Mardi après-midi.
J'ai eu le temps de rentrer déjeuner à l'appartement, ce midi. De toute manière, j'aurai trouvé un prétexte pour fuir la foule de profs qui insiste toujours pour que je vienne manger avec eux. J'en ai déjà assez de jouer aux hypocrites durant les cours, si en plus je dois me forcer à sourire durant les pauses, autant que je plie bagage immédiatement.
Assise à la table de la salle à manger, le nez penché au-dessus de mon plat, je ne peux pourtant pas lâcher le quotidien que je tiens entre mes doigts des yeux. Le son de la télévision ne parvient même pas à dévier mon attention, à m'empêcher de lire, encore et encore, l'article que j'ai sous les yeux. Même le bruit de la douche qui coule, la musique de Ryu qui résonne depuis la salle de bain ne me déconcentre pas.
Il est dans mon sac depuis la matinée, mais je n'ai pu trouver le temps de le lire que maintenant.
Le meurtre d'une jeune femme et la découverte de son corps font la une de tous les journaux de ce début d'après-midi.Et comme à chaque fois, je ne suis pas étonnée de constater que les paragraphes reprennent mot pour mot les informations partagées par Jun Saito, le surintendant de la section criminelle du commissariat de Kanda, données durant la conférence de presse de ce matin.
C'est toujours la même chose, les mêmes objectifs : aller droit au but, choisir les éléments centraux les plus marquants, sans s'attarder sur tous les petits détails sordides ou hors du commun.
Très peu de noms, pas de prise de risque, pas d'informations complémentaires. Seulement le strict minimum.
Plus rien ne m'étonne, surtout au vu du climat plutôt hostile qui existe entre certains organismes de presse et les hauts responsables du pays. Je sais même que plusieurs rubriques sont sous le joug d'une certaine censure, contrôlées, passées sous silence.
D'un côté, je n'ai pas le droit de m'en plaindre. Je ne me suis d'ailleurs jamais plaint de cette grande menace de la liberté de la presse au vu du nombre de fois où cette menace m'a sauvé la vie.
En continuant ma lecture, mon repas n'étant plus qu'un détail secondaire, mon cœur palpite dans ma poitrine à la mention d'un seul nom.
La moiteur s'incruste entre mes doigts, s'immisce sur ma peau et m'oblige à faire une pause.
Isao Saito, inspecteur chargé de l'affaire.
Je le sais, pourtant, mais ne peux visiblement pas me résoudre à ce savoir. Mon corps ne connaît pas de contrôle, pas de limite lorsque son nom, ou même son visage pénètre mon champ de vision.
Cherchant un point de distraction, j'attrape un élastique dans la poche de mon pantalon, puis attache mes cheveux avant de trouver le courage de poursuivre ma lecture.
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L'enfer a ses raisons
Mystery / ThrillerIsao Saito, inspecteur de police, essaye de joindre les deux bouts depuis la mort de sa femme deux ans plus tôt. Alors qu'il s'enfonce toujours plus dans son travail, tentant d'oublier ce passé qu'il a laissé derrière lui, un tueur en série au mode...