Chapitre 14 - Des arguments frappants

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Il ne nous restait plus qu'à interroger la maitresse de maison et Justin, l'homme à tout faire du manoir. Le commissaire avait décidé d'utiliser habilement les renseignements que j'avais obtenus, sans mentionner qu'ils provenaient d'Honorine. Je pouvais, si je le souhaitais, participer activement à cet entretien.

La maîtresse de maison fut appelée dans le salon pour être questionnée à son tour.

— Madame Malandain, dit le commissaire, pouvez-vous nous donner votre emploi du temps pour la journée du 10 septembre, la veille de la disparition de votre mari ?

— Eh bien, je suis restée ici toute la journée, mes enfants sont arrivés dans la matinée, nous avons discuté dans le jardin, puis en fin de matinée, nous avons pris l'apéritif quand mon mari nous a rejoints, puis nous avons déjeuné.

— Saviez-vous où était votre mari auparavant ?

— Oui, je l'ai vu dans le jardin inspecter les travaux de terrassement pour l'installation de la piscine, puis se promener dans le parc.

Galvanisé par le succès de mon interrogatoire de la cuisinière, je m'enhardis subitement et je pris la parole :

— Mme Malandain, nous savons que quelque chose vous a bouleversée en fin de matinée. On vous a vue sortir précipitamment du salon et entrer dans la cuisine pour prendre un remontant. Que s'est-il donc passé ?

Elle pâlit :

— En effet, j'ai pris un remontant parce que je ne me sentais pas bien tout à coup.

— Ce ne serait pas plutôt parce qu'on vous a dit ou fait quelque chose qui vous aurait fortement contrariée ? Allez, dites-nous donc ce qu'il s'est réellement passé, je crois que cela vous soulagerait.

Bertier et le commissaire se regardèrent sans rien dire. Je croyais lire dans leurs yeux : « Ça y est ! Gilbert, comme de coutume, joue au bon samaritain ».

Elle se tut un instant, hésitant à répondre, puis soupira longuement, battit des paupières et leva ses yeux brillants de larmes vers nous :

— Bon, je vois que vous m'avez percée à jour, on dirait ! Oui, j'étais extrêmement choquée car je venais tout juste d'apprendre que mon mari demandait le divorce ! Comme ça, d'un coup, sans prévenir, et il m'a annoncé qu'il voulait vendre le domaine pour se remarier avec une autre ! Alors oui, ça m'a contrariée ! dit-elle avec véhémence.

Soudain, elle éclata en sanglots. Je ne pensais pas déclencher un tel séisme et ce fut un déferlement.

— Me faire cela après presque trente ans de mariage ! dit-elle en sanglotant. Alors que j'ai toujours été à ses côtés, que j'ai élevé ses enfants, sans jamais me plaindre ! Il m'a toujours considérée comme une mineure, il m'a même interdit de retravailler quand nos enfants étaient grands, et d'avoir un compte en banque. J'étais son épouse, mais surtout une potiche qui attendait chaque soir son seigneur et maître de mari ! Voilà ce que qu'il avait fait de moi ! J'ai tout supporté ! Son autorité excessive et son infidélité. Et ensuite, il m'a rejetée pour une autre ! Et il voulait me mettre dehors ! Vous trouvez ça juste, vous ?

— Madame, dit Bertier, cela ferait un bon mobile pour un meurtre, n'est-ce pas ?

Elle répondit :

— J'avais beaucoup de raisons de lui en vouloir et je l'avais menacé de prendre un avocat ! S'il voulait le divorce, il l'aurait eu, mais cela lui aurait coûté très cher ! Mais jamais je ne l'aurais tué. Et le lendemain, quand j'ai vu qu'il n'était plus là, bien que je fusse toujours en colère après lui, je me suis inquiétée de son absence et j'ai appelé la police.

Les carnets de l'Inspecteur Lenormand : Vendetta Normande - Histoire terminéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant