Partie 2

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Quelqu'un venait d'entrer dans la librairie ! Un soulagement immense me submergea, je n'étais plus seule ! Puis la peur prit le dessus. J'étais seule, personne ne pouvait venir à mon aide et un individu venait de rentrer. Peut-être n'était-il pas là par hasard, peut-être était-il dangereux, peut-être m'avait-il vu rentrer et voulait me faire du mal. Je n'étais pas très grande et pas très douée pour me défendre. Sur le moment, j'ai regretté d'avoir refusé de prendre des cours de boxe avec mon père. La lumière au rez-de-chaussée s'est allumée et j'entendais marcher. Je ne voulais pas me faire repérer et tentais de retenir ma respiration. Mon cœur battait si fort que j'avais l'impression qu'il résonnait dans toute la librairie. Au bord de la crise de nerf, j'ai finalement cessé de paniquer quand j'ai entendu quelqu'un pleurer et renifler. Il me semblait qu'un tueur psychopathe ne pleurerait pas dans une librairie. Ou alors il était assez tordu pour penser que ça m'attendrirait. Après un petit débat intérieur avec moi-même, j'ai finalement pris mon courage à deux mains et me suis penchée au-dessus de la rambarde pour observer cet être qui pleurait.

Une fille aux cheveux blonds était assise derrière le comptoir un livre sur ses genoux, ses larmes tachant les pages. Elle avait allumé la lumière à côté d'elle. Je n'ai pas osé bouger. Je ne savais pas réconforter les gens. Plutôt que d'affronter un moment gênant, pour elle comme pour moi, je me rallongeai dans le canapé attendant que ses larmes cessent. Quand après ce qu'il me sembla une éternité elle se calma enfin ou bien lorsqu'elle n'avait plus de larme à verser je l'entendis pousser un petit cri et vis la lumière s'éteindre. La porte s'ouvrit avec fracas faisant geindre la cloche, le vent s'engouffra dans la librairie et me glaça un peu plus le sang. La fille se remit à pleurer, moi qui pensais qu'elle n'avait plus de larmes, je m'étais visiblement trompée. Tandis que je commençais à craindre sérieusement pour ma vie, pour la deuxième fois de la soirée, j'entendis quelqu'un chuchoter :

- Hey, hey... panique pas s'il te plait. Je suis désolé. Je voulais pas te faire peur. C'est juste que... ça fait un moment que je tourne en rond dans le quartier. J'ai cru que j'étais mort, qu'ils avaient fini par me buter ! T'imagine pas comme je suis heureux de croiser quelqu'un ! Bon après, je suis peut-être devenu fou... Mais bon, tant pis... Hey ? Tu m'entends ?

La blonde ne répondit pas, elle avait cessé de pleurer mais reniflait toujours.

- Oh merde t'es peut être barjo toi aussi. Bon. Sinon, je m'appelle Peter. Hey, t'as pas à t'inquiéter je ne te veux aucun mal. T'es toute seule ?

Miss-je-ne-parle-pas-mais-je-pleure lui répondit d'un vague geignement. Peut-être était-elle vraiment sourde après tout ou bien muette ? Ce «Peter» ne m'avait pas l'air si déjanté qu'il le pensait. En tout cas pas plus que la situation actuelle le permettait. Pour le sauver du mutisme de la miss je me penchai à la rambarde et lui dis :

- Salut Peter, elle n'est pas toute seule. Je m'appelle Emilie.

- NAN !? J'le crois pas ! Une deuxième personne ! Qui parle en plus !

Il sauta de joie, un sourire aux lèvres et commença à effectuer ce qui me semblait être une danse de la joie. Son euphorie était contagieuse et, pour la première fois depuis la catastrophe, je ris. Même miss sourit légèrement en nous entendant rire. Elle n'osa nous parler que deux jours plus tard. Elle se présenta et, oui, la miss avait un nom : Michelle. Elle avait 10 ans, avait 5 frères et était venue se réfugier ici car ses parents travaillaient dans cette librairie d'occasion depuis 5 ans. Elle avait vu sa famille disparaître au moment de souffler ses 10 bougies comme j'avais vu mes amies disparaître sur la place.

Quelques jours plus tard, un garçon de 12 ans, Victor, est venu à la librairie en vélo, une batte de baseball dans son sac à dos. Il voulait trouver des livres sur la survie. Victor est un grand fan des séries sur les zombies et des films post-apocalyptiques. Il dit souvent que sa passion l'aide à surmonter la tête haute ce cauchemar, que toutes ces séries et ces films l'ont préparé à vivre courageusement dans le nouveau monde. Je pense qu'il n'a pas tout à fait tort mais qu'il ne gère pas aussi bien la situation qu'il voudrait le croire. Le soir je l'entends souvent pleurer, certes moins bruyamment que Michelle, mais tout de même.

Cependant, tout à l'heure, lorsque cette chose nous a surpris, Victor est celui qui a le mieux réagit.

La catastrophe Où les histoires vivent. Découvrez maintenant