. Ma respiration se coupe, comme si, à cette instant précis, respirer était la pire des bétises. Le directeur se contente de tourner les talons avant de s'adresser au professeur. Avant de partir, il me lance un dernier coup d'oeil glacial. Mes yeux s'agrandissent une nouvelle fois, je suis remplie de culpabilité. Mon prof de français reprend son cours normalement. Quelques minutes plus tard, il passe à côté de ma table en lachant un petit "Je vous en prie, faites attention quand vous vous endormez" seulement audible par moi. Mes sourcils se froncent, pour qui il se prend de se mêler de mes affaires ? J'essaie tant bien que mal de chercher un point positif à sa remarque mais je n'en trouve aucun. Pour mon plus grand bonheur, la sonnerie retentit quelques minutes après l'incident. Je m'empresse de prendre mes affaires et de, pratiquemment courir, loin de la salle. Je tombe sur Anissa, sortant de la salle 403.
- Qu'est-ce que tu fais là ? C'est sensé être le club des intello. dis-je en me foutant de sa gueule.
- C'est mme Hoss qui m'a donné envie de venir dans ce club, je te jure que c'est pas mal tu devrais y passer un jour.
- Attends, tu viens vraiment de t'inscrir à un club de littérature tenu par une prof sur laquelle t'as fais des blagues de cul et, qui plus est, t'a entendu ? m'esclame-je.
- Oui mais elle m'a pardonné quand je l'ai aidé à faire l'administration et la propagande du club, maintenant elle est dans ma poche. me dit-elle en me faisant un clin d'oeil.
- Et c'est quoi les horaires de ton foutu club ?
- Comme celles de tout les clubs, tout les jours de 17 à 18h.
- Quoi ? Mais on pourra même plus sortir en ville le soir ensemble !
- Bah si à 18h.
- Mais mon putain de couvre feu est à 18h Anissa !
- Parles moi bien ! Je suis pas ton larbain. Et je fais ce que je veux de toute façon, désolée de préférer une femme qui me fera apprendre des bonnes choses au lieu d'une misérable enfant placée en foyer ! m'hurle t-elle.
Sa voix a résonné dans tout le couloir, tellement fort que cette foutue mme Hoss sort de sa salle, courant directement vers Anissa, qui est entrain de lacher ses meilleures larmes de crocodile. Mme Hoss l'entour de ses bras chaleureux devant mon regard abasourdi. A ce moment précis, je ne sais pas laquelle des deux je déteste le plus. Anissa qui vient de me ridiculiser devant tout le monde en touchant mon point faible ou cette putain de prof qui hante ma tête et qui, pourtant, enlace une autre sous mes propres yeux ébahies ? Je ne saurais pas répondre, tout ce que je sais c'est qu'il faut que je parte, très vite et très loin. Je me retourne, leur faisant dos, et part le plus rapidemment possible.

J'entre au foyer à toute vitesse, pose mes chaussures dans mon porte chaussures attitré avant de monter directement au 2e étages, sans saluer personne. Je veux être seule, exclusivement seule. Je passe devant le bureau des éducateurs qui m'ont l'air absorbés par leur rapport. J'entre enfin dans ma chambre et range convenablemment mes affaires avant de m'affaler sur mon lit. Je prends mon casque qui est caché sous mon oreiller et récupère mon MP4, lui aussi caché. La musique atteint enfin mes oreilles et j'aggripe mon doudou (offert par ma maman) fort contre ma poitrine. Mes souvenirs avec elle me reviennent comme une énième bombe. Mais peut-être que j'en ai besoin, peut-être que ces souvenirs pourraient me refaire sentir ma mère tout près de moi. Mais bien évidemment, personne ne viendra entourer ses bras autour de moi. Je repense à la façon dont mme Hoss a enlacé Anissa et je deviens soudainement envieuse de sa relation avec elle. Quel mensonge lui a t-elle raconté ? Comment mme Hoss me voit-elle avec tout ça ? Des questions dont je n'ai pas les réponses.
Quelqu'un toque à ma porte, je cache mes affaires avant de laisser la personne rentrer. C'est un de mes éduc, Erick, qui entre. Il referme la porte derrière lui et tire la chaise de mon bureau de sorte à ce qu'il soit près de mon lit.
- Il y a un problème, je me trompe ?
Je secoue la tête négativement.
- Tu veux m'en parler ? me dit-il d'une voix sensible.
- Je me suis juste.. disputée avec une très bonne amie.
- C'est-à-dire "disputer" ?
- Et bien, elle s'est inscrite à un club qui prend toutes nos heures de libres, donc je ne pourrais plus sortir avec elle après les cours, je lui en ai fait la remarque. Elle l'a mal prit et a hurlé dans tout le couloir comme quoi j'étais une misérable enfant placée en foyer. J'ai eu mal Erick, très mal.
- Je veux bien te croire que cela t'a fait mal, tu t'y fais déjà pas à ta situation alors que ça va bientôt faire 4ans et donc qu'on te le remet en pleine face alors que, toi, tu veux juste oublier oui, ça fait du mal. T'es légitime de ressentir ça.
J'aquiesce en silence, il voit bien qu'il y a autre chose derrière ça, mais je ne veux pas le lui en parler, je ne veux surtout pas lui parler de mme Hoss.
- Tu veux que je demande à Gwen de venir te voir ?
Je reste bouche bée, généralement les éducs ne proposent jamais ça car, justement, il faut dormir la nuit. Je lui répond positivement. Il me réplique alors que c'est l'heure d'aller manger. Je refuse catégoriquement ce repas.
- 40kg Aline, souviens toi ce qu'elle t'a dit la psy.
- Je m'en fou.
- Tu t'en sortais si bien pourtant..
Je lui offre un regard vide, pour qu'il comprenne que ses paroles ne me font rien, que même mes yeux ne réagissent plus. Il baisse la tête, me donne mes antidépresseurs avant de ranger la chaise et de partir. Je m'allonge alors sur mon lit et je m'endors.

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