Sur les bancs de l'école

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Sur les bancs de l'école je rêvais. J'avais pris le soin de me mettre au fond de la classe à côté de la fenêtre. J'ai toujours su que l'école n'était pas pour moi, je voulais rêver grand, voler, imaginer, disparaître avec le vent, la nature, me transformer et savourer les instants d'une vie, d'un moment. La fenêtre était une invitation au voyage, à l'errance. Le ciel était devenu différent comme pour me permettre de rentrer dans mes songes. Le temps venait simplement de s'arrêter. En une fraction de seconde, j'étais devenu pilote d'avion, capitaine d'un bateau, magicien et équilibriste, je domptais le temp avec aisance et minutie. Je lui permettais de m'accompagner, de me conter ces histoires, de m'expliquer son rôle et d'accepter d'être avec lui pour réaliser mes rêves. J'étais dans un tourbillon d'images, de sensations, de sentiments, j'étais libre. Je voulais traverser les âges, les lumières, le son et la vie. Je voulais la façonner à mon image, je voulais lui donner la nuance de mes ressentis, je voulais rire, pleurer, m'amuser, donner vie, rassurer et comprendre. Je voulais tout faire à la fois, en même temps, j'étais le héros de mon propre personnage. Je m'enivrais de cela et je buvais avec délicatesse les émotions de mon imagination. J'étais devenu invisible, je n'étais même plus moi-même, j'étais devenu un homme aux mille visages, aux mille promesses, aux milles talents, je savais ce que je faisais, je comprenais l'instant, je vivais le moment avec intensité et incompréhension. Je pouvais déceler l'infime et l'utile, je savais percevoir la vérité qui s'immiscer dans mes failles et dans mon être, j'étais empli d'une satisfaction nouvelle. Ma chaise venait de se lever, j'étais étranger, happer par ce tourbillon d'émotion et de rêverie. Je venais de comprendre la mesure de mon imagination, et je m'élevais avec rapidité vers ce nuage qui n'attendait que de me recevoir pour m'expliquer qu'il ne s'agissait que du fruit de mes songes, alors je dansais, j'épousais le ciel et ses vents, je voguais vers d'autres horizons, mon horizon, celui personnel, intime et cruel. Il était présent, il s'agissait de sa présence comme d'un ami intime, d'une promesse non tenue. J'étais possédé par mon imagination, je n'étais plus, j'étais comme l'électricité, je disparaissais. Je m'accompagnais moi-même, je me donnais la main pour me donner la force d'exister, le courage de traverser mes doutes, mes écueils, mes failles et mes cicatrices mais j'avançais. Je bravais les tempêtes et les orages, les vents et les pluies, je pouvais tout traverser, rien ne pouvait m'atteindre, j'étais moi avec moi-même, et je dansais mon voyage. C'était un moment magique et unique qui n'appartenait qu'à moi, que personne ne pouvait comprendre, que j'étais le seul à déceler la nuance du moment et de l'instant. Je voulais y replongeais encore et toujours, retrouver cette sensation qui n'a de sens que si on la vit personnellement et intimement. Et doucement sans m'en rendre réellement compte, je revenais à moi comme pour m'inviter à ne pas trop explorer, pour me laisser apprendre qui j'étais vraiment, faire mes erreurs, me créer mes propres boucliers, mes propres pouvoirs, ma propre histoire, celle de la réalité et non celle de mon imagination. Je revenais vers moi pour me donner la force d'avancer et d'exister. J'allais atterrir avec délicatesse comme on se blottit dans les bras de l'amour, sur ce nuage qui n'existe pas et que nous imaginons de nos vœux. J'étais arrivé à destination de ma chaise, ma table, mon crayon et ma feuille blanche. La fenêtre était devenue étrangère mais elle avait gardé le souvenir de mon imagination. Elle avait compris que ce voyage, j'allais le lui demander à chaque fois que j'en éprouverais le besoin. A chaque fois que j'en ferais la demande, elle serait là pour me permettre d'imaginer, de rêver et de me raconter. J'avais gardé en moi des bribes de mon périple, des trésors cachés, des pierres précieuses que je gardais jalousement pour ne jamais cesser de rêver, de croire, de me raconter des histoires, d'avancer avec mes pouvoirs, avec mes amis imaginaires, avec mes doutes et mes failles, avec mes talents et mes personnages. Mes souvenirs étaient devenus des instants de vie à conserver. Le stylo à la main je ne voulais pas oublier, je voulais coucher sur le papier mon or, les mots sortaient de ma plume comme si je voulais parler et clamer ce poème subtil et effervescent. Et sans m'en rendre compte, le professeur est venu m'arracher la feuille de la main comme pour me rappeler ma réalité. Et sans s'en rendre compte le professeur a versé une larme car il avait saisi les premiers mots de mon voyage, ceux couchés sur le papier, ceux qui indiquaient le chemin, ceux qui appelaient à l'aide, ceux de l'espoir. Mes mots donnaient un sens à mes maux que je n'avais jamais osé dévoiler. Le professeur l'avait compris, il m'avait regardé avec bienveillance, et avait enfin trouvé les clefs de mon mal-être. Et pour me prouver qu'il avait entendu, il m'indiqua le chemin des livres, et me donna une mission, celle qui fait encore écho à l'heure où j'écris : « donne vie à ton écriture, inspire-toi, regarde loin et agite tes sens, le monde te remerciera, tu le rendras unique, beau et nuancé de tes mots colorés, écrit pour exister et donne sens à ce que tu ressens, sois-toi, fais-en une force et n'oublie jamais qu'écrire c'est mieux que de s'interdire. »

Instants de vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant