Chapitre 8 -Falco

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Putain de Jimmy ! En plus de se saper comme un grand-père, il est maladroit. La nana qui l’a bousculé par inadvertance est aussi frêle qu’une brindille, pourtant il a failli voler de l’autre côté de la piste sous l’impulsion. Merci à mes réflexes qui m’ont permis de lui poser une main ferme sur l”épaule pour lui éviter de se rétamer au sol et de se taper la honte de l’année. Néanmoins, tout le monde n’a pas une réaction aussi vive que la mienne puisqu’un des quatre connards qui ont tenté d’approcher les filles, se retrouve avec le froc mouillé par le verre de mon coloc’.

— Bordel ! rugit-il en le foudroyant justement du regard.

— Je… oh, vraiment… je suis confus.

Confus ? Merde, ça craint ! C’est quoi ce language ? Jimmy attrape des serviettes derrière le bar puis tamponne le jean du type. Il ne va rien m’épargner, c’est ça ? Il ne voudrait pas aussi se mettre à genoux devant lui ? Sa victime sourit d’un air mauvais en jetant un regard à ses acolytes. Ça ne sent pas bon. J’ai le même, enfin en plus menaçant, quand je m’apprête à tabasser quelqu’un. Le toquard secoue sa jambe, envoyant son genou pile dans le menton de Jimmy.

— Ne me touche pas, crache-t-il comme si Jimmy était porteur d’une maladie infectieuse.

La tension commence à grimper d’un cran à l’intérieur de moi. On ne touche pas aux gens avec qui je traîne.

— Excuse-toi, tonné-je.

Jimmy incline sa tête dans ma direction, puis regarde à nouveau le mec qui vient de le frapper.

— Pardon.

— Pas toi ! grondé-je en me levant du tabouret sur lequel j’espérais rester peinard.

Le type au pantalon mouillé comprend à mon regard insistant que je m’adresse à lui. J’opine légèrement de la tête pour lui signifier que j’attends.

— Je n’aime pas me répéter.

— Tu veux que moi je m’excuse alors que c’est ton pote qui m’a renversé son verre dessus ?

— Pour le coup de genou.

Je fais craquer mes doigts dans une tentative de garder mon calme. Je ne peux pas lui sauter dessus comme je le fais d’ordinaire. Les types qui croisent ma route sont généralement des gens qui trafiquent et baignent dans le même milieu que le mien. Je dois garder à l’esprit qu’ici, ce n’est pas le cas. Si je ne veux pas me retrouver en prison dès le premier soir, je vais devoir me tempérer. Chose dont j’ai horreur. J’aurais dû prolonger ma bagarre avec le russe plus tôt, ça m’aurait peut-être permis de décompresser un peu plus.

— Il n’a pas fait exprès, intervient Jimmy. Ce n’est pas grave.

Je braque mes yeux dans les siens remplis de peur. Merde ! Une vraie lavette. Impossible qu’il soit là sous couverture. On ne peut pas renier à ce point notre côté violent. Notre instinct primaire est toujours là, sous-jacent. Jimmy en est clairement dénué.

— S’il te plaît, Falco, murmure-t-il maintenant dans une supplique. Ça n'a pas d’importance. 

Après tout, s’il s’en fiche de se faire humilier en public, ce ne sont pas mes affaires.

— Je vais rappeler le taxi et rentrer à l’appartement. Ce n’était pas une bonne idée de venir. Je n’aime pas ces endroits.

—  O.K, réponds-je à Jimmy, avant de me tourner à nouveau vers les quatre amis et leur faire signe de la tête de dégager de ma vue.

Ils lancent un dernier regard méprisant à mon colocataire avant de retourner à leur table. Tandis que Jimmy quitte le bar, je reprends ma surveillance d’Irina. Elle est maintenant montée sur un des podiums de la piste de danse pour se donner en spectacle. Je sais que son père tient un club de striptease, c’est à croire qu’elle a appris à onduler de son corps auprès des employées de son père. Heureusement pour moi, elle garde ses fringues ! Il faudra que je pense à dire à papa que s’il s’est inquiété pour Francesca et Valentina durant leur adolescence et leur début dans la vie adulte, elles ont été très sages en comparaison à la fille Yourenev, qui je le constate, doit lui mener la vie dure en se sentant aussi libre de faire ce qu’elle veut.

Alors que les filles ont repris leur show, je cherche la bande d’abrutis parmi les personnes présentes. J’ai un mauvais pressentiment en ne les voyant nulle part. J’hésite à bouger de mon poste de surveillance. Le temps de finir mon verre, je réfléchis que je peux bien prendre deux minutes pour vérifier que Jimmy est bien parti. Putain, j’avais oublié que les filles m’avaient joué un sale tour en échangeant auprès de la serveuse mon jus d’ananas contre une Pina Colada. À nouveau, l’alcool me surprend la première seconde avant de me détendre un peu plus. J’avais opté pour un soft afin de rester le plus lucide possible. Il faudra que j’apprenne à me méfier un peu plus d’elles à l’avenir. Et éventuellement de leur dire que quitte à boire de l’alcool, je préfèrerais qu’elles évitent un cocktail de gonzesse.

Je finis par prendre la décision d’aller jeter un œil à l’extérieur. Irina ne doit pas pouvoir déclencher une guerre en l’espace de quelques minutes seulement. Espérons-le pour moi en tout cas !

Bordel de merde ! Dehors, mon instinct avait vu juste. Trois des types tiennent Jimmy tandis que “pantalon mouillé” le frappe en plein dans l’abdomen. Et si j’en crois le visage de mon coloc’, ce n’est pas le premier coup qu’il reçoit.

— Vous êtes cons de naissance ou vous suivez des cours ? je soupire en secouant la tête.

— Ne t’occupe pas de ça, l’étranger.

Oulah, ils pensent vraiment me faire peur là ? Bon, il va falloir leurs remettre les idées en place. Sans attendre, je donne un coup de pied dans le ventre de celui de gauche pour qu'il relâche Jimmy. Il tombe sur le dos et crie comme une fillette. Le blond au pantalon mouillé se précipite vers moi le poing serré en arrière. Il prend son élan comme un enfant ! Je bloque son coup de mon bras, attrape son poignet et m’arrête un instant. J’incline la tête et hausse les sourcils.

— Sérieux ! Tu n’as que ça en réserve ? 

Je ricane en tirant sur son bras, le tordant dans son dos et lui coinçant le pouce dans une clé simple de Taekwondo. La torsion l’oblige à mettre genou à terre tant la douleur est intense. Je ne serre même pas, je n’oublie pas que je ne peux pas être trop violent.  

— Ah ! Ça fait mal ! Arrête ! Arrête, pleurniche-t-il.

— Tu vois ce que c'est de s’en prendre à plus faible que soit ?

Je jette un regard aux trois autres compères. Ils se sont reculés contre le mur et vu leurs airs terrorisés, ils ne s’y reprendront pas avant un bon moment. Une bande de lâches qui n’aident même pas leur potes. L’adrénaline qui courre dans mes veines n’a aucune échappatoire. Ils ne viendront pas au contact et j’ai d’autres idées à concrétiser que de les poursuivre. 

— Jimmy ! Ça va, mec ?

— Oui, merci Falco.

Il époussète son jean et tire sur sa chemise froissée. Ses mains tremblent sous le choc de son agression. Il doit apprendre à se défendre ou au minimum, à se venger.

— Viens ici, j’exige en tenant toujours  “pantalon mouillé”. 

ll traîne les pieds vers moi mais obéit. 

— Vas-y, donne-lui un coup de poing.

— Quoi ?

— Frappe-le !

— Mais non, c’est bon !

— Fais-le ou je promets que je te rendrais la vie infernale. Il faut que tu prennes un peu confiance en toi.

Jimmy ferme les paupières très fort, semblant rassembler son courage. Un souffle d’impatience m’échappe. On ne va pas y passer toute la nuit non plus ! Irina est en train de faire je ne sais quoi à l’intérieur. Mon coloc rouvre les yeux, élance sa main et…gifle l’autre con. Mon regard oscille entre la joue du type que je tiens et la main frêle de Jimmy. Finalement, je relâche le blond qui s’enfuit aussitôt à moitié à quatre pattes. Pathétique !

Je me tourne vers Jimmy et lui lance avant de retourner dans le bar :

— Va falloir que tu t’endurcisses un peu, mec. Je ne serai pas toujours là pour assurer tes arrières. 

Le ProtecteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant