NUCLEA - Les Élus

5. Trouver la vérité

C'est un piège.

Ce message est un piège.

Au fond, je sais que ce n'en est pas un. Pourquoi un membre de NUCLEA aurait rédigé un tel message afin de voir si je mordrais à l'hameçon ? C'est complètement tiré par les cheveux. De plus, comment quelqu'un, excepté Tom, pourrait-il savoir que je ne fais pas confiance à NUCLEA ? Rien de ce que j'ai fait jusque-là ne le laisse paraître. Conclusion : c'est un vrai message, écrit par quelqu'un qui a visiblement habité ma maison avant moi. Un membre de la première génération ? Impossible. Selon les dires officiels, chaque génération est envoyée dans une ville différente.

Néanmoins, en y réfléchissant, je ne sais presque rien des deux premières générations, comme la plupart des gens. Tout ce que nous connaissons d'eux se base sur les affirmations de NUCLEA. Selon eux, la première génération a été entièrement décimée par les radiations encore trop fortes et la deuxième se porte bien mais n'a plus aucun moyen de correspondance avec le bunker depuis une immense panne que NUCLEA n'a pas encore réparée. En bref, rien qui ne laisse penser que Joy City a été habitée avant nous ou que nous sommes en danger de mort.

Si je raisonnais par logique, j'en déduirais que ce message n'est qu'une blague puérile d'un autre Élu. Je mettrais alors le papier au feu et jetterais le talkie-walkie à la poubelle après l'avoir brisé à coups de marteaux.

Mais je ne raisonne pas par logique. D'ailleurs, qui a dit que le monde est logique ? Rien ne prouve que Joy City n'ait pas accueilli d'autres personnes avant nous et que, menacées par un danger de mort, elles aient fui et tentent désormais de nous aider.

Lorsque je décide de ne plus y penser afin de dormir, l'aube pointe déjà le bout de son nez. Je n'ai le temps de sommeiller qu'une heure et demie avant que mon réveille ne sonne.

Je pars donc en cours l'esprit ailleurs et le corps exténué. Sur le chemin, Ophélia ne cesse de me jeter des coups d'œil inquiets comme si je menaçais de m'écrouler à n'importe quel moment.

Je ne vis pas ma matinée dans un meilleur état d'esprit : je m'efforce tant bien que mal de suivre Levi dans la réalisation des exercices mais chaque fois, mes pensées reviennent au message. Au fond de la classe, Ethan se donne au maximum pour réussir tout ce qu'Anna nous demande de faire. Le gros mentor chauve avec lequel cette dernière partage le cours ne cesse de le complimenter tandis qu'il pousse des soupirs désespérés devant notre œuvre. Nous avons pour ordre de réaliser la maquette d'une tour pouvant résister à la violence d'un tsunami. L'idée me paraît farfelue car en y réfléchissant, ce problème ne nous concerne absolument pas : la mer se trouve à des centaines de kilomètres de Joy City.

Quoiqu'il en soit, Levi est comme toujours très investi dans le projet tandis que je ne m'y intéresse pas le moins du monde. J'ai quand même de plus gros problèmes à régler qu'un tsunami imaginaire qui ne nous tombera jamais dessus. Anna Stone ne semble pas du même avis puisqu'elle passe la matinée à me fixer d'un œil déçu, voir indigné. Mais tout ça me passe au-dessus : mentalement, je suis ailleurs.

Qui a bien pu écrire ce message ? Dois-je en informer Anna ? Après tout, je n'ai aucune raison de ne pas lui faire confiance. Cela dit, l'inverse fonctionne aussi. Ce dont je suis certain, c'est d'attendre d'en savoir plus avant d'en parler à Tom et Ophélia. Et Gwen ? Non, aucune importance. Je la connais à peine, pourquoi devrais-je l'en informer ?

Je ne vois qu'une solution pour obtenir des réponses : m'infiltrer dans la tour principale. Si je suis découvert, les conséquences seront sans doute extrêmement lourdes mais c'est un risque à courir si je désire connaître la vérité.

La sonnerie retentit. Je remballe mes affaires sans un regard à la maquette que Levi a construit. En m'avançant vers la sortie de la salle, je sens les yeux d'Anna se poser sur moi et me fixer jusqu'à ce que je disparaisse derrière la lourde porte de métal.