Chapitre 1

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L'effervescence dans les couloirs du pensionnat était retombée d'un coup avec le départ de la plupart des élèves. La cérémonie de fin d'année et de remise des diplômes du très traditionnel collège Saint-Alban, en présence de nombreux parents, s'était tenue dans la matinée et après le non moins traditionnel buffet sur la pelouse nous avions dit au revoir à nos camarades, tous très heureux de quitter pour un temps les murs austères de l'établissement. Nous les avions regardé s'engouffrer dans les Mercedes, DS ou Chambord de leurs parents en nous faisant des petits signes d'adieux après avoir troqué l'uniforme du collège pour des vêtements qui évoquaient déjà les vacances. Nous n'étions plus qu'une petite trentaine de garçons encore coincés ici pour quelques jours, voir deux semaines. Nous étions soit orphelins, soit séparés de nos familles et le collège organisait provisoirement notre garde jusqu'à la mi-juillet pour faciliter la transition vers nos activités estivales. Certains partiraient bientôt dans des camps de vacances ou avec des organisations scoutes ou seraient récupérés par leurs parents. Pour ma part je devais attendre le retour de mon oncle et tuteur en France. Célibataire, il était un des seuls membres restant de ma famille après le décès tragique des miens et m'avait logiquement pris en charge. Ne pouvant s'occuper à plein de temps de moi car il voyageait constamment à l'étranger il m'avait convaincu d'aller dans ce collège réputé où il avait lui-même fait ses études trente ans auparavant.

Le préfet de discipline nous demanda en milieu d'après-midi de nous regrouper, toutes classes d'âge confondues, dans les chambres du second étage pour faciliter la surveillance par le seul pion restant. C'était l'étage des Terminales avec des chambres de un, deux ou trois lits au maximum. Cette année ce n'était pas une bonne idée. La chaleur estivale de la dernière semaine de juin se transformait en canicule et ces chambres sous les toits étaient certainement les plus chaudes du bâtiment. Je me suis retrouvé avec deux garçons, Lucien et André, tous deux comme moi en Seconde. Lucien était dans ma classe et avait partagé la même chambrée de six que moi au premier étage tout au long de l'année. C'était un garçon discret et effacé, pas désagréable mais manquant de caractère. Je connaissais moins André, il était en section scientifique et nous ne fréquentions pas les mêmes groupes de camarades. J'étais content qu'il soit avec nous. Il était plutôt sympathique et surtout assez mignon ce qui ne gâchait rien. Je n'avais pas de visées particulières à son égard comme je n'en avais eu sur aucun autre élève pendant l'année. Ce n'était pas l'envie qui m'en avait manqué mais j'étais d'un naturel timide et suffisamment pusillanime pour n'avoir tenté aucun rapprochement qui aurait pu avoir un caractère équivoque ou risquer de dévoiler ma nature cachée. La découverte l'année précédente de mes désirs homosexuels m'avait plongé dans un grand désarroi qui, ajouté au sentiment erroné d'être une exception, m'avait interdit de faire des avances à quiconque. J'étais si bloqué dans ce domaine que je n'avais pas su ou voulu détecter les signaux, certainement évidents pour un œil observateur et inévitables dans ce genre d'établissement réservé à des jeunes gens de 14 à 18 ans en pleine folie hormonale, qui auraient pu m'indiquer la présence d'élèves avec des désirs semblables aux miens.

L'agréable relâchement de la discipline nous permit de profiter d'une première soirée au goût de vacances et nous eûmes quartier libre jusqu'à une heure avancée. De même le surveillant n'exigea que l'on éteignît les lumières qu'à 22 heures 30 passées. La chaleur dans les chambres était étouffante et peu propice au sommeil. Nous étions tous les trois affalés sur nos lits en tenue plus légère qu'habituellement. Lucien avait sorti son pyjama puis avait renoncé à le mettre et s'était glissé rapidement en slip sous le drap. André et moi avions passé un caleçon léger et gisions au-dessus de notre couche. Nous nous étions retrouvés nus ensemble quelques secondes sans nous retourner vers le mur pour nous changer et j'avais trouvé ce moment émoustillant. Les usages à Saint-Alban en ce début des années 60, du moins à ce que j'avais observé, étaient à une grande retenue en toutes circonstances et particulièrement au moment du déshabillage. En huit mois de vie commune je n'avais pas vu beaucoup de sexes à l'air, ni de fesses dénudées et encore moins de garçons entièrement nus de face. J'étais content qu'André fut apparemment moins pudique que la majorité des collègues qui avaient partagé ma chambrée en cours d'année, cela était de bon augure et j'espérais bien pouvoir me payer d'autres coups d'œil les prochains soirs. Je n'allais pas jusqu'à imaginer que nous puissions aller plus loin que cette banale exhibition rapide bien que la lourdeur de la température me portait aux sens et exacerbait mes désirs sans pour autant me donner plus de courage pour agir. J'espérai au fond de moi qu'André ressentît les mêmes contingences et fût lui aussi sensible sexuellement à la chaleur sans toutefois savoir comment je pourrai en tirer profit.

Je me souviens m'être beaucoup retourné sur mon lit tout comme mes deux voisins avant de m'assoupir lourdement. Dans un demi sommeil aux frontières du rêve je baissais mon caleçon jusqu'à l'extrême limite de mon pubis et sous mes fesses. J'avais conscience d'être étalé à la vue éventuelle de Lucien ou d'André ou à celle de quelqu'un passant dans le couloir car nous avions laissé la porte grande ouverte dans l'espoir d'un peu de fraîcheur mais je m'imaginais être protégé par le noir de la nuit. De toute façon j'étais trop englué dans une sorte de torpeur pour réagir. Je savais que je bandais dur et que ma queue s'était faufilée par la fente de la braguette. Cela me turlupinait dans mon sommeil et me faisait naviguer entre la honte d'être vu et l'excitation d'être quasi nu et bandant dessus mon lit. Je fis même sauter le bouton de ceinture de mon caleçon afin de m'en débarrasser en le jetant loin de moi d'un coup de pied. Il fallait vraiment que je sois dans un état second pour oser faire ça ! J'étais à poil allongé au dessus des draps et je jouissais intérieurement de cette situation inédite qui me procurait un étrange bien-être et alimentait une puissante rêverie érotique. Dans mon rêve s'approchaient des ombres autour du lit, des mains se tendaient, les mains nombreuses de mes camarades de classe qui palpaient mon corps et qui se saisissaient de mes parties intimes. J'ouvris les yeux, brutalement réveillé. J'étais seul bien entendu et la seule main qui manœuvrait ma verge était la mienne. Je ne savais pas l'heure qu'il était mais la fraîcheur de la nuit ne passait pas encore par la fenêtre grande ouverte. La lune s'était levée, sa lumière blafarde pénétrait dans la chambre et la baignait d'un éclairage bleuté suffisant pour distinguer chaque détail. Je n'étais donc pas du tout caché. Le silence était total. Lucien à ma droite était entortillé dans son drap pendant qu'André sur le lit perpendiculaire aux nôtres dormait sur le côté, tourné vers le mur. J'étais rassuré et je pouvais rester étendu encore quelques temps pour profiter de l'agréable sensation que me procurait ma nudité totale. J'attrapais à deux mains les barreaux de la tête de lit et laissais pendre mes mollets de chaque côté du matelas pour être offert comme dans mon rêve. Le souvenir prégnant de celui-ci et ma grande excitation me donnaient des idées étranges. Je me demandais si j'oserai rester ainsi sans rien sur moi au risque de retomber dans le sommeil et confier au hasard d'un réveil tardif la possibilité d'être découvert nu et étalé cuisses ouvertes au matin. L'idée, pour un garçon aussi conventionnel que moi, de se montrer dans une pose si peu naturelle était déjà suffisamment affolante en elle même pour que je redoutasse la honte d'afficher en plus une solide érection aux yeux de tous. À ces pensées embrouillées s'ajoutait une désagréable sensation de soif et de bouche pâteuse. Le besoin de boire devenait impératif et j'étais persuadé de ne pouvoir me rendormir sans l'avoir étanché.

Nuit de canicule à l'internatOù les histoires vivent. Découvrez maintenant