Chapitre 9

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Si j'hurle, mes oreilles ne captent même pas mon cri ; en revanche lorsque mes jambes percutent l'herbe humide du parc, la douleur me foudroie et je roule au sol, les yeux écarquillés. Je n'arrive même plus à respirer.

Iris se penche vers moi et m'aide à me relever ; mon regard tangue. Prise de vertiges et tremblante de douleur, je lâche une grimace.

Lee et Marius atterrissent à nos côtés ; je me relève, quoique quelque peu titubante, et me secoue. J'aide Arkan à se relever tandis que Lee saute déjà sur ses pieds pour appuyer Marius.

— Allez les gars, on se bouge, enchaîne Lee à peine son amis redressé.

— Quoi ? grimace Théo, qui peine à suivre la discussion.

— Allons chercher Roxane ! intervient Marius, au bord du sanglot.

Mais nous n'avons pas le temps de faire le moindre geste que soudain, un long sifflement nous précipite à terre. Ma respiration s'accélère tandis que mes oreilles hurlent un horrible son aigu ; l'instant d'après, le noir nous englobe.

Seule demeure la lumière pâle du soleil qui pointe à l'horizon : les ampoules éclatent, et les fusons d'électricité jaillissent tout autour de nous. Je plaque mes mains sur mes oreilles et me couche au sol, réprimant un hurlement, les yeux fermés. La terre semble trembler. D'étranges ondes magnétiques me traversent et je suis secouée de violents tremblements. Mon esprit lui-même ne m'obéit plus.

Puis, le calme revient.

On m'enserre le bras.

J'ouvre les yeux et m'aperçois que ma vision est toujours nette. Je ne me suis pas évanouie. Nous sommes toujours dans cet horrible cauchemar. Lee, qui s'est redressé à mes côtés, me tient fermement le poignet et plante un regard féroce dans mes yeux :

— Allez, debout !

Terrifiée, je me relève en titubant et fais rapidement l'état des lieux. Il n'y a plus aucune lumière. Je tire mon portable de ma poche, appuie sur le bouton ; l'écran affiche un message d'alerte imprimé de rouge vif. Aucun réseau.

— Où est passée l'électricité... ? murmure Théodore, le regard rivé sur les lampadaires et les bâtiments soudain assombris.

— ON S’EN FOUT ! hurle Marius, à bout de nerfs. ROXANE N’EST PAS AVEC NOUS !

J’écarquille les yeux et tourne sur moi-même, épouvantée. Mais Marius dit vrai. Il n’y a aucune trace de la rouquine. Je passe ma main dans mes cheveux, une fois, deux fois, puis sur mon visage. Je tire ma peau à m'en faire mal, appuie sur mes yeux, mais rien n'y fait. Tout est bien réel. Nous avons véritablement abandonné Roxane dans le réfectoire.

Ma respiration s'accélère alors. Je dois garder mon calme. Je dois prendre le temps de respirer. Mais mes poumons semblent vouloir cracher une fumée âcre, douloureuse, qui comprime ma gorge et m'arrache de courtes bouffées d'air bruyantes et irrégulières.

On m'attrape les poignets, et je lève à peine les yeux ; cette fois-ci, c'est Arkan qui me secoue. Je peux lire la peur dans son regard, mais il le garde droit planté dans le mien :

— Oh, réveille-toi ! Tu es plus forte que ça !

Mes muscles se bandent, et aussitôt mon esprit s'éveille ; les odeurs, les bruits et le vent me parviennent à nouveau. Je redresse le menton, les yeux toujours plantés dans ceux d'Arkan, quand soudain une ombre glisse derrière lui.

Sans réfléchir, je me jette sur lui pour nous dégager sur le côté : nous roulons au sol et mes mains s'écorchent contre la litière de la forêt. Je fais alors volte-face quand un long râle effrayant retentit. Mes yeux s'écarquillent et j'hurle : une créature se rue vers nous, la mâchoire brisée et les orbites injectées de sang. Je recule vivement vers l'arrière, la respiration saccadée. Arkan saute sur ses pieds, me soulève d'un geste vif et nous détalons dans la direction inverse.

Mais à peine quelques mètres plus loin, c'est le grillage du parc qui se dresse sur notre chemin. Le monstre qui court sur nos talons est rapide. Je bondis jusqu'au dernier mètre et percute la grille. Nous faisons aussitôt face au cadavre vivant et, soudain, le temps semble s'arrêter.

La planche de Lee vole dans ma direction. Mon nom est scandé dans un cri désespéré et j'attrape le bois au vol. J'envoie alors le lourd bâton frapper le visage de la créature, et le sang gicle.

Les cris se stoppent. La barre tombe au sol dans un grand fracas. Mes yeux fermés refusent de s'ouvrir pour découvrir ce que je viens de faire. Je passe cependant ma main sur mon visage ; je rouvre les yeux, la respiration coupée, et secoue mon poignet pour retirer tout le sang qui s'y est amassé. J'essuie une nouvelle fois mon visage mais cela semble être peine perdue : mes cheveux comme mes vêtements sont tâchés de sang.

C'est là que je baisse les yeux vers ce qui était autrefois un humain. Celui que je viens d'abattre. La nausée me vient, mais je ravale la bile. Sa mâchoire s'est presque détachée du reste, son nez cassé se tord et un creux s'est formé sur sa tempe. Son corps fracassé vomit une marée de sang écarlate et jauni.

Je relève légèrement les yeux : Marius, Lee, Iris et Théodore se tiennent là, en face de nous.

— On fait quoi, maintenant ? souffle Arkan, le visage blême.

Je réprime un sanglot, lève le menton pour chasser les pleurs et déclare d'une voix dure :

— On fuit.

Zombee / tome 1 : La Chute /Où les histoires vivent. Découvrez maintenant