NUCLEA - Les Élus

6. Une confiance dure à gagner

L'engin sonne. Longtemps. Trop longtemps. En réalité, cela ne dure que quelques secondes mais j'ai l'impression de patienter une éternité. Puis une voix qui grésille s'échappe du talkie-walkie :

– Qui est-ce ?

Une voix grave. C'est un homme. Je reste bouche-bée l'espace d'un instant, ne sachant plus quoi faire.

– Piège imminent, finis-je par dire.

Un silence. Le timbre de sa voix est brouillé par le chuintement que provoque le talkie-walkie. C'est peut-être Tom.

– Vous l'avez trouvé, dit la voix.

Ce n'est pas Tom. Cette voix est bien plus profonde, plus solennelle, plus autoritaire. Je ne connais pas cet homme.

– Vous avez trouvé le message, reprend la voix.

Les battements de mon cœur s'accélèrent.

– Ou... oui, bredouillé-je perturbé.

À entendre le choc dans sa voix, on dirait bien que je suis le premier à avoir mis la main sur son bout de papier.

– Je l'ai découvert hier, expliqué-je.

Cette information n'a aucune utilité mais c'est tout ce que je trouve à dire pour combler le blanc qui s'installe dans la discussion.

Mes mains tremblent. Je réalise que ma position accroupie n'est pas très confortable et m'assieds dos à mon lit.

– Alors comme ça, vous n'êtes pas dupe, déclare l'homme comme pour lui-même. Vous avez compris ce qui se cache derrière toutes leurs belles paroles.

Il ne doit pas être très âgé. Entre 30 et 40 ans, pas plus.

– Je ne leur fais pas confiance en effet, réponds-je. Mais j'ignore encore ce qu'ils nous cachent. Vous le savez, j'imagine ? C'est pour ça que vous avez laissé ce message, hein ?

– Oui. Écoutez, je ne peux pas rester trop longtemps en ligne mais je vais m'empresser de faire part de votre appel à mon chef. Tout ce que je peux vous dire pour le moment, c'est que vous êtes en danger à Joy City et qu'on va essayer de vous en faire sortir. Je vous recontacterai sûrement demain pour vous donner quelques informations à propos de NUCLEA et de la suite des événements. En attendant, n'essayez pas de me rappeler et quoique vous sachiez, ne prenez pas de risques inconsidérés. Au revoir.

Et il coupe la communication. Je laisse tomber le talkie-walkie par terre, stupéfait par ce que je viens d'entendre. Et quelque chose me dit que ce n'est que le début.

Encore une fois, je peine à trouver le sommeil. Je me repasse en boucle les quelques mots de ce mystérieux correspondant dont je ne sais rien. Il doit certainement faire partie d'un système hiérarchique car il a précisé faire part de mon appel à son « chef ». Un homme le supervise donc, lui et sûrement d'autres personnes. Combien sont-ils ? Une dizaine ? Une cinquantaine ? Cent ? Deux-cents ? Peut-être ne sont-ils que trois ?

Je me demande surtout comment l'homme que j'ai appelé va me faire sortir de Joy City. La ville est entourée d'un gigantesque mur d'enceinte en béton armé, gardé par des soldats de NUCLEA qui n'hésiteront certainement pas à tuer tout ce qui bouge à l'extérieur.

L'élément le plus agaçant est que je ne sais rien de ce que NUCLEA nous « cache ». Je crois un inconnu qui m'affirme qu'il va me faire sortir de Joy City sans que je sache pourquoi. Certes, le spectacle auquel j'ai assisté hier à l'hôpital ne donne pas envie de rester mais cela n'est pas une raison suffisante pour me mettre en danger à ce point ! Et pourquoi ne suis-je pas « dupe » si j'ai décidé d'appeler cet homme ? Il est vrai que je n'ai pas confiance en NUCLEA mais à nouveau, cela n'est pas une raison pour tout plaquer et quitter Joy City !