Chapitre 7 - L'artefact en vitrine

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Le lendemain, Énée passa chez Thétis et Cléanthe au lever du soleil, pour leur demander s'ils pouvaient garder les jumelles. La vieille dame était en train d'écraser des grains d'orge dans un mortier, tandis que son mari s'habillait avant de partir au champ. Un sourire étira le visage ridé du vieil homme quand il le vit. Une légère calvitie dessinait une bande lisse sur sa tête, encadrée par des touffes grises. Cette vision arracha un sourire à Énée.

— Tu penses rentrer tard ? interrogea Thétis.

— Je rentrerai avant le coucher du soleil, promit-il.

— Comment est Monsieur Patricis ? voulut savoir Cléanthe.

Énée resta évasif, il ne souhaitait pas rentrer dans les détails, ni avouer à Cléanthe et Thétis que le fils Patricis était en réalité Sylvan. Ils avaient connu Sylvan quand il était enfant et savaient combien la disparition du jeune homme l'avait peiné.

— Il a l'air généreux, pourquoi ne pas laisser les jumelles étudier chez lui ?

— J'y réfléchirai.

Il allait repartir, mais Cléanthe le rappela.

— Merci pour l'abreuvoir. Markus, notre nouvel apprenti, a dit que tu t'étais très bien débrouillé. Les vaches sont ravies.

— Prends une pomme pour la route, ajouta Thétis.

Énée le remercia, un sourire aux lèvres. Thétis promit d'aller chercher les jumelles une fois l'orge écrasée et il s'enfuit sans demander son reste. La ville ne se trouvait pas loin, il était encore tôt, aussi décida-t-il de prendre le chemin qui longeait la mer. Le bruit des vagues lui fit du bien, il pouvait admirer les embruns, respirer le goût salé de l'eau et laisser ses cheveux voler dans le vent. Chaque fois que son regard se portait sur l'horizon, il imaginait le navire de ses parents revenir. C'était un rêve il le savait bien, mais il ne pouvait s'empêcher d'espérer. Leur navire avait été retrouvé sur les côtes d'une autre île, ils avaient fait naufrage et leurs corps avaient sans doute coulé sous les eaux. Pourtant, une part de lui espérait qu'un jour, ils reviennent au village.

Énée marcha sur le chemin caillouteux, puis remonta jusqu'au chemin des vignes. À cette époque de l'année, les grappes s'accumulaient et les agriculteurs viendraient bientôt les ramasser pour écraser le vin et le faire fermenter. Ce serait l'occasion de célébrer le dieu Vignus, dieu de la vigne et de la fête. Penser au vin le ramena auprès de Sylvan et il se maudit. Tout le ramener toujours à lui, c'était fatiguant. Pour faire taire ses souvenirs, il retira ses gants et laissa ses doigts courir sur les grappes. Chaque fois que ses mains effleuraient des fruits, il revoyait l'histoire de leur naissance, du moment où on les avait plantés, à aujourd'hui. Le soleil, la terre, les conditions météorologiques favorables, avaient facilité leur pousse et ils étaient prêts pour la récolte. Il attrapa la pomme offerte par Cléanthe et croqua dedans. Juteuse et fruitée, elle eut le mérite de le désaltérer, alors qu'il parvenait en ville.

Les maraîchers s'activaient déjà sur le forum, préparant leurs étals pour les visiteurs. Énée coupa à travers les ruelles pour remonter jusqu'à la galerie de Sylvan. En arrivant, il trouva le rideau accroché au portique d'entrée ouvert sur le côté et se glissa à l'intérieur Pénélope s'y trouvait déjà, assise sur une chaise curule, le visage concentré sur la carte de Sylvan.

— Bonjour, s'annonça Énée.

— Vous êtes bien matinale, nous vous attendions pour plus tard, répondit-elle.

Le collectionneur et l'historien [Romantasy Historique MxM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant