La catastrophe

Partie 5

Après le repas, nous sommes tous partis nous coucher. Au début, lorsque nous avons élu domicile chez Peter, nous avions décidé de rassembler tous les lits dans une seule et même chambre. Personne ne voulait dormir seul. Victor et Michelle ont donc pris d'assaut le lit superposé et Peter et moi avons pris le lit de ses parents. Avant de le convaincre du contraire, Peter ne voulait pas. Il disait que ça le dégoûtait. Non pas de dormir avec moi, ça je pense que ça ne le dérange pas réellement, mais plutôt de dormir dans le lit de ses parents. Il les déteste. Un soir, nous sommes montés tous les deux sur le toit regarder les étoiles. Victor et Michelle nous avaient expressément demandé de quitter l'appartement pour préparer une pièce de théâtre. Ce soir-là, Peter m'a expliqué pourquoi il ne portait pas dans son cœur ses parents. Il regardait les étoiles, n'osant pas me regarder, et m'expliqua que son père le battait, qu'il le battait beaucoup. Pour tout et pour rien. Sa mère quant à elle, ne le frappait pas mais le maltraitait psychologiquement. Ses parents ne voulaient pas d'un enfant et le lui ont bien fait comprendre. Elle le rabaissait constamment, l'insultait de tous les noms, quoi qu'il fasse pour se faire aimer. Lui, le frappait et le menaçait de le tuer s'il en parlait à qui que ce soit. Le jour où la catastrophe a eu lieu, il avait décidé que c'en était trop, qu'il fallait qu'il parle. Le matin, avant d'aller en cours, il a donc demandé de l'aide à une assistante sociale trouvée sur internet. Cependant, même si l'assistante sociale n'a rien révélé à ses parents en rentrant des cours, Peter a dû affronter ses parents, bien au courant de ce qu'il avait fait. Son père fou de rage a commencé à le battre pendant que sa mère lui hurlait dessus en lui disant qu'il était fou d'avoir parlé, qu'elle avait vu son historique de navigation, qu'il n'était qu'un petit con, qu'il ne méritait même pas qu'il le nourrisse et le loge... Son père était bien plus fort que lui, malgré les nombreuses heures passées à la salle de musculation. Peter commençait à perdre conscience quand, d'un coup, ses parents s'étaient envolés. Les coups avaient cessé de pleuvoir et le silence avait pris la place des cris.

Il s'est cru mort, libéré de cette vie qui le rendait terriblement triste. Il m'a avoué que, sur le moment, il a ressenti un immense soulagement et puis, comme pour moi, la panique est vite arrivée. Il a fait le tour des immeubles cherchant quelqu'un d'autre, puis ne trouvant personne il s'est dirigé vers le centre ville. La suite vous la connaissez. Maintenant, Peter ne rechigne plus à dormir et à vivre dans cet appartement. Nous avons changé la décoration et avons associé de biens meilleurs souvenirs à cet endroit. D'habitude, lorsque nous allons nous coucher, c'est le premier à dormir. Ce qu'il préfère c'est sauter dans le lit, s'étaler de tout son long et s'endormir en trois secondes de telle sorte que je ne puisse pas dormir sans le pousser et épuiser toutes mes forces à le décaler de deux centimètres. Pourtant ce soir, il a préféré rester dans le salon. Je ne m'en plains pas, je peux m'étaler et m'endormir confortablement pour une fois ! Même les pleurs de Michelle ne me dérangent pas.

J'ai dormi, merveilleusement bien, jusqu'à ce que le soleil vienne m'aveugler. J'avais encore oublié de fermer les rideaux... Je me suis tournée pour réveiller Peter et mon cœur a fait un bond. Il n'était pas là, les draps étaient froids. La panique m'envahit. Ce n'était pas normal. S'il y a bien une chose que Peter aime plus que tout au monde c'est bien de dormir. Il ne se réveillait jamais avant moi et encore moins tout seul ! Je me précipitai hors du lit et sortit en courant de la chambre. Je fis le tour quatre fois de l'appartement mais celui-ci resta vide. Peter n'apparut pas les cheveux ébouriffés, la mine fatiguée avec la trace de l'oreiller sur la joue comme d'habitude. Il restait invisible. Mais ce qui me terrifiait le plus c'était que ses chaussures aussi avaient choisi de disparaître.