Chapitre 5

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Je gigote sur mon siège, stressée et vraiment mal à l'aise alors que les employés de cette maison d'édition me regardent de travers. C'est sûr que dans mon legging et mon sweat oversize je fais tâche à côté de tous ces tailleurs et costards.

Tenant fermement dans ma main ma pochette de dessin, ma jambe bat à l'unisson des battements de mon cœur affolés.

-Mademoiselle Perrot, m'appelle une voix grave me sortant de mes pensées.

Je lève la tête pour remarquer Arthur en train de me sourire, probablement amusé de mon stress apparent. Je me lève nerveusement et m'approche doucement de lui. Arthur me fait entrer dans son bureau et m'assois en face de lui, lui tendant ma pochette de croquis.

-J'ai regardé ce que tu publies sur Instagram, m'avoue Arthur en ouvrant ma pochette. C'est très engagé ce que tu fais.
-Je te l'ai dit, j'arrive à lui répondre la voix enrouée. Je trouve de l'inspiration principalement dans n'importe quels sujets de sensibilisation. Ça peut aller du harcèlement, aux discriminations, au racisme, à la pression sociale et sociétaire, à l'éducation, n'importe quoi tant que les gens trouvent à y redire et juger sans même savoir de quoi ils parlent. Mes illustrations sont des faits, pas de la caricature ni de la fiction.

Arthur sonde mes dessins avec attention et l'expression de son visage est si impassible que cela me fait craindre le pire. Peut-être qu'il a changé d'avis ? Que ce n'est pas assez bien et qu'il ne veut plus éditer mes illustrations ? Le stress monte en moi à mesure que les secondes, peut-être même que les minutes défilent.

-Très bien Anna, commence-t-il d'une voix grave, lente, presque suave qui me donne automatiquement des bouffées de chaleur que je tente vainement de dissimuler. On va publier l'une de tes illustrations et y déposer tes droits une fois par semaine, pour tester l'avis du public. Il y en a suffisamment pour que tu n'en ai pas à refaire avant un moment.

Estomaquée, je reste bouche bée et interdite. Mon rêve est en train de se réaliser et finalement, je ne sais plus trop comment je dois réagir. Que vont penser mes parents ? Ma mère ?

-Et je fais quoi en attendant Arthur ? Je lui demande après quelques secondes de réflexion. J'attend sagement la publication hebdomadaire et les critiques ?
-Non. En attendant tu vas faire les illustrations de ton propre livre. Tu as carte blanche, choisis n'importe quel sujet d'actualité que tu juges nécessaire, tu dessines, et tu ne te consacres qu'à cela. Tu as six mois.

Là, je ne trouve plus rien à redire. Ai-je vraiment bien entendu ? Il se fout de ma gueule ou Arthur m'offre vraiment l'opportunité de faire mon propre bouquin ?

-Tu, je... Je bafouille comme une collégienne tandis qu'il hausse un sourcil amusé. Je me fais opérer dans un mois.
-Et alors ? Tu dessines avec tes hanches ou avec tes mains ?

Je ne sais plus quoi répondre, et rougis au double sens de sa phrase, même s'il n'a pas vraiment tort.

-Et concernant Mary ? Je continue mes questions d'une voix presque inaudible.
-Comme je te l'ai dit hier, j'aurai besoin que tu t'occupes d'elle le lundi et vendredi soir de seize heures trente à dix-neuf heures trente. Se sont les deux jours de la semaine où je suis dans mon entreprise de Paris, donc il sera fort probable que certain soir j'arrive en retard, et que tu doives rester plus longtemps.
-Rester ? Je lui demande sans comprendre.
-Je veux que Mary soit dans un environnement qu'elle connait et où elle se sent en sécurité, m'annonce Arthur sûr de lui. Je veux donc que tu la gardes chez moi, et non chez toi. Et il y a certaines choses que tu dois savoir.
-Mary est une enfant aux besoins particuliers ? Dis-je ironiquement en levant les yeux au ciel.
-Ce n'est pas un jeu Anna, s'énerve soudainement Arthur. Oui, c'est une enfant aux besoins particuliers. Elle est plus intelligente que toi et moi réunis, elle a un trop plein d'émotions qui l'empêchent très souvent de se concentrer ou de coordonner ses pensées parce que tous se bousculent dans sa tête. Anna, Mary à vu sa mère se suicider devant ses yeux il y a deux ans, et cela l'a profondément marqué.

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