Le Langage des fleurs

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Le Langage des fleurs

La place du marché était comme à son habitude emplie d'une atmosphère particulière. Le mouvement était perpétuel, tout bougeait autour de moi et tout semblait être animé par une incroyable énergie, une belle énergie. Elle me semblait nécessaire pour ce que j'étais venu y faire, j'étais venu te dire à quel point tu m'avais manqué, à quel point je n'avais cessé de penser à toi, à quel point je voulais faire ma vie avec toi. Je regardais ce ciel bleu et ce soleil qui m'avaient donné envie de sortir, qui m'avaient donné cette force que la nature n'offre qu'une seule fois, je voulais croire aux signes et à mon intuition. Aujourd'hui j'allais enfin me dévoiler, te crier mon amour, te sentir dans mes bras et d'être enfin avec toi. Je savais que tu étais sur le marché comme chaque dimanche matin, seule parmi tes bouquets de fleurs. Tu avais repris l'affaire familiale et tu avais su cerner dès le début le potentiel et le langage des fleurs. D'ailleurs, c'est ce qui m'avait tout de suite plu chez toi, tu avais l'intuition qui me manquait. Tu sentais les choses, tu pouvais prédire et savoir à l'avance ce qui allait se passer, et tu avais su dès le début que j'allais te rendre malheureuse. Tu l'avais su, car tu me l'avais dit, un dimanche matin quand pour une fois tu n'étais pas allée travailler pour rester avec moi. Tu m'avais prouvé à ce moment-là l'importance de notre relation et tu m'avais demandé de ne jamais l'oublier, de ne jamais te quitter, de ne jamais te rendre malheureuse. Mais la vie nous rappelle à nos souvenirs douloureux, à nos vieux démons, à cette façon de nous détruire facilement, à petit feu sans y comprendre forcément le sens, sans y comprendre simplement le message. Je t'ai quitté. Je t'ai quitté le jour même ou pour une fois tu m'avais offert ta confiance et ton amour, je l'avais fait par peur, par lâcheté et par égoïsme, je t'ai quitté, car c'était plus facile que de t'aimer. Les cloches de l'église venaient de sonner et me replonger dans ce marché tumultueux, dans cette vérité de l'existence, dans cette envie de demander pardon, dans ce beau théâtre, qu'est la vie. Je t'ai aperçu de dos et tu étais belle, tu n'avais pas changé. Cinq années venaient de s'écouler depuis notre dernière rencontre, ces derniers regards, ce dernier baiser. Cinq années. Je t'ai aperçue et tu étais souriante, tu m'avais sûrement oublié, tu avais sûrement repris ta vie d'avant, tu avais l'air d'être amoureuse. Tu avais l'air simplement de goûter à une meilleure vie. Tout venait de se bousculer dans ma tête, je ne savais plus ce que je faisais et si réellement j'avais pris une bonne décision, la décision d'une vie et la douleur d'une réponse qui serait trop lourde à supporter, j'étais perdu. Perdu dans cette atmosphère qui ne faisait que danser, qui tournait devant moi, qui m'emportait et qui crachait des parfums d'ici et d'ailleurs. Je ne savais plus qui j'étais et sans savoir pourquoi ni comment, mais tu criais mon nom. J'avais les yeux perdus, je pleurais sans même m'en rendre compte, j'étais l'enfant perdu qui cherchait l'amour et qui l'avait devant ces yeux, j'étais celui qui ne croyait plus en lui et qui croyait en toi, j'étais celui qui s'était noyé et que tu allais sauver. Tu venais de crier mon nom et tu me regardais entourée de tes fleurs qui semblaient te protéger. Tu as crié mon nom et je suis venu vers toi comme pour me prouver que j'avais raison, que j'avais eu raison de traverser la France pour te retrouver, que j'avais eu raison de tout quitter pour te prouver simplement que je t'aimais. Et sans dire un mot, sans me détacher de ton regard, je t'ai tendu ce bouquet, ce bouquet de jonquilles, la fleur du pardon.

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