Encore une journée comme les autres.
Je fixais l'horizon à travers la vitre du bus. Mes écouteurs enfoncés à me faire mal dans mes oreilles, je montai le son de mon téléphone. Ma chanson préférée était en train de passer dans la playlist. Un faible sourire se dessina sur mes lèvres, comme cette chanson avait le pouvoir de faire. Plongée dans mes trois minutes de bonheur, je fermai les yeux, profitant de cette mélodie que j'aimais tant. À ce moment-là, le monde n'existait plus pour moi.
Je soulevais doucement mes paupières à la fin de la chanson et mon regard se fondit une nouvelle fois dans le décor. Les trottoirs, les appartements et les silhouettes défilaient devant mes yeux sans que je n'y fasse la moindre attention. Rien ne pouvait attirer mon attention. Enfin c'est ce que je pensais.
Tout à coup, mes pupilles s'accrochèrent à d'autres, qui, contrairement à ce qu'on pouvait voir au quotidien, n'étaient pas la réplique l'une de l'autre. Je collai mon visage à la plaque de verre pour suivre du regard la personne les possédant. Je vis un jeune homme tourné vers le véhicule dans lequel je me trouvais.
Sans même prendre véritablement le temps de réfléchir, je mis toute ma force sur le bouton stop et descendis aussi vite que je pouvais lorsque le chauffeur, surpris par ma soudaine intervention, ouvrit les portes. L'adulte me lança un regard interrogateur que j'ignorai. Il savait qu'en ce lundi matin, c'était lui qui m'emmenait au lycée, et que je n'avais aucune raison sensée de sortir telle une furie ainsi, risquant d'arrivée en retard et de me faire réprimander.
Une fois au milieu de la foule urbaine, je tournai sur moi-même, sur la pointe des pieds. Malheureusement, je ne vis plus le regard si caractéristique de l'adolescent. Je savais qu'il ne servait à rien de continuer à chercher dans cette grande ville. Je ne le retrouverai pas ainsi.
Je poussai un dernier soupir, déçue de ne pas avoir pu l'aborder et prit la direction de mon lycée. À pied, je savais que mon arrivée couperait un cours et que le professeur assurant cette heure-ci ne serait pas content, loin de là. J'envoyai un message à ma meilleure amie, espérant qu'elle le lirait avant de rentrer dans l'établissement où les cellulaires devaient être éteints. En effet, elle me répondit par un message clair, tout en majuscule, qui ne laissait aucun filtre à ses pensées. Je n'étais pas étonnée : elle ne cachait que rarement le fond de sa pensée et c'était en cela qu'elle avait fini à son rang actuel à mes yeux.
Mon mobile se mit alors à vibrer et le visage de mon amie apparu sur l'écran. Je touchai le rond vert et porta l'objet à mon oreille. Je fis une légère grimace lorsque sa voix retentit, tonitruante, dans mon tympans.
— Tu vas être en retard, tu le sais ça ? rugit-elle depuis mon portable. Tu vas me laisser seule pour le début des cours !
— Oui... Oui je sais.
— Tu as intérêt à venir hein ? Sinon c'est moi qui vais arrêter ta vie fluide et calme !!
— Bien sur, j'arrive !
— Mouais... fit-elle, suspicieuse. Et tu vas réussir à laisser le mec pour qui tu seras en retard au lycée ?
Je rougis, ne m'attendant pas le moins du monde à cette interprétation de sa part.
— Quoi ?! Mais qu'est-ce que tu racontes, salle folle !
En y réfléchissant, je venais de me rendre compte qu'elle n'avait pas complètement tord...
— Ta réaction t'a trahis andouille ! rit-elle. Bon allez je te laisse, je vais me faire choper par les surveillants.
Elle raccrocha me laissant seule au milieu du trottoir, rouge par sa faute, des passants me fixaient d'un mauvais œil pour mes cris.
Je rangeai mon cellulaire dans ma poche et m'imaginai la jeune adolescente brune cachée derrière un mur, s'époumonant dans un petit objet électronique. Et tout cela avec son talent de ne jamais se faire prendre. Un jour, il allait lui arriver des ennuies...
Inconsciemment, penser à elle avait étirés les traits de mon visage et je me retrouvai à marcher dans la rue, tout en sachant bien que je n'arriverai jamais à l'heure, avec un sourire idiot.
Tout en me dirigeant plus ou moins vite vers mon lycée, je réfléchissais à des excuses à sortir aux professeurs et, le soir même, à mes parents. J'en trouvai deux ou trois mais même avec, je connaissais mes géniteurs et je savais que je ne serais plus libre durant au moins un mois. Des adultes sur le dos constamment, c'était plus épuisant encore que cent pompes. Mais je ne pouvais leur en vouloir. Il y avait une raison tout à fait valable et ils ne faisaient que s'inquiéter pour moi, par simple amour.
Je regardai l'heure sur mon téléphone et me passai mon emploi du temps dans ma tête. Si je continuais à cette allure, je risquai d'arriver en plein cours de philosophie. Mais c'était mieux ça que de rater tout le cours entier, sachant qu'à la fin de l'année, j'avais une épreuve de cette matière pour mon baccalauréat. Et pas seulement cette matière scolaire. Penser à cet avenir bien trop proche à mon goût me fit déglutir, et une boulle se forma dans mon ventre. La boulle de bowling ne semblait pas vouloir me laisser tranquille, alors que je reprenais la route.
Je fixai mes pieds durant la totalité de mon trajet. Je pensai à ce qu'allait me dire mes parents. Sécher les cours ainsi avait toutes les chances de me faire échouer. D'ailleurs, je ne comprenais moi-même pas pourquoi ces iris vairons m'avaient tant intrigués. Je ne connaissais même pas le jeune adolescent à qui ils appartenaient. Et il semblait plus jeune que moi, qui était plus.
À broyer du noir, mes cheveux tombèrent de part et d'autre de mon visage. Je remis doucement le côté droit derrière mon oreille tout en injuriant ma stupide curiosité. Si je me retrouvai dans cette situation, ce n'était pas la faute de l'inconnu, comme j'avais aimé me le répéter durant le chemin, mais bel et bien ma faute à moi. J'étais la seule fautive et il fallait que j'arrête de rejeter mes erreurs sur les autres, pour la seule raison que je n'avais pas confiance en moi et que je ne voulais pas aggraver ce défaut.
Je relevai la tête, déterminée. Lorsque je rentrerai chez moi, je m'excuserai auprès de mes parents et me mettrai sérieusement au travail. Je ne penserai à rien d'autre et je jurerai de ne plus me laisser distraire pour rien.
Je me stoppai d'un coup, me rendant compte que les grandes portes de l'établissement dans lequel j'allais presque chaque semaine du lundi au vendredi, de huit heures à dix-sept heures, se dressaient juste devant mes yeux. Plongée dans mes réflexions, je ne m'avais pas vu avancer si vite.
Je jetai un coup d'œil à mon mobile et notai que même si j'étais tout de même en retard, j'étais miraculeusement arrivée plus tôt que je ne le pensais. Je glissai l'appareil dans ma poche et relevai la tête vers le bruit venant de ma droite.
Comme aimantés, mes yeux se pointèrent à nouveaux sur les iris hétérochromes. Ses iris.
Oubliant toute résolution, je courrai dans sa direction, une seule pensée en tête.
J'allais enfin avoir des réponses.
VOUS LISEZ
Le Jour où J'étais un Chat
Fanfiction~ A Shoto x female OC story ~ Ces yeux hétérochromes. L'un gris comme les cendres suite à un feu de camp, l'autre bleu turquoise comme l'eau des plages paradisiaques. Ses yeux à lui. ↪ Based on My Hero Academia by Kōhei Horikoshi.