— Tu as déjà conduit des 4x4 avec ton grand père, Théo ? je demande, désirant changer de sujet.
Mais il se contente de garder le regard fixé sur la route. Je fronce les sourcils : son silence m'inquiète. Il semble avoir omis de nous dire quelque chose. Arkan coule un regard dans ma direction, inquiet ; il a visiblement le même ressenti que moi.
— Théo, fait-il d'une voix pesante, il se passe un truc, hein ? Dis nous.
Il hausse les épaules et détourne le regard pour nous masquer son expression. Marius se penche vers lui, surpris, et son visage blêmit :
— Tu as été mordu par un zombie... ?!
Nous sommes tous pris d'un mouvement de recul ; Lee brandit son arme, les muscles bandés, tandis qu'Iris lâche un cri de stupeur. Seul Marius semble garder son calme.
— Théo... ? murmure-t-il, de plus en plus effrayé face au silence de son ami.
Soudain, celui-ci lâche un lourd sanglot. Crispé sur le volant, il laisse ses pleurs combler le silence qui s'est brutalement imposé entre nous.
— Dis nous, je souffle d'une voix à peine audible, terrifiée par la réponse à venir.
— Toute ma famille est morte, lâche-t-il entre deux soubresauts. Tous. Ils sont entrés par la brèche. Ils sont dans le réfectoire.
Je plaque ma main sur ma bouche, horrifiée ; cette fois-ci, même le silence semble attristé par cette annonce. L'ambiance de douleur qui pèse me déchire le cœur. Chacun pense à sa propre famille. Chacun pense à ses parents, ses amis, changés en monstres et cavalant dans les rues à la recherche de chair humaine. Je bloque quant à moi ces images d'horreur ; je refuse de m'imposer de telles pensées, même si elles cherchent vainement à se frayer un passage jusqu'à mon esprit. Mes parents, mon frère, ma sœur, ma meilleure amie ; habillés d'une peau violacée et me dévorant de leurs yeux injectés de sang. Leur mâchoire brisée qui entraîne leur crâne trempé de sang vers le bas, leur dos courbé de tant courir vers leurs proies.
Je ferme les yeux, la mâchoire crispée. Je dois retenir les larmes.
— Les gars, on arrive, nous prévient Théodore d'une voix rauque.
Il stoppe la voiture à l'orée de la forêt ; les coureurs ont disparu. Ne reste qu'une dizaine de cadavres jonchés çà et là, emmêlés de leurs membres sanguinolents. Leur vue m'arrache un haut-le-cœur.
— Alors, on fait comment ? questionne Iris, tremblante.
Mais personne n'a de réponse à sa question. Personne ne sait comment s'y prendre pour sauver cinq familles d'une invasion d’humains qui se dévorent entre eux.
— J'ai une idée, mais elle ne va pas vous plaire, se risque Lee, une grimace au visage.
— Dis toujours, je l'encourage.
— Puisque Lily habite plus loin, on passera chez elle après. Donc, Théo et elle déposent ceux qui doivent aller chercher leurs familles au centre de la ville. Ensuite, Théo et Lily filent dans le premier magasin qu'ils trouvent pour prendre un max de bouffe, des couteaux, bref, tout ce que vous pensez être utile. Ils passeront vous chercher chacun au pied de votre maison.
Je plisse les yeux ; je ne suis pas certaine de la fiabilité de son plan et pourtant, je n'ai pas de meilleure idée.
— On va mourir si on fait ça, tu sais ? grogne Marius, terriblement nerveux.
Lee hausse les épaules :
— On n'a pas le choix.
J'arque un sourcil ; en vérité, une large gamme de choix s'offrent à nous. Seulement, nous ne sommes pas lâches.
— Donc, je souffle, songeuse, tu penses qu'on va devoir survivre. Tu penses que ce qu'on vit là, c'est une vraie apocalypse qui va détruire l'humanité.
Lee hausse les épaules, une grimace au visage. Cette simple expression m'indique sa réponse. Mais je ne peux pas le croire. L'armée est bien plus forte. Le gouvernement trouvera une solution... Il le faut.
— Alors, on fait ça ? insiste Lee devant notre silence prolongé.
— Je n'arrive pas à saisir l'utilité d'aller dans un magasin, j'insiste, les poings serrés. Tu ne sais absolument rien de ce qu'il se passe en dehors de la ville, si ça va durer longtemps...
— Et c'est justement pour ça qu'il faut le faire, me coupe Marius, blême. Parce qu'on ne sait pas.
— Attendez, j'ai une idée ! s'exclame Iris, les yeux brillants.
Elle se redresse sur son siège et désigne la boîte radio de la voiture d'une main tremblante :
— Théo, allume la radio.
Soudain, le regarde de Lee s'illumine ; il a compris. Notre chauffeur obéit sous nos yeux plissés ; mon rythme cardiaque s'accélère. Évidemment. La radio. Nul besoin de courant ni d’électricité. Les ondes satellites font parfaitement l’affaire.
Seulement, si les chaînes d’informations fonctionnent toujours, il est clair que seule la vérité sera diffusée. C’est là qu’intervient la peur. La peur d'entendre cette réalité que je redoute tant. Je ferme les yeux lorsque le ronronnement de la boîte nous parvient, les mains crispées sur le siège.— Faites que j'ai raison, je souffle d'une voix à peine audible.
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Zombee / tome 1 : La Chute /
Science FictionLily Hash est une adolescente comme les autres. Mais à l'inverse de ces derniers, elle a survécu. *** Septembre 2045 promettait une rentrée tranquille, des plus normales pour une arrivée en classe de terminale au lycée. Théodore, Lee, Iris, Marius...