L'Horizon. Tu étais à peine parti que mon regard se portait sur ce bleu. Couleur Horizon, il m'apaisait. À l'odeur de cet olivier qui me remémorait ta peau, à la hauteur de ce massif qui me rappelait notre amour, tu étais parti. Ce soleil qui me brûlait contrastait avec la douceur de notre été. Tu étais déjà si loin et pourtant ton souvenir m'imprégnait, m'absorbait, m'envahissait. Ma tête était ailleurs, mon cœur vidé renonçait au bonheur. Mes yeux étaient remplis d'une lueur tellement particulière, mélange de joie, tristesse, et caresses, telle une volupté d'Azalée, ton souvenir me revenait. J'ai souri. Je ne sais pas pourquoi, ni a quel moment, mais j'ai souri. J'ai souri et j'ai pleuré. Du rire aux larmes, la frontière était mince et toi là-bas, tu l'avais déjà franchie. Ma main était seule, seule de toi, de tes doigts, de ta chaleur, de cette paume qui me disait oui, me comprenait, me rassurait et me disait tout bas : « je suis là ».
Où es-tu maintenant ? Tu devais être si loin et pourtant ton visage ancré dans mes souvenirs me rappelait que tu étais bien présent, dans mon cœur. Merci d'avoir été toi. Merci d'avoir fait de toi, de moi, de nous, un Tout.
Je regardais l'horizon, et j'ai su. J'ai su que je t'aimais.
Le vent me rappelait que je devais partir. M'en aller de cet arbre sur lequel nous nous étions amusés à graver nos prénoms, pour jouer aux amoureux ; sûrement une façon de nous dire que nous tenions l'un à l'autre. Il faisait déjà nuit quand j'ai entrepris de repartir vers la ville. Je dis vers, car j'avais envie de me perdre, de savourer encore un instant, un souvenir, une odeur, une image. Je ne voulais pas rentrer. Je marchais sans savoir où aller, je marchais et j'épousais sûrement tes pas. J'essayais de regarder si toi, tu ne m'avais pas laissé un mot, un objet, un parfum. Et c'est là, en regardant ce ciel lumineux, que j'ai crié cette phrase. Je l'ai criée à plein poumon pour que le monde entier comprenne, cette phrase qui a filé comme une évidence.
« Parce que c'était Toi, parce que c'était Moi »
J'ai compris et j'ai remercié mes guides, j'ai écouté mon cœur enfin, et j'ai pu retrouver mon calme, j'ai su me retrouver. C'était évident. Cet instant, ce moment allaient me construire, nous construire. Alors j'ai couru, j'ai dévalé les chemins que nous arpentions ensemble, j'ai couru à en perdre haleine, j'ai couru vite, car je savais, j'y croyais. J'ai couru jusqu'à bout de souffle et j'ai souri. Tu étais là. Je t'ai vu parmi les gens, tu étais seul, mais tu étais beau. Tu étais assis là, sur ce banc, près de cette fontaine. Tu regardais le ciel, ce billet de train à la main. Tu venais de pleurer, je n'en étais pas persuadé, mais j'ai ressenti en toi de la tristesse. Alors je me suis avancé et la Lune scintillante nous regardait comme une mère qui protège ses enfants. J'ai touché ton épaule, ta main s'est posée sur la mienne sans rien dire et sans un mot, nos yeux se sont dit Oui.
La fête du village battait son plein. De ces moments festifs où le malheur des gens s'envole comme par magie. De ces lumières colorées, des guirlandes accrochées, des rires, des sourires qui raisonnaient, la place était le lieu des rencontres et des rendez-vous. Nous étions là, ensemble sur ce banc. Ce vieux banc qui a dû essuyer des pleurs et caresser des joies. Ce banc vieux, mais résistant comme un roseau qui plie, mais ne cède pas. Un banc des histoires, des déchirures, des disputes, des amitiés. Un banc public, pudique, énigmatique qui garde les secrets sans en dévoiler un mot. Ces secrets d'une vie, d'un passé, d'un présent ou seul un banc peut écouter sans trembler. Le banc apaisait les maux et écoutait les mots des inconnus permettant à lui seul de créer le lien, de savourer les silences, d'accepter l'autre dans sa différence. La fête du village battait son plein et ma main dans la tienne, nous ne faisions qu'un. Nous apprécions les mêmes choses. La musique de l'accordéoniste qui faisait danser les amoureux. Le marché qui parlait d'une seule voix, celle de la Provence. Le parfum de lavande qui donnait à l'air chaud, un sentiment de légèreté. Peut-être était-ce toi ou moi, mais l'un de nous s'est levés entraînant l'autre dans son élan, attiré par ces couples qui dansaient. J'ai pu revoir ce visage qui m'avait tant plu. Ces yeux bleus pleins de vie, de vivacité et de fougue ; ce visage harmonieux et dur qui avait connu tristesse, déception et rupture. J'ai souri. De ce sourire niais, naïf et gêné. Ta main dans la mienne, ensemble nous étions « Parce que c'était toi, parce que c'était moi » et écoutant la musique, nous tournions comme on tourne pour écrire une histoire, pour se prouver quelque chose, pour agir l'un pour l'autre. Nous tournions pour nous donner la force, la force d'y croire, d'avancer, de construire ensemble. La chaleur de l'été était présente, pesante et sans nous en rendre compte, les regards venaient de se tourner vers nous. Des regards intrigués, interrogés, parfois enjoués, mais des regards. Je prenais conscience que ce que nous représentions là-haut, près de ce massif, de cet arbre était simple à vivre. Les regards. Et cette main qui me donnait la force d'accepter qui nous étions et, comme un acte de rébellion, je t'ai embrassé et j'étais seul avec toi. Des lumières plein les yeux, le feu d'artifice s'illuminait dans le ciel, peut-être pour signifier que les regards devaient se porter au ciel et non sur deux hommes amoureux.
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Instants de vie
PoetryLa vie nous offre des instants, des instants de vie. Difficile d'y mettre un mot sur ce que l'on ressent quand on savoure ces moments, ces éclats. Instants de vie est un recueil de nouvelles qui plonge le lecteur dans ses sentiments, dans ses resse...