Vampire Académie (Olone Nero t. 1) [TERMINE]

Chapitre 9

  Il ne me voit pas venir, trop concentré sur son sort. J'entends Hélios crier de me dépêcher, car bientôt cela sera fini.

  J'arme mon coude, et lui explose le nez et la bouche. Une marrée de sang gicle de son visage, quelques gouttes atterrissant sur mes lèvres. Je les chasse d'un coup de langue.

  Soudain, ma vision se rétrécit d'un coup, et le bruit de la foule me submerge d'une force phénoménale. J'ai l'impression qu'un tsunami est passé dans ma tête. Je me plie en deux en me tenant les oreilles, essayant de chasser ces sons qui me vrillent littéralement le cerveau. Dave en profite pour se remettre en garde, non sans me lancer un regard étonné. Mais c'est super ! J'ai enfin réussi à lui soutirer une émotion !

  Une autre vague de bruit, encore plus forte que la précédente me fait tomber à genoux. Je serre les dents et essaye de ne pas hurler de toute mes forces, tant la douleur qui m'assaille est intense. La foule est de plus en plus hystérique. Je crois que je vais m'évanouir pour de bon, cette fois. Adieu l'Académie. Adieu la Garde. Je ferme les yeux, dans l'attente du dernier coup.

  Soudain, tout disparaît. Je n'entends plus rien, ne voit plus rien. Puis en quelques secondes à peine, tous mes sens réapparaissent, comme ci de rien n'était. En mieux. Je vois mieux, j'entends mieux. Le Vampire se jette sur moi, mais j'ai l'impression de le voir au ralenti. Je le repousse, et il fait un vol plané de trois mètres, avant de finir la nuque brisée contre la rambarde de sécurité.

  Tous les élèves se lèvent à l'unisson, n'en croyant pas leurs yeux. Je suis toute aussi ahurie qu'eux. Je pensais que c'était fini pour de bon, que j'avais échouée. Et me voila comme neuve, sans aucune douleur. J'ai la nette impression que mon nez s'est déjà reformé, alors que c'est un long processus qui prend généralement plusieurs heures. Je me le suis cassée des centaines de fois, alors je connais précisément le temps règlementaire nécessaire. Et ce n'est surtout pas quelques minutes, sachant que j'étais à deux doigts de crever comme un rat mort à cause d'un phénomène inconnu.

  La Directrice me regarde longuement. Hausse les sourcils. Ce n'est pas du tout bon signe. Qu'est ce qu'elle peut m'inventer de pire encore, que ce qui vient d'arriver ? La douleur intense que j'ai ressentie, peut-être que cela venait d'elle ? Ou de Dave ? Je ne m'y connais pas du tout en Créatures, mais est-il possible qu'elles puissent lancer des sortes d'attaques psychologiques à distance ? C'est sans doute probable, mais cela n'explique en aucun cas pourquoi tout me parait plus clair, plus limpide, plus sonore à présent.

  Je me masse les muscles, toujours aussi étonnée qu'ils ne soient pas meurtris par les acrobaties que je me suis infligée. C'est définitivement anormal.

  Après de longues minutes d'attente, la Directrice prend une inspiration, et s'adresse à moi :

- Mademoiselle Olone. Toujours aussi épineuse dans mon pied. Malheureusement, je dois admettre que vous vous battez bien.

  Elle marque un instant de pause.

- J'ai ouï dire que vous voulez rejoindre l'Armée, n'est-ce pas ?

  Tout autour de moi, le public s'exclame. Comment une Eau peut-elle même prétendre avoir la possibilité de rêver de l'Armée ?

- Je veux rejoindre la Garde, Madame la Directrice, annoncé-je.

  Les élèves s'esclaffent de rire, me prenant pour une idiote. Aucune autre Caste que l'Eau n'a réussit à gagner les Arènes Sanglantes et à rejoindre l'Armée. Et encore moins la Garde, qui est une division secrète destinée à protéger le Roi, où seuls atterrissent les meilleurs des meilleurs.

   Mais la Directrice, elle, ne rit pas avec tous les autres. Elle me considère d'un œil circonspect. Je la vois réfléchir intensément, soupesant des décisions invisibles.

- C'est un beau rêve, mademoiselle Olone. Mais vous n'allez pas gagner, j'en suis certaine, annonce-t-elle soudain.

  Je fouille ses yeux, à la recherche du moindre indice, de la moindre explication. Elle sent le vieux, très vieux vampire. Et elle est de classe quatre. Je crois que j'ai perdu un paquet de neurones, à la regarder dans les yeux de la sorte et à lui tenir tête. Une classe quatre. Elle est capable de me ratatiner en dix secondes chronométrés.

  J'estimais mon pouvoir d'Eau à une classe deux à peu près, à l'époque où je le possédais encore. J'aurais peut-être réussi à le pousser jusqu'à la trois, en travaillant d'arrache-pied pendant les années à l'Académie, ce qui est déjà très rare. Alors une classe quatre ? Je ne savais même pas que ça existait encore. Je comprends mieux pourquoi cette dernière à gagné la moitié des Combat Sanglants. Il y en a à peu près trois ou quatre chaque année, et le cursus académique compte cinq années d'études.

  Je suis tirée de mes réflexions par les élèves qui commencent à s'impatienter. Ils ont tellement faim de me voir échouer, de me voir exclue. Je soupire nerveusement. Je n'ai pas la moindre idée de ce qui m'attend après. Dave était un opposant très sérieux. J'espère qu'elle ne va pas inventer encore une autre frasque, et me laissera combattre tranquillement et avec justice. Je me mordille les lèvres d'impatience. Et enfin, le verdict tombe. Mais le mot que la Directrice prononce me glace d'effroi.