Chapitre 3

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Le cliquetis répétitif des touches de l’ordinateur rendait fou Gabriel, assis à son bureau depuis il ne savait plus combien de temps. Il était incapable de dire s’il était neuf heures ou vingt-deux. Il tentait de comprendre ce qu’il lisait sur son écran, en vain, comme s’il avait perdu la vue en dormant. Le monde autour de lui était tremblotant, comme une photo aux détails encore vivants. Il avait chaud, si chaud, mais ses mains n’arrivaient pas à attraper sa veste pour l’enlever, il eut beau tenter de balayer ses bras pour se saisir du textile, il n’y pouvait rien. 

La porte d’entrée s’ouvrit brusquement laissant entrer un courant d’air violent qui décoiffa l’homme, paniquant seul à son bureau. Il n’y vit non pas le couloir qui se tenait juste derrière l’entrée mais une lumière blanche éblouissante, une ampoule immense dirigée directement vers sa rétine l’empêchant de définir ce qu’il observait. Une silhouette parut au centre des battants écartés, impossible à discerner.

-“Gabriel… Attal… prononça lentement une voix distordue. Premier Ministre… plus jeune… comment as-tu…”

Le jeune homme se retrouva figé, voulant demander qui ce mystérieux personnage était, mais ses muscles ne coopéraient pas et il était incapable de bouger ne serait-ce qu’un doigt. 

-“Trahi ma… confiance ! s’écria soudainement la voix qui était désormais celle du
Président. Je t’avais donné un seul travail, et tu as réussi à tout rater ! Tout est de ta
faute !”

En un clignement des yeux, la silhouette s’était téléportée à quelques centimètres du visage de Gabriel, avec des traits d’Emmanuel sans pour autant en être sa copie conforme.

-“Comment as-tu pu me faire ça… se lamenta l’entité, dont la voix se rapprocha de celle de Stéphane. Tu m’as détruit, je n’ai plus rien sans toi…”

L’apparence de la créature changea pour adopter le faciès de son ex, les yeux rougis par les pleurs. Sa respiration chaude et humide caressait désagréablement la peau sensible du ministre qui tentait mentalement de se défaire de l’emprise. 

-“Oublie tout ça, finit par susurrer la voix d’un homme, nous avons passé une nuit comme jamais tu n’avais vécu avant…

-SORS D’ICI ! réussit-il à articuler, pris d’une poussée d’adrénaline en entendant ce ton qui le hantait, fermant les yeux.

Tout commença à trembler autour de lui, son siège se démantelant sous lui, son bureau s’effaçant dans un tourbillon de fumée noire, l’entité aspirée en arrière et éjectée hors de sa vision. Il rouvrit ses yeux, le souffle court et se redressa violemment sous sa couette. Il était dans son lit, le réveil sur la table de chevet sonnant bruyamment, sûrement le coupable de cette extirpation de justesse de ce cauchemar. Il frissonna, encore fébrile de toutes ces émotions qui l’avaient submergées dans ce moment où le corps est au plus vulnérable. Il repoussa les draps et posa ses pieds dans ses chaussons au pied du lit. 

Le sol froid heurta la plante de ses pieds, le faisant sursauter. Ses chaussons, toujours placés au même endroit, n’étaient pas là. Il se frotta les yeux encore encore boursouflés et cligna pour regarder autour de lui. Son cœur manqua un battement. Le plancher était du carrelage, les murs gris clair et non pas blancs, ses draps étaient en satin au lieu du doux cotton qu’il appréciait tant, et surtout il n’était pas dans son pyjama mais entièrement nu. 

-“Putain, je suis pas chez moi, il se chuchota à lui-même pris de désarroi.

-Hmmmm…” grommela une voix grave derrière lui, un doigt effleurant son dos.

Gabriel se retourna lentement, effrayé de ce qu’il allait découvrir, dans le silence le plus assourdissant. Sa plus grande peur se réalisa lorsqu’il constata avec horreur un homme d’environ quarante ans à la peau matte et aux cheveux noirs, qui venait de rouler sur le côté de manière à être dos à Gabriel, allongé dans le lit. Il se leva vite mais discrètement, pris au dépourvu, se couvrant maladroitement les parties de sa main gauche et faisant le lit de l’autre. Il jeta un coup d'œil vif autour de lui afin de localiser ses vêtements qui ne devaient pas se cacher bien loin. Il repéra rapidement la pile au coin du lit, où se mélangeaient son costard bleu marine avec un trois pièces beige et un caleçon à moitié retourné sur lui-même Versace qui confirmait ce qu’il pensait. Il se saisit des siens et les enfila tout en se dirigeant vers la porte de la chambre à cloche-pied pour gagner du temps. Il remercia le Ciel en l’ouvrant lorsqu’elle ne grinça pas et il la referma. 

Luxure, Politique et MinistresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant