Chapitre 13

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Nous sommes vendredi, heureusement parce que j'allais pas tenir 1journée de plus. Il doit être aux alentours de 18h quand je termine mon devoir de français. Je suis tranquillement entrain d'étudier sur mon bureau. Je n'ai plus mon téléphone, j'ai du le rendre à cause de mes dernières conneries.
- Aline vient dans le bureau. Me hurle une éducatrice du premier étage.
Je souffle, je peux décidément pas être tranquille putain. Je descends les escaliers et entre dans le bureau, Fiona me tend le téléphone.
- Une dame veut te parler.
- Une dame ? Je fronce les sourcils.
Je mets le téléphone à mon oreille.
- Allô ?
- Allô Aline ?
J'ai du mal à reconnaître la voix à l'autre bout du fil.
- C'est qui ?
- ...rejoins moi à 19h sur le parking près du cinéma.
Je suis agacée par cet appel, mais bordel c'est qui et pourquoi je devrais y aller ?
- j'ai prévenu tes éducateurs, t'auras juste à être à l'heure.
Mon visage se crispe, qui aurait osé appeler mon foyer pour dire ça ? J'entends la personne raccrochée. Il me semble que c'est une femme. Non putain, me dit pas que c'est madame Hoss ? Elle n'aurait pas osé ?
- Donc on a accepté que tu partes à 19h. Me lance soudain Fiona.
Je baisse la tête et sors. Qu'est-ce que c'est ce bordel ? Je prends une grande inspiration et retourne dans ma chambre.

Il est 19h15 et toujours personne à l'horizon, on a dû se foutre de ma gueule. J'entends des talons raisonner. Je relève alors la tête et la vois. Mais elle a osé.
- Pourquoi vous avez appelé mon foyer ? J'aurais pu me faire tuer si ils savaient que c'était vous.
- Du calme, je veux juste qu'on mette les choses au claire. Dit-elle en créant une pause.
Elle pointe son menton vers la voiture encore allumée par laquelle elle est sortie. Signe que je devrais monter. Mes yeux sont rouges de colère, mais je décide de monter pour lui dire au revoir une bonne fois pour toute. Hors de question de re entamer ce qu'elle a détruit. Je monte dans sa bagnole et elle fait de même. Nous nous parlons pas tout le chemin jusqu'à que je reconnaisse les environs, c'est la cité. Là où je vais chercher ma drogue, là où j'habitais avant l'accident. Ma gorge se serre quand je l'observe rouler jusqu'à se garer. Zlatane sort et me remarque dans la caisse, il me fait un signe de main que je regrette instantanément, puisque madame Hoss se retourne d'un air surpris. Alors elle aussi se défonce la gueule à ce que je vois ? Bien triste. Elle remonte dans la voiture et jette le cacheton près du levier de vitesse. Je l'observe faire.
- Toi aussi tu cherches à oublier tes problèmes ? Me lance t-elle.
- Je vois pas de quoi vous parlez.
- Oh aller fais un effort et tutoie moi. De toute façon il m'a dit que t'étais une cliente.
- Ouais je me craque la tête et y a quoi ? Pourquoi vous voulez à tout prix savoir.
Ma requête reste silencieuse, comme si sa l'avait touché. On débarque dans une rue remplie de maison, comme dans les séries américaines. Sa change des murs délabrés et de la peinture qui s'enlève. Elle se gare et sort de la voiture. Elle pousse le portillon pour me laisser entrer. Je la suis et nous entrons chez elle. Les murs sont d'un bleu pastel, il y a des cadres d'elle et d'autres personnes. Elle me laisse m'installer dans son salon et va dans la cuisine nous chercher un verre de vin rouge. J'observe attentivement les recoins de la pièce. Elle arrive et s'installe en face de moi.
- Ça reste entre nous tout ça ?
- Vous avez peur que je balance tout au directeur. Ou je me trompe ?
Elle acquiesce désespérément.
- Je n'aurais pas cru que les élèves l'auraient su pour Anissa et moi.
- Ah parce que c'est vrai ? Dis-je en manquant de lâcher mon verre.
- Oui, depuis 1mois et demi. Mais garde le pour toi d'accord ?
Sur l'instant je n'ai plus les mots, j'ai envie de l'insulter car elle a sûrement la trentaine et Anissa seulement 16ans mais la douleur d'une telle trahison me détruit. Comment a t-elle pu jouer avec moi comme ça ?
- Entre elle et moi, y a une réelle connexion tu vois ? C'est comme si on était liées.
Je l'écoute. De toute façon je n'arrive plus à parler et les larmes n'arrivent même plus à couler.
- Mais les élèves nous auraient vu à la sortie des cours, ils nous ont prit en photo et les ont fait tourner. Anissa se fait salement harceler aussi. Et moi les profs me regardent mal. Je veux pas que ton cas rajoute une couche.
Je suis trop abasourdie pour entendre ce qu'elle me dit. Mes yeux glissent sur ses lèvres que j'ai déjà rencontré, en heure de retenue. Et tout ça, elle m'a l'air de l'avoir oublié.
- Si c'est ce que vous voulez. Finis-je par dire.
Je vois son visage se rapprocher du miens, elle occupe désormais la place vide à côté de moi.
- Mais avant de te dire au revoir j'aimerais faire quelque chose.
Je suis paralysée. Elle s'avance et pose sa main sur mon cou, et tente de m'embrasser. Je me recule et me lève.
- Mais ça va pas ou quoi ? Lui hurle-je.
- Pardon, c'était déplacé. Dit-elle honteuse comme d'habitude.
- J'aimerais rentrer chez moi. Dis-je furieuse.
- Aline je change d'établissement. Lundi, je ne serais plus dans ton lycée.
- C'est sensé me faire pleurer ?
Je vois ses yeux s'agrandir, elle ne s'attendait sûrement pas à ma réponse. Mais c'est vrai quoi ! J'allais tout de même pas chialer pour une femme qui s'est défilée puis tente de me rattraper.
- Tu veux partir maintenant ?
- Je vois pas l'intérêt de rester plus longtemps.
- Ok, c'est ta décision.
Mes yeux viennent se poser sur des minuscules clichés du photomaton accrochées sur son mur. Je me lève et me rapproche. C'est Anissa et elle. Je dois me résoudre au fait que dans sa vie, je n'y suis pas. Ou du moins sous les draps. C'est pas moi qu'elle veut, c'est l'autre. Je ravale ma fierté avant de lui adresser la parole.
- Tu l'aimes sincèrement ?
- Oui, mais à croire que tu m'attires quand même.
- Si tu devais choisir entre elle et moi ?
Elle prend une longue inspiration. Je n'ai pas décroché mon regard des photos où elles s'enlacent, elles rigolent, elles font des grimaces.
- Elle. Finit-elle par me lancer.
- Et moi je joue quel rôle dans ta vie ?
Je la sens s'affaler sur son canapé, comme rattrapée par ses torts.
- Celle qui me donne du fil à retorde, qui me pousse dans l'enfer. Une diablesse finalement.
Je finis par me retourner vers elle. C'est les mêmes mots que j'utilisais pour la décrire, une diablesse. Je re scrute les photos d'elles.
- Je comprends.
Elle se lève et je vois son ombre apparaître sur le mur. Je la désire tellement et elle aussi mais pas pour les mêmes raisons. Elle est sûrement l'amour de ma vie mais je ne suis pas le siens, il faut que je me fasse à cette idée. Je me retourne pour lui faire face. Son visage est à quelques centimètres du mien, je sens son souffle sur mes lèvres. Mes yeux sont plantés dans les siens. Et j'y lis du désire. Mais ce désire est douloureux, je sais qu'elle me veut mais que dans son lit, pour partager sa maison sa sera avec Anissa. Des larmes coulent lentement le long de mes joues. Je la déteste comme je l'aime, à cette diablesse. Je me mets sur la pointe des pieds, coupant l'espace entre nous, mes lèvres se posent sur les siennes. Elle relance tout de suite le baiser et s'appuie de sa main gauche sur le mur pendant que l'autre s'agrippe à ma hanche. J'enroule mes bras autour de sa nuque et caresse le bas de sa chevelure. Notre baiser est doux. Il a le goût du « au revoir », plus ce goût d'interdit. Comme si nous nous reverrons plus. Comme si ses lèvres aller, clairement, appartenir à quelqu'un d'autre. On ne parle pas mais elle se recule, me tient la main et m'amène dans sa chambre au premier étage. Les murs sont de la même couleur que le reste de sa maison, il y a un miroir dans l'angle de la pièce. Je m'assois sur son lit, et elle grimpe sur moi, me forçant à m'allonger. C'est alors qu'elle m'embrasse le cou et descend jusqu'à ma poitrine. Ses caresses accentuent les sensations. Et puis elle relève sa tête et se fige. Je ne comprends pas son arrêt soudain et relève ma tête en direction de son regard. Sur le mur, une énième photo d'Anissa et de madame Hoss entrain de se câliner est accrochée.
- Je ne peux pas faire ça. Lâche t-elle entre deux souffles.
Je comprends donc où elle veut en venir. Je serre les dents et me décale d'elle. C'est définitive, elle ne me veut même plus dans ses draps ou bien uniquement quand il n'y a pas une photo d'elles au dessus. Je descends au salon et pousse le portillon comme il y a trois quart d'heure. Elle me court après. Sûrement désolée de ce qu'il vient de se produire, mais elle ne cherche pas à me rattraper. Elle grimpe dans la voiture et me raccompagne jusqu'à devant le foyer. Il est temps de nous dire au revoir. Elle est debout, en face de moi. Nos yeux se noient mutuellement entre eux. Je vois qu'ils s'humidifient et les miens de même. Je ne sais pas se qu'elle ressent, je sais juste que ça doit être différent de ce que moi je peux ressentir.
- Diablesse c'est ça ? Lance-je pour briser le silence.
- Oui.
- Je suis la diablesse et elle la princesse je suppose.
Ses yeux restent toujours bloqués dans les miens. Elle saisit mon poignet me forçant à se rapprocher d'elle et me sert dans ses bras. Je sens mes larmes tomber quand je pose ma tête sur son épaule. Mais bordel, pourquoi je ne suis pas sa princesse ? Pourquoi je ne suis pas l'autre fille ? Elle caresse délicatement mon dos. Et puis j'aimerais que ce moment dure des heures. Encore et encore sans jamais se décoller. Mais il se fait tard et la nuit est déjà tombée. On se retire mutuellement. Je la salue de la tête et pars sans un mot dans ma maison. Je m'empresse d'aller me glisser sous la fenêtre du salon pour observer sa réaction, telle une gamine. Je la vois fixer la porte venant de claquer derrière moi. Elle essuie d'un revers de main ses larmes. Elle lève la tête et observe la lune déjà bien présente et sourit difficilement. Elle se retourne et remonte dans sa voiture. Puis elle démarre et tout ça est finit. Il n'y a plus de Hoss, plus d'Anissa, plus d'heure de colle, plus de robe rouge.
Moi la diablesse ? Mais quelle blague, elle aurait dû se regarder au théâtre.

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