Interlude

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La lumière lui manquait.

Il en rêvait toutes les nuits. Il tendait toujours la main, pouvait presque la toucher, sentait sa chaleur se répandre sur sa peau, ses yeux se plisser face à son intensité. Et chaque fois, alors qu'il allait l'atteindre, elle était aussitôt remplacée par les ténèbres, les terribles ténèbres qui peuplaient sa vie, accompagnés des voix qui le conduisaient lentement mais sûrement vers la folie.

Les voix devenaient de plus en plus claires, leurs propos de plus en plus compréhensibles. Cela le terrifiait encore plus qu'auparavant. Maintenant qu'il comprenait ce qu'elles lui voulaient, le sommeil était devenu son seul refuge. Même quand elles n'étaient pas là, il avait l'impression de les entendre, et manquait de leur céder ce qu'elles voulaient. Tout aurait été bien plus simple, s'il leur avait juste donné ce qu'elles voulaient. Mais il ne pouvait pas. On lui avait dit, longtemps avant : s'il faisait ce que les voix demandaient, il n'aurait plus de nourriture, et il n'aurait aucun espoir de revoir la lumière.

Il avait grandi. Il le savait parce que la pièce était plus petite, les murs moins loin, et la nourriture semblait plus basse quand elle arrivait. On l'avait fait sortir, quelques fois. Il avait adoré. La lumière l'avait accueilli comme un vieil ami, et avait chassé les voix, qui avaient mis du temps à revenir, aussi effrayées par la lumière que par son souvenir. Mais cela faisait longtemps qu'on ne l'avait pas laissé sortir. La nourriture était revenue beaucoup de fois, signe que le temps avait passé.

Il voulait sortir. Parfois, quand le temps lui semblait vraiment trop long et que les voix devenaient trop envahissantes, il hurlait de toute son âme, de tout son corp, de toute sa puissance. Il lui semblait qu'il en faisait trembler les murs, vaciller les voix, tuer le noir. Sa voix était plus puissante que tout, et elle emportait tout sur son passage.

Et puis le souffle venait à lui manquer, le son s'étouffait, le cri se tarissait. Le silence revenait, aussi assourdissant qu'avant, aussi terrible, aussi envahissant. Les murs étaient toujours debout, solides, remparts contre la liberté et la lumière, gardiens immuables que sa voix avait, encore une fois, échoué à faire tomber. Les voix avaient disparu, encore une fois ; mais les cris les maintenaient à l'écart moins longtemps que la lumière, leur retour se ferait trop tôt, comme à chaque fois.

Décidé à profiter du fait qu'elles ne soient pas revenues, et que ce ne soit pas l'heure de la nourriture, il se pelotonna comme il put contre le sol de béton, attrapant la vieille couverture élimée qu'on lui avait laissé quelques temps auparavant. Il s'en couvrit sommairement les épaules, vaine tentative de se protéger du froid et de l'humidité qui régnait dans la pièce depuis peu.

Il ferma les yeux et rêva de lumière.

La Citadielle d'ElziraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant