La Communauté de Kestis Morostar

Pris au piège

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Caleb mit sa main sur ma bouche avant que je ne hurle de peur. Il me fit comprendre que nous avions encore une chance de nous échapper si nous restions totalement silencieux. Malheureusement, l'horrible créature flairait le Koal présent dans la pierre.

Il me poussa violemment sur le côté à l'entrée du pont. En trébuchant sur une roche, je suis tombé et j'ai roulé sous le pont dans l'eau. Ma dernière vision était horrible. Le lieutenant m'avait sauvé la vie et s'était sacrifié en se donnant en pâture au monstre. Je l'entendais hurler de douleur. Je paniquais, je tremblais et j'étais paralysé par la peur, j'étais incapable de lui venir en aide. Je savais que je me jetterai certainement dans la gueule du loup et que Caleb succomberait à ses blessures, mais il fallait que je fasse quelque chose ! Je ne pouvais pas le laisser mourir dans cette atroce souffrance. Même s'il voulait certainement que je m'enfuie, il était hors de question que je le laisse, je dois agir.

En tombant, un des verres de mes lunettes d'invisibilité nocturnes s'était cassé. Ma vision était donc altérée et je ne voyais que de l'œil gauche, là où le verre était encore intact. Mais un problème plus important se pose. Celui de l'invisibilité. Je ne connais pas encore bien comment fonctionne ces lunettes. Mais si elles sont partiellement brisées, alors le mode d'invisibilité ne doit plus marcher correctement ? Comment ne pas me faire repérer par les bêtes si elles peuvent me voir et m'entendre ? La mission pour sauver le lieutenant s'avère vraisemblablement létale. Mais je n'ai pas le choix. De toute façon, seul je ne ferai pas plus de cinq pas. C'est donc également ma clé de survie et l'unique possibilité de ramener la pierre au camp, pour la survie de tous.

Je pris soudainement un galet qui se trouvait au bord du cours d'eau et je l'ai lancé le plus loin possible de toutes mes forces. Le bruit du projectile retombé dans l'eau retentit pourtant assez fort pour attiser l'ouïe sensible de la bête et son attention. Caché sous le pont, je vis celle-ci se précipiter en direction du galet. Une fois la voie libre, je me suis dépêché tant bien que mal de remonter la pente. Arrivé à l'entrée du pont, je vis le corps de Caleb gisant dans une mare de sang.

Il respirait à peine et bougea sa main frénétiquement en me voyant arriver. Les tendons et les muscles supérieurs de sa jambe gauche étaient complètement déchiquetés. Il présentait également des marques de crocs sur l'abdomen et le thorax. J'étais sidéré et j'en avais le souffle coupé. Je n'avais jamais vu une telle horreur. Il ne passera certainement pas la nuit.

Je m'accroupis au plus près de lui et je déchire ma manche pour lui faire un garrot à sa jambe. Il marmonne des sons à peine audibles, ses douleurs le faisaient souffrir terriblement et il s'en mordait les lèvres jusqu'au sang. Il balbutia avec peine de m'enfuir et de retrouver les autres. Il me fit un signe bref me montrant la direction du sac qu'il avait pris soin d'éloigner de la bête avant son attaque. Il m'ordonna de le prendre de courir et de jamais me retourner. Tel était ses derniers mots. Il s'arrêta soudainement de parler et ses convulsions de douleurs stoppèrent aussitôt, je pris son pouls de peur qu'il ait rendu son dernier souffle. Pendant une seconde, j'ai bien cru que le pire était arrivé, mais je sens que son cœur bat encore. Mais ce n'est plus qu'une question de minutes avant que l'inévitable arrive...

Je cours chercher le sac et je reviens vers lui. Je fouille frénétiquement le sac jusqu'à que je trouve la pierre. Elle est toujours là. Mon cœur bat la chamade, je sais que l'horrible créature allait revenir dans très peu de temps. La pierre allait l'attirer inévitablement vers nous et Caleb est incapable de se déplacer. Il n'est qu'un bout de viande servi sur un plateau d'argent. Mais il n'en est pas question ! Je m'équipe des lunettes de protection de secours du sac pour remplacer les défaillantes, je glisse la pierre dans mon manteau et je jette le reste. Rien ne doit m'encombrer. La carte holographique indique le chemin du retour sur mon bras. Je prend aussitôt Caleb sur mon dos. J'étais faible je tremblais et je serrais les dents. Mais je devais progresser en direction des remparts et retrouver les autres.

Nous sommes lent. Trop lent. Nos lunettes de protections ne nous camoufleraient pas encore longtemps. J'étais à bout de force et je n'avais parcouru que la moitié du chemin jusqu'aux remparts. Je décide de continuer en tirant le lieutenant par les bras du peu de force qui me reste. Je sais que je m'efforce d'avancer et que j'utilise mes dernières forces. Mais je sens le Koal de la pierre transcender en moi. Cette force si soudaine et inespérée me redonna un élan d'espoir et d'énergie et je me remis en route vers les remparts. Je dois y arriver. Mais mon espoir fut de courte durée. Un gémissement sourd et hostile retentit au loin. L'horrible créature est sur notre piste.

Il ne me restait plus qu'une centaine de pas à parcourir dans les ruelles. J'aperçois enfin le haut des fortifications. Je m'arrête quelques secondes pour reprendre mon souffle et regarder sur la carte si nous étions au bon endroit. Nous sommes bien vers le point de rendez-vous. Rassuré, j'allais éteindre la carte holographique, mais elle vira soudainement du bleu au rouge, qui était le signe d'un danger imminent. La bête se rapproche dangereusement.

L'air devient mordant et l'ambiance pesante. Ce ressenti me donna un air de déjà vu. Je dois absolument me dépêcher. Je repris le lieutenant par les bras, nous y sommes presque. Alors que je rassemble à nouveau le peu de force qui me reste, j'entendis un cri strident dans mon dos. Je me retourne brusquement et je vis une silhouette noire courir vers nous. J'ai su qu'il était trop tard pour fuir.

Caleb, je suis désolé, mais j'ai failli. J'ai essayé, j'ai tout fait, mais notre mission s'achève ici. La pierre sera perdue avec nous. Les hommes seront bientôt tous perdus. À cause de moi, je n'ai pas été à la hauteur. Je suis affligé et je fonds en larmes. Je le pris dans mes bras en le serrant fort contre moi. Je fermai les yeux attendant le moment où la bête nous dévorera.

{ Des cornes de guerre retentirent du haut des fortifications de la ville. }

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