Chapitre 24 [Corrigé]

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Narrateur : Jun Hirokoji.

Moi — « Ta sœur a disparu ? »

Katsuro — « C'est ce que je viens de te dire ! T'es bouché ou quoi !? »

Moi — « Oui, oui, oui, j'ai compris. Tu ne vas pas recommencer à péter un câble en public pour rien quand même ! »

Katsuro — « Pffff... OK, je me calme. »

Moi — « Merci ! Raconte moi tout maintenant, s'il te plaît. »

Katsuro — « ... Pas ici, y a beaucoup trop de monde. Suis moi. »

Moi — « Hein ? D'accord, allons y. »

Nous nous éloignons de l'établissement scolaire.

Ça fait une heure que nous marchons sans interruption. On a traversé tout Shinjuku pour atterrir à Shibuya. Il ne m'a pas adressé la parole de tout le trajet. Son expression faciale a subitement changé. Il a le visage entièrement fermé et stoïque depuis que nous avons quitté le lycée. Je ne l'ai jamais vu dans un état pareil. Ça fait bizarre de revenir ici. Je sais que ce n'est pas le même coin que celui de la boutique Ito et que l'arrondissement est vaste, mais je ressens malgré tout une certaine force invisible qui oppresse légèrement mon souffle et qui accable ma colonne vertébrale.

Katsuro (d'une voix sinistre) — « C'est ici. »

Il m'indique avec son index droit tendu un immeuble.

Quoi !? C'est là qu'il habite !? Je ne pensais pas qu'il vivait dans un endroit aussi insalubre et décrépit.

Katsuro (prenant les devants) — « Bouge toi le cul le marqué. Je n'ai pas toute la journée. »

Moi — « Oh ! Euh, oui j'arrive ! »

Nous entrons dans le bâtiment.

Euh ! L'intérieur est plus lugubre que l'extérieur ! Il y a carrément une fuite d'eau qui inonde légèrement l'intégralité du rez-de-chaussée et des orties se développant à même le sol ! C'est un véritable paysage cataclysmique !

Nous montons les escaliers défraîchis dont les carreaux à céramique peuvent couper le dessous des pieds des passants les foulant, puis atteignons le troisième et dernier étage, où se trouve l'appartement de Katsuro juste en face. Ce dernier s'avance vers son logement et ouvre la porte d'entrée à l'aide de ses clefs.

Nous pénétrons dans le hall, puis il ferme à nouveau la porte derrière lui. Ensuite, il se déchausse et s'installe sur le vieux parquet usé, au milieu du salon, en observant la ville par la fenêtre, assis en tailleur.

Il n'est vraiment pas dans son état habituel. Ça se voit direct que quelque chose le préoccupe fortement. Et puis, ça m'intrigue toujours qu'il ait parcouru autant de chemin pour me revoir. Je suis le premier à savoir qu'il ne me porte pas vraiment dans son cœur et que c'est la première personne à me stigmatiser auprès des autres à cause de ma marque de naissance. Alors j'avoue que je ne capte pas vraiment ses motivations.

Katsuro (sans se tourner vers moi) — « Grouille toi de t'asseoir dans le salon. »

Sans répondre à son ordre, je me déchausse également et m'installe à mon tour sur le parquet délabré, près de l'entrée de la pièce.

Katsuro (d'un ton effrayamment sérieux) — « Écoute moi bien le marqué, je ne passerai pas par quatre chemins. Et ne me coupe pas pendant que je te cause. Tu sais tout autant que moi que je te déteste profondément et que tu es la dernière personne à qui je voudrais adresser la parole. Cependant, en vue des circonstances actuelles, je n'ai pas d'autre choix que de t'en parler. Je ne suis pas assez con pour ne pas faire preuve de pragmatisme. Comme je te l'ai dit tout à l'heure, ma sœur a disparu. Et ça va faire une semaine que je ne l'ai pas revu depuis. On a des parents de merde qui n'ont pas assez de thune pour offrir une vie et une éducation décente à leurs enfants. Mon père nous a abandonnés, ma mère et nous, quand nous n'étions que des gamins, et enchaîne les… Tu m'as compris. Et quant à ma mère, elle a sombré dans l'alcool et la drogue peu après son départ et passe toutes ses journées dans des pubs malfamés, à fumer des joints et à se faire draguer par des pervers de mes deux. Et ne te méprends pas, je ne dis pas ça pour la discréditer, car je comprends sa descente aux enfers. Ce n'est pas de sa faute, mais celle de mon connard de paternel qui l'a anéanti intérieurement. Ma sœur en a également beaucoup bavé de son absence continue et de la dépression sévère de Maman. C'est pour ça que j'ai toujours été protecteur et attentionné avec elle depuis notre enfance. Maintenant, c'est devenu une collégienne de 14 piges. Et je craignais qu'elle grandisse justement. Car je ne voulais pas que son corps commence à être convoité de plus en plus par les hommes au fur et à mesure qu'il se développe . Je ne t'apprends rien, mais les mecs sont tous des tarés sexuels dans leur cervelle, surtout à l'adolescence. Dès qu'ils voient une meuf, ils pensent direct à vouloir la ken et ils se mettent à fantasmer sur ses formes comme des golmons. Je ne voulais pas que Keiko soit exposée à ça. C'était mon pire cauchemar qu'une bande de fils de pute viennent l'attoucher, voire la violer. Après, je ne l'étouffe pas non plus. Je ne suis pas un putain de sectaire dérangé qui croit que le mal est partout. Je veux juste ce qu'il y a de mieux pour ma petite sœur, c'est tout. Je veux qu'elle soit heureuse et épanouie et qu'elle réussisse ses études sans emmerde et qu'elle aille loin dans la vie. Je veux qu'elle sorte de la merde, pas comme moi qui m'enfonce dedans. Je refuse qu'elle continue de souffrir à cause de notre famille. Enfin bref, ce n'est pas le sujet. Si je t'ai balancé tout ça, c'est pour que tu piges mieux les motifs qui m'ont poussé à revoir ta salle gueule. »

Eh voilà... Je commençais à peine à éprouver de l'empathie pour lui...

Katsuro — « Je soupçonne Keiko de se prostituer. »

Moi — « QUOI !? »

À ces mots, je me remets aussitôt debout, abasourdi par l'hypothèse de Katsuro, le visage pâle.

Katsuro — « Au début, ça m'a semblé absurde et totalement con, mais hier soir, alors que je la recherchais dans tous les recoins de Shinjuku, je l'ai aperçu au loin avec un toxico qui fumait une clope à l'entrée d'une maison close du quartier chaud de la métropole. »

Soudain, je me mets à rougir de gêne.

Moi — « Attends, tu es sérieux !? Tu as vraiment croisé ta sœur hier soir devant une maison close du quartier de Kabukicho !? »

Katsuro — « Je suis certain qu'elle a fait ça pour régler nos problèmes financiers... »

Moi (élevant la voix) — « Katsuro ! Si ce que tu as vu est vrai, c'est extrêmement grave ! La prostitution des mineurs est un crime puni par la loi ! De plus, ta sœur n'a même pas atteint l'âge de consentement (au Japon, depuis 2023, l'âge de consentement est passé de 13 à 16 ans) ! Tu te rends compte de la gravité de la situation !? »

Tout à coup, il se lève brusquement et me prend par le col avec la main droite.

Katsuro (d'un ton agressif) — « Je le sais bien, abruti ! Et c'est pour ça que j'ai besoin de ton aide, parce qu'il y a sûrement des foutues entités surnaturelles qui la retiennent prisonnière ! »

Moi — « Quoi ? Des entités surnaturelles ? »

Il me lâche et s'écarte de moi, puis il met de nouveau ses mains dans ses poches.

Katsuro — « Ça va faire quelque temps que j'observe des choses chelous dans les rues de Tokyo. Un soir, j'ai vu un groupe de kaïras en train de crever dans les airs dans une ruelle. On dirait que quelqu'un ou quelque chose d'invisible les dévorait comme s'ils étaient un plateau de bouffe. Je n'avais jamais vu une scène qui donne autant la gerbe de toute ma vie. Et puis juste après qu'ils soient tous déchiquetés, j'ai aperçu un bobtail qui avait la gueule et les pattes tâchées de sang. Il avait une queue anormalement longue par rapport aux autres chats de son espèce. Il s'est léché les babines, puis il s'est barré.

C'était probablement un bakeneko errant. Généralement, ils procèdent en rencontrant directement leur victime dans leur maison pour qu'ils deviennent leur maître, afin de la tuer et de prendre sa place une fois la nuit tombée. Il a dû se matérialiser pour attirer l'attention des racailles en question et les dévorer par la suite. Saleté de yōkai...

Katsuro — « Je ne sais pas ce qui se passe exactement, mais ce qui est sûr, c'est que ces choses mangeuses d'hommes ont l'air d'être partout dans la ville, voire dans le pays, et qu'elles peuvent nuire à Keiko si elles se planquent dans la maison close qu'elle fréquente. Et mon intuition me dit que t'es au courant de tout ce bordel et que tu sais comment les buter. Alors le deal est simple : je veux que tu m'aides à délivrer ma petite sœur de ce foutu merdier en éliminant les putains de créatures surnaturelles qui la retiennent sûrement captive ! Je ne suis pas con, tu sais ! Je me doute bien que ces monstres doivent kiffer les endroits lugubres comme les cimetières ou les hôpitaux !

Il s'incline soudainement par terre en s'agenouillant devant moi, la tête contre le sol et les bras tendus.

Katsuro (écoulant des larmes de rage) — « Je t'en supplie... Par pitié... Aide-moi... »

Wow... C'est la première fois que je le vois aussi bouleversé émotionnellement. J'ai beau le trouver méprisable et con, mais en tant que spiritiste, et surtout en tant qu'humain, je ne peux pas le laisser dans la merde comme ça. Il y a probablement la vie d'une jeune adolescente en jeu si des yōkai se cachent bel et bien parmi les prostituées ou le personnel de la maison close. Il faut impérativement que je mène mon enquête une fois sur les lieux. Mais d'abord, il faudra que je passe un coup de fil au capitaine Watanabe pour lui faire part de toutes ces révélations.

Moi — « Relève toi Katsuro. C'est d'accord, j'accepte de t'aider. »

— 現代の侍 (Gendai no Samurai) —

Voilà pour ce chapitre ! J'espère qu'il t'aura plu ! Je t'invite à poursuivre la lecture si le cœur t'en dit et à partager ton avis personnel dans les commentaires ! Je serai ravi d'y répondre ! À très vite !

The Modern Samurai [En Pause] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant