L'autre

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Je regardais derrière moi sans savoir quoi faire ni quoi dire. J'avais su trouver les mots, ces mots les plus touchants, ces mots qui disent, qui pleurent, qui aiment. Je regardais derrière moi car tu t'en allais, la larme à l'œil, le teint pâle, l'âme perdu. Je ne te retenais pas, même si ma main dans le vide me disait le contraire, tu avais décidé de croiser le chemin d'un autre et je m'apaisais de cela. Je voulais croire que ce que nous avions vécu avait eu un sens, un but, un chemin. Je t'avais considéré comme un tout, une porte ouverte vers les possibles, la volonté incarnée d'atteindre l'idéal d'un présent, de profiter de la bonne heure, d'un moment suspendu. Ta voix raisonnait chez moi, tes mots faisaient échos et ton regard n'avait de sens que si je m'y plongeais dans ces profondeurs mélancoliques. Tu n'étais plus là, tu venais de partir, un peu plus loin, assez pour que je ne puisse plus t'apercevoir et j'avais besoin de m'arrêter. M'arrêter pour regarder le ciel, immobile je pleurais moi aussi tant notre rencontre avait été belle mais impossible, nous ne nous comprenions pas, nous ne nous sommes jamais compris. Nous avions caressé l'espoir d'une autre issue, toucher l'envie d'un avenir meilleur, mais nous nous étions rendus à l'évidence, conscient de l'importance de cet acte. Toi et moi c'était terminé. Terminé, pas de retour en arrière, plus d'excuses, plus de paroles ni de mots pour réparer, la réparation serait vaine et une nouvelle fois teintée de tristesse pour mon cœur et mon être. Je n'avais pas pleuré depuis longtemps, mais ces larmes me faisaient finalement du bien, je venais de me libérer d'un poids, d'une relation que je voulais de tout mon être mais qui ne pouvait pas avoir lieu, car le temps l'avait décidé autrement et il avait eu raison de mon enthousiasme, mes espoirs et mon envie toujours intact de t'imaginer à mes côtés, à l'écoute, présent et bienveillant. Sous cet arbre qui avait tout vu et tout entendu, je pleurais. Je m'étais simplement accroché aux branches des rencontres qui vous donnent l'énergie de fleurir deux êtres, deux personnes, deux volontés. De faire éclore, le sentiment d'exister dans les yeux de l'autre. La fleur du mal avait fané depuis longtemps et les épines me faisaient du mal, trop de mal. Toi, tu étais parti sans un mot, sans saisir l'importance de l'instant, car j'avais la faiblesse de revenir sans cesse, de replonger dans cette envie tellement ancrée de croire en nous, en toi. L'arbre lui était là, sans un mot, ni parole, il était là et sa présence me faisait du bien, me réconfortait. Seul, il n'avait pourtant pas fait grand-chose, il m'avait fait ressentir que j'existais à travers ses feuilles, ses branches, ses racines. Il me faisait croire qu'il était possible de croire aux relations enracinées de promesses, de souvenirs et de moments si précieux. Et comme si, il l'avait ressenti mon sentiment, cet arbre, cet inconnu venait de s'agiter soudainement, m'invitant à marcher, à courir et à regarder loin. A me débarrasser de mes tristesses, de mes déceptions, de ne plus regarder en arrière comme j'en avais l'habitude mais à avancer vers de nouvelles rencontres, de nouvelles personnes, de nouveaux moments et d'apprécier enfin ces instants de vie. Le sentiment léger, j'ai souri bêtement comme on sourit une dernière fois aux êtres qui se séparent, à toi qui empruntais un chemin différent du miens. Le soleil avait finalement fait son apparition et le bleu ces yeux réchauffait cette cicatrice qui sera toujours vive mais qui avec le temps, sera douce, comme un doux souvenir d'une rencontre improbable, un soir, une nuit d'été où le temps aura fait son travail et nous donnera peut-être la chance à cette nouvelle rencontre. Tu étais déjà parti loin et mon cœur pleurait mais mes yeux riaient, il riait de ton souvenir, de nos moments et sans m'en apercevoir, sans en avoir eu le temps, sans même penser à cet instant, mon âme venait de s'apaiser et mes mots venaient de me transporter dans un temps, cet instant, mon instant de vie.

Instants de vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant