1. Aria

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Merde. Encore en retard.

Aria se dépecha de dévaler les escaliers du bâtiment C, dans lequel elle venait de finir sa session de chant.

Lamentable session de chant.

Elle avait beau être l'une des meilleures danseuses de l'école artistique Julliard, le fait était là : elle ne savait pas chanter. Sa voix était banale même avec les plus talentueux professeurs, elle ne progressait pas. Or, il lui fallait absolument la moyenne pour rester à Julliard, d'où son retard à s'entraîner.

C'était la fin de l'automne. Les feuilles jaunies dansaient et virevoltaient dans le jardin au centre de l'école. Il ne faisait pas froid et le soleil pointait même le bout de son nez. Jolie journée.

Aria entra à présent dans le hall du bâtiment A, passa dans les vestiaires, y déposa son sac dans son casier bien en bordel. Après avoir y sorti ses chaussons de danse, la jeune femme se délesta de son jean boyfriend troué aux genous. Puis, se remerciant intérieurement d'avoir pensé à enfiler son justaucorps le matin même, elle rassembla sa longue chevelure brune en un chignon.

Prête.

Elle entendit la musique dans le studio. Le cours avait déjà commencé. Peut être pourrait-elle se faufiler sans énerver Miss Claptone ? Ancienne étoile de ballets de Russie, la quinquagénaire s'était reconvertie en professeur intransigeante. Aria détestait attirer ses foudres, heureusement qu'elle était modestement la meilleure de sa classe et de l'école malgré ses jeunes 21 ans. Cependant, ce ne fut pas la voix stridente de Miss Claptone qu'elle perçut mais une voix grave masculine.

Génial. Je me suis faite repérer.

La musique se coupa, ses camarades s'écartèrent d'elle quand la voix masculine attira l'attention sur Aria qui se sentit rougir. L'homme portait des nikes blanches, un sarouel gris et un sweat Hollister. Il avait la peau bronzée, des yeux clairs et les cheveux bruns en bataille. Et pas du tout de sourire.

- Pour qui vous prenez vous mademoiselle ? Mon cours n'est pas en option. Et encore moins la ponctualité, déclara t-il, encore plus strident que Miss Claptone.

Aria regretta sa professeure et s'interrogea sur sa présence.

- Veuillez m'excuser, monsieur... dis Aria d'une petite voix, souhaitant être à mille lieux de ce studio.

Il avait l'air jeune pour l'appeler Monsieur mais de toute évidence, c'était lui le prof ici alors... autant ne pas aggraver son cas.

- Monsieur Stone. Miss Claptone a eu une opportunité de diriger un ballet en Russie et elle est partie pour enfin travailler avec de réels danseurs, plus professionnels et ponctuels qu'ici, j'imagine...

Tous les élèves baissèrent la tête. L'enchaînement qu'ils venaient de produire n'avait pas du lui plaire...

- Donc mademoiselle, vous allez tenter de rattraper la donne en effectuant un solo.

Aria blémit. Certes, elle avait confiance en elle et en ses talents mais se produire devant tout le monde et encore plus devant ce tyran la terrorisait. Elle déglutit, rassembla le peu de courage et noua ses chaussons sur ses chevilles.

Les premières notes se firent entendre depuis le piano, ses camarades s'assirent devant le miroir et Aria se mit en position.

3 minutes, tu peux le faire.

Pendant 3 minutes, la jeune ballerine dansa, sauta, virevolta comme les feuilles qu'elle avait vu dans la cour. Ne pensant qu'à ses mouvements qui s'enchaînaient sans failles, qu'à ses pieds qui portaient son poids et la faisaient se mouver avec grâce.

La musique s'arrêta, la danseuse acheva sa chorégraphie en arabesque. Son cœur tambourinait dans sa poitrine. Elle releva le regard vers le professeur. Son visage n'exprimait rien du tout.

- Remettez-vous tous en place maintenant, nouvel enchaînement.

Aria disparut entourée de ses camarades, se remettant avec peine de ses émotions. Elle fut attentive au cours, apprenant les pas avec rigueur. Elle s'oublia et se promit d'être à l'heure à présent.

Quand le cours fut terminé, tous se précipitèrent hors du studio pour se rhabiller, il était midi et les ventres gargouillaient. Aria fut l'une des dernières quand elle se fit appeler par Monsieur. Elle angoissa d'avance. Elle n'était pas de nature stressée mais son travail lui importait et elle détestait les réprimandes.

- Oui, dit-elle quand elle se trouva à sa hauteur, Monsieur Stone.

Il dominait de plus de 20 centimètres et possédait une imposante musculature à travers son sweat. Elle s'interdit de l'admirer.

- Avez-vous apprécié mon cours ? l'interrogea-il de but en blanc.

- Hum... c'est une question piège ?

- En tous cas, moi, j'ai apprécié votre enchaînement.

- Me... merci.

Elle n'en revenait pas. Pourquoi n'avait-il alors rien dit après sa danse ? comme si ça n'avait pas compté ?

- Oui, j'ai apprécié votre enchaînement. Ca change des pas de Miss Claptone. Avec tout le respect que je lui dois.

- Bien. Soyez à l'heure demain Mademoiselle Montgomery.

Comment savait-il son nom de famille alors qu'elle ne lui avait rien dit et qu'il n'avait consulté aucune liste pendant le cours ? Elle lui sourit timidement et partit se changer.

- Pas de chance Aria, faut toujours que ça tombe sur toi...

- Merci de me le rappeler, Charlotte.

- En tous cas, il est sexy, j'en ferais bien mon déjeuner, ronronna l'amie d'Aria tout en enfilant son cache cœur.

- Mouais...

- Tu es d'un compliqué aussi toi... je comprends pourquoi tu es célibataire depuis à peu près.. euh... toujours.

Aria se renfrogna. Il est vrai qu'elle n'avait jamais trouvé l'amour ou plutôt, l'amour ne l'avait jamais trouvé.

- Je préfère me concentrer sur ma carrière, c'est tout.

- Et ton chant ?

- Argh, m'en parle pas, une catastrophe. Je ne parviens même pas à retenir les paroles...

- Viens ce soir, je t'aiderai !

- Avec plaisir ! bon allons manger, toutes ces émotions m'ont ouvert l'appétit.

Les deux amies allèrent déguster un smoothie et une salade composée pour être en forme pour l'après-midi de théâtre et de sport qui les attendait.

Danse pour moi : my impossible love with my teacherOù les histoires vivent. Découvrez maintenant