Chapitre 18 - Falco

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04 octobre

Debout dans la cuisine, un verre de vodka à la main, j’observe Irina dans la salle de bains. C’est une habitude que nous avons prise depuis son petit show sous la douche d’il y a un mois. Dès que Lily-Rose et Jimmy s’enferment dans leur piaule, ma protégée s’y réfugie et laisse de façon intentionnelle la porte grande ouverte. Une invitation silencieuse à la rejoindre. Il m’arrive parfois de m’aventurer jusque sur le pas de la porte et de l’observer à travers la paroi floutée. Toutefois, je ne mets jamais un pied dans la pièce embuée. Je ne me fais pas assez confiance. La fille du clan Yourenev est volcanique. Elle ne baisse pas les bras pour autant. Son père serait fier si ce n’était pas pour me mettre dans son lit. Irina me tourmente également lorsque je nous prépare à manger. Il nous arrive de prendre nos repas à minuit passé, une fois qu’elle a terminé d’étudier. Même si nous savons qu’en réalité, nous attendons que nos deux colocataires soient endormis.

Ce soir, j’ai décidé d’arrêter d’être la proie de notre duo. Ce n’est pas mon genre de subir. Je compte lui rendre coup pour coup. Si elle me torture, de la plus délicieuse des façons celà dit, pour s’assurer que je ne suis pas à la botte de son père, il n’y a pas de raison que je lui facilite la tâche. À mon tour de prendre part au jeu. Et je n’ai pas pour habitude de perdre les parties que j’engage.

Lorsqu’elle sort de la salle de bains, enroulée dans une serviette minimaliste me laissant apprécier la longueur de ses jambes fuselées, elle me lance son oeillade coquine habituelle avant d’entrer dans sa chambre, l’air de me dire : t’es sûr de ne pas vouloir m’arracher ce bout de tissu ? Sauf que ce soir, elle s’arrête, étonnée. Ses lèvres s’ourlent dans un rictus satisfait en me voyant torse-nu, uniquement vêtu d’un bas de jogging qui tombe bas sur mes hanches. Et oui, mon adorable poupée russe, moi aussi je peux jouer de mes charmes. Sûre d’elle, elle avale la distance entre nous et me prend mon verre des mains. Son nez au-dessus de la boisson alcoolisée, elle papillonne des cils avant d’en avaler une bonne gorgée.

— De la vodka, je valide.

— Je me découvre une passion pour tout ce qui a attrait à la Russie.

— Tu m’en vois la première ravie.

Je lui reprends le verre des mains et le tourne de façon à poser mes lèvres au même endroit qu’elle avant de boire, sans la quitter des yeux.

— Je suis disposée à te faire goûter tous les délices de mon pays, ajoute-t-elle en laissant glisser son index le long de mon sternum.

Ce contact m’électrise et un frisson me parcourt l’échine dorsale. Ce n’était pas une si bonne idée finalement si elle se sent pousser des ailes au point de s’autoriser à me toucher. Je suis à si peu de me jeter sur elle. Elle n’a jamais été aussi proche. Ses grands yeux me dévorent du regard. Je brûle d’effacer ce sourire coquin de ses traits en posant ma bouche dessus. Son souffle réchauffe mon cou tandis qu’elle avance encore un peu jusqu’à se coller contre moi. L’odeur de son gel douche noix de coco m’ensorcelle et chamboule mes sens. Avant d’avoir le temps de réaliser mon geste, ma main libre encercle son cou gracieux. Son comportement qui me rend barge me donne autant envie de l’étriper que de l’aduler. Parce que plus elle se bat pour me mettre la main dessus, plus elle me plaît. J’aime la bagarre, la lutte et l’ambition. Irina est tout ça à la fois. En plus d’être douce et drôle. Et carrément canon, ce qui n’arrange pas ma situation. Je resserre un peu ma prise sur sa gorge pour lui démontrer qu’ici, à cet instant, c’est moi qui mène la danse. Qui est-ce que j’essaie de convaincre au juste ? Par pure provocation, elle redresse le menton, pleine de fierté, et m’offre une opportunité d’appuyer un peu plus fort. Pour la surprendre, d’un mouvement rapide, j’insère une de mes jambes entre les siennes. Ma cuisse se retrouve contre ses plis intimes. Comme je m’en doutais, Irina ne perd pas une seconde avant de se frotter dessus sans gêne. J’accentue encore un peu la friction en appuyant mon genou à cet endroit précis. Ma paume remonte sur son menton. Mon pouce vient titiller ses lèvres dans une caresse provocante. Irina y répond en capturant mon doigt dans sa bouche. Le bruit de succion et sa langue qui tournoie autour de ma phalange menacent de me faire disjoncter. Je ne dois mon salut qu’à mon téléphone qui se met à sonner. Putain, j’allais arracher cette serviette et finir ce qu’on a commencé il y a un mois sur le plan de travail de la cuisine, au milieu des ingrédients que j’ai préparé.

— Putain, grogné-je en retirant mes mains de son corps pour décrocher.

Alors que la voix de Felipe à mon oreille, Irina me foudroie du regard tout en croisant les bras devant elle.

— Attends quoi ? réponds-je au mexicain, même si j’ai bien enregistré tout ce qu’il m’a dit.

— Dans quinze minutes au croisement de Nassau Street et Olden Street. Le restaurant s’appelle Despaña. Ne sois pas en retard, me répète-t-il d’un ton menaçant, que je me retiens de lui faire ravaler lorsque j’en aurai l’occasion.

Même si là tout de suite, en réalité, je lui dois une fière chandelle. Felipe raccroche avant d’avoir entendu ma réponse. Pezzo di merda. Je grimace et tente de me calmer les nerfs. Mon corps pige que dalle à ce qui lui arrive. Désir, envie puis douche froide et maintenant préparation à la rencontre avec le boss du cartel mexicain qui sévit dans le coin. Faut enregistrer et vite s’adapter.

— Désolé, j’ai un imprévu, j’vais pas pouvoir cuisiner ce soir, dis-je à Irina tout en la contournant pour filer me préparer dans ma piaule.

—  Tu te fous de moi ? s’écrie-t-elle sans se soucier que Lily-Rose ou Jimmy puissent nous entendre. J’en ai rien à cirer de ton repas ! Je veux qu’on termine ce qu’on a commencé.

J’enfile mon sweat à capuche et la dépasse en sortant de ma chambre où elle a veillé à rester sur le seuil. Elle sait que c’est un territoire interdit.

Moy dorogoy (ma chérie en russe), ça fait des semaines qu’on a commencé, tu vas pouvoir tenir encore un peu, non ?

Sur ces mots, je mets les voiles. Dans le couloir, je dévale les marches quatre à quatre. Je ne sais pas à combien de temps de l’appartement se situe l’adresse que m’a filé Felipe, mais connaissant les méthodes du milieu, je sais qu’elle doit être juste un peu trop loin pour me permettre d’arriver à l’heure demandée. Ils pensent me faire flipper ainsi. Vérifier si je vais courir pour parvenir à être ponctuel. Je ne voudrais pas décevoir leur chef qui a enfin décidé de me voir après quatre semaines à me faire patienter. J’imagine que c’est le temps qu’ils leur a fallu pour enquêter sur moi et s’assurer que je suis clean, sans histoire. Tout en accélérant le pas pour héler un taxi, j’envoie un message à Alessandro, mon beau-frère : 

J’espère que tu as fait un meilleur boulot avec ma couverture qu’avec mon devoir. Je rencontre enfin le boss du cartel mexicain

Le ProtecteurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant