Chapitre 24 - Irina

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Fin octobre.

Le bras de Falco est lourd sur mes côtes. J’essaie de me faxer hors du lit sans le réveiller depuis quelques minutes. J’entoure son poignet de mes doigts et le fais glisser lentement vers le matelas.

— Hm ! Où t’enfuis-tu de si bonne heure ?

Il enfouit son visage dans ma nuque sous mes cheveux ébouriffés par nos ébats nocturnes.

— Urgence pipi. Laisse-moi partir.

J’adore nos réveils, enlacés dans mon lit. La chaleur de nos deux corps est réconfortante.

— Un baiser en échange de ta liberté, exige-t-il d’une voix rauque.

Comme à chaque fois, je ne peux m’empêcher de lui obéir. Mon cœur fond devant ce mec silencieux la plupart du temps. J’ai appris à le connaître depuis notre première rencontre, il cache une profondeur insoupçonnée sous une façade froide. Il repousse les gens, n’aime pas être au centre de l’attention et adore sa famille.

— Tu es un mercenaire dans l’âme, je l’accuse en riant.

— Tant que j'obtiens ce que je désire, la manière ne compte pas.

Je me retourne et l’embrasse. Je voudrais me contenter d’un simple baiser pour le punir de son attitude provocante, mais il m’installe sur son corps en me faisant rouler sous lui. Notre étreinte se poursuit dans un silence entrecoupé par mes gémissements et ses soupirs. Quand ses mains atteignent mes fesses, je m’éloigne d'un bond.

— C’est suffisant, monsieur le tricheur.

Il me laisse m’enfuir vers la salle de bain en riant. Je suis certaine de sentir son regard brûlant sur ma silhouette recouverte par son t-shirt. J’aime mon corps, je suis légèrement exhibitioniste, mais je ne désire pas me retrouver face à face avec Jimmy dans une tenue d’Eve. Le pauvre aurait une attaque !
Quand j’ai fini, je retrouve Falco dans la cuisine et il ne porte qu’un bas de training. Le pantalon tombe sur ses hanches, me donnant de mauvaises pensées. Ses abdos bien découpés sont un appel au crime. Je suis tentée de reprendre notre étreinte. Un coup d'œil à l’horloge me convainc du contraire. 
Falco s’est occupé du café et pose sur le comptoir de quoi manger.

— Tu m’as converti avec ton café, j’avoue en humant la tasse. L’odeur seule pourrait m'ouvrir les portes du paradis.

— Vous, les Américains et votre Starbucks !

Il mime un frisson d’épouvante ou de dégoût et je lève les yeux au ciel.

— Alors, tu ne m’as pas raconté ta mise au point avec Anderson.

Je commence à cuire des pancakes avec la pâte que j’ai préparé la veille, versant un peu de beurre dans une poêle bien chaude. C’est amusant comme nous fonctionnons depuis presque deux mois. On a pris des habitudes si facilement, si naturellement que c’en est presque effrayant. Falco met la table, je cuisine, nous parlons. Tout est fluide, agréable… confortable.

— Tu vas être surpris, mais ça s’est passé mieux que je l’imaginais. Il a écouté mes arguments, il n’a rien dit sans pour autant s'excuser de son comportement.

Falco se fige et m’observe un instant. Il penche la tête, réfléchissant à mes propos.

— Il ne t’a pas rabaissée ? Même quand tu lui as réclamé d’être mieux considérée ?

— Il m’a promis de plus m’impliquer dans la mise au point de l’exposition, de prendre en compte mes avis et mes questions.

— J’y crois pas ! Tu es certaine que c’était Anderson ?

— Et qui d’autre ce serait ? Un sosie ? Une copie car les aliens l’auraient enlevé ?

Je ris au point que des larmes coulent sur mes joues. Falco, lui, ne relève que le coin gauche de sa bouche.

— J'étais presque déçue.

— Normal, tu étais prête à te battre pour faire valoir ton point de vue. Une vraie guerrière !

Comme je me rapproche pour déposer les assiettes, il m’enlace et pose un baiser sur mon épaule dénudée.

— En parlant du prof, on devrait se dépêcher de manger, il va nous tuer si nous sommes en retard.

— Au pire, il va juste nous refuser l’entrée de l'amphithéâtre, commente Falco avec un air d’espoir sur le visage.

Je me demande toujours pourquoi il a pris cette option s’il doit se forcer à venir. Mes questions à ce sujet n’ont jamais trouvé de réponses. Mon italien est le meilleur pour détourner l’attention.
Aussitôt le petit déjeuner fini, nous nous séparons pour nous préparer. En passant devant la porte de sa chambre, je ricane et lui montre du doigt son verrou. Celui qu’il a installé dès la rentrée pour garder son territoire privé.

— Il faudra bien un jour m’inviter dans ta chambre, hein ! C’est un peu vexant que tu fermes à clé. Tu crois quoi ? Que je vais fouiller dans tes tiroirs et te voler tes caleçons ?

— Je porte des boxers, me répond-il avec un clin d'œil.

Encore une fois, il a botté en touche. Je soupire en me promettant que je finirai par découvrir son secret. J’espère toutefois que mon mec n’est pas un Barbe Bleue des temps modernes, à cacher ses anciennes femmes mortes dans sa chambre. Avoir un cadavre dans le placard doit rester une expression.
Avant de partir, nous croisons une Lily-Rose encore à moitié endormie. Les nuits de notre colocataire sont encore plus courtes que les nôtres. Elle est en recherche active d’un futur mari. Elle ne cache pas ses intentions, les études ne l’intéressent absolument pas. Tout ce qu’elle désire, c’est un homme qui pourra lui fournir une situation aisée, une belle maison et assez d’argent pour être une addict du shopping comme elle le désire. Son père a resserré les cordons de la bourse et vérifie chaque semaine ses dépenses. Parfois, j’ai envie de l’emmener et lui offrir une sortie au centre commercial quand je la vois triste de sa situation. Puis, je me dit qu'elle doit apprendre à gérer sa vie et son argent. Si elle apprend que je viens d’une famille où l’argent coule à flot, elle ne me verra plus comme la simple fille de bonne famille mais Irina, l'héritière. Je tiens beaucoup à son amitié mais je suis trop réaliste pour ne pas croire qu’elle deviendra vide si elle connaissait ma véritable identité.

— Hey ! Tu es vivante, je me moque d'elle un peu.

— Pas encore, me faudra une bonne douche chaude et du café.

Elle marmonne sa réponse en jetant un coup d'œil plein d’espoir en direction de la cuisine. Lily-Rose est souvent celle qui termine la boisson caféinée préparée par notre italien le matin. C’est devenu une telle habitude que Falco a augmenté sans rien dire le volume pour qu’il y en ait suffisamment pour elle aussi.

— N'oubliez pas qu’il faut aller à la boutique pour les essayages cet après-midi.

Un soupir me provient de derrière la porte de Falco. Il jure dans sa langue maternelle.

— Falco, tu as promis de venir à l’Halloween Party de ce week-end ! je m’écrie pour qu’il m’entende.

Il ouvre avec force sa porte et je sursaute de surprise. Je n’ai pas le temps de scruter son domaine, je ne peux qu’apercevoir son lit bien fait et une armoire fermée avant qu’il ne referme derrière lui. Sa silhouette musclée me bloquait la vue de toute façon.

— Je préférerais rester dans ton lit tout le week-end à te faire gémir et crier mon nom plutôt que de me déguiser comme un con.

— J'adore cette idée, mais j’aime ma vie sociale. Je veux voir du monde et puis mon costume te plaira c’est certain.

— Il est sexy ?

— À un point que c’est pas permis, je lui balance en sortant de l’appartement.

Je l'entends marmonner en me suivant. Il a l'air d’un tueur, l’air sombre, les mains dans les poches et la capuche de son sweet recouvrant ses cheveux. Je ne peux m’empêcher de sourire devant ce spectacle. S’il suffit de mentionner ma tenue pour qu’il change d’avis, je vais lui montrer à quoi je ressemble dedans et il va me coller au train comme mon ombre. Et il en oubliera qu’il doit lui aussi se déguiser.

Le ProtecteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant