Au temple d'Asclios, certaines prêtresses possédaient le don de soigner. Lorsqu'Énée arriva au temple, il fut immédiatement pris en charge par une jeune femme, le visage recouvert d'un voile sacré, différent de celui porté par Pénélope. On retira le sang sur son visage, avant que des doigts experts se posent sur son nez. Une douce lumière l'enveloppa bientôt, étouffant la douleur, jusqu'à qu'elle disparaisse complètement. Sylvan resta à ses côtés le temps de l'opération, bien qu'il ne semblât nullement. À la fin, il glissa une obole dans la main de la prêtresse, la remerciant pour ses soins. Ces derniers vivaient essentiellement des dons, leurs actes étant toujours réalisés bénévolement.
— Tu es encore plus beau qu'avant ! déclara Sylvan en observant son nez.
Énée ne répondit pas. Même sans la douleur, il continuait à éprouver de la haine envers Sylvan. Pas seulement parce qu'un galeriste fou furieux lui avait cassé le nez, mais parce que son vieil ami avait osé le pousser contre l'artefact qu'il voulait éviter de toucher. Pendant qu'il était soigné, Sylvan n'avait pas cessé de jouer avec le morceau de céramique. Pénélope se trouvait à ses côtés et il avait fini par le lui donner, dans l'espoir que son don la conduise vers un autre lieu.
— La plage, à l'est, avait-elle déclaré.
— Parfait !
Énée avait détourné le regard. La plage de l'est se trouvait près de son village, vers l'endroit où il avait passé son enfance et où Sylvan et lui s'étaient cent fois retrouvés. Combien de temps allait-il devoir supporter ça ?
— Finalement, tu n'auras pas besoin de le lire ! sourit Sylvan, le morceau de céramique dans la main. Tu peux t'estimer chanceux.
Énée ne dit toujours rien. Dans cette situation, il doutait que l'emploi du mot « chance » soit avisé. Sylvan dût enfin s'apercevoir qu'il était blessé et vexé, car il reprit le morceau de céramique, le rangea dans sa poche et afficha une mine contrite.
— D'accord, je m'excuse, je n'aurais pas dû te pousser.
— Cet homme m'a cassé le nez à cause de toi ! rétorqua Énée.
— Mais tu es tout réparé maintenant, et ton nouveau nez est magnifique, digne d'une statue. N'est-ce pas Pénélope ?
— Je ne me prononcerai pas sur ce sujet.
— Tu trouves normal ce qu'il a fait ? s'écria Énée, la main vers Sylvan.
Une prêtresse lui fit signe de baisser d'un ton, une autre vint leur chuchoter de sortir. Tous les trois quittèrent donc le temple en s'excusant, jusqu'à retrouver l'extérieur. La soirée commençait à peine, Énée avait encore une longue marche jusqu'à chez lui et se sentait fatigué, énervé et sur les nerfs.
— Je n'ai pas mon mot à dire, répondit finalement Pénélope.
— Tu peux parler, déclara Sylvan. Je ne te punirai pas.
— Tu la punies ? s'écria Énée.
— Mais non ! Arrête de tout prendre au premier degré. C'est ma sœur qui donne les punitions.
— Et tu la laisses faire ?
— Agnès est la maîtresse de maison, je n'ai pas mon mot à dire.
— Arrête de te dédouaner ! Sais-tu seulement qui elle est ?
Les yeux de Pénélope se froncèrent. Même derrière son voile, dans ses yeux perçants et dorés, Énée comprit qu'il venait de dire quelque chose qu'il ne fallait pas. Sylvan se retourna vers elle, un sourcil arqué. Pénélope serra les poings, avant de prendre une grande inspiration et d'avouer à Sylvan son identité. Ce dernier ouvrit la bouche, puis la referma. Il semblait aussi étonné qu'Énée l'avait été lorsque Pénélope lui avait tout avoué et incapable de savoir quoi dire. Le citoyen passa une main dans ses cheveux, un peu dérouté par la tournure des événements.
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Le collectionneur et l'historien [Romantasy Historique MxM]
FantasíaÉnée possède le don de lego historia. Grâce à cela, il peut lire dans le passé des objets, juste en les touchant. Passionné d'Histoire, il rêve d'intégrer le célèbre musée de la Cité-état d'Ishtma. Malheureusement, en tant qu'étranger, il ne possède...