Chapitre 6 : Rêve

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Les souvenirs de cette nuit étaient à la fois flous et vivides dans l'esprit de Raffaele.

Par exemple, les lieux et les détails étaient incohérents. Des fois, il se souvenait qu'il était en train de passer la serpillière au bar où il travaillait, quand une voix avait hurlé son nom. Des fois, il était en réalité dans la cuisine, en train de réarranger le stock de bouteilles.

En revanche, la voix était toujours la même.

Une voix en colère, sèche, rugissante, appartenant à un homme qui avait bu.

Une voix qui l'appelait.

— RAFFAELE SPERENZA ! MONTRE-TOI ! JE SAIS QUE T'ES LÀ !

Il ne se souvenait jamais très bien du visage de l'homme, mais il se souvenait de ses cheveux blond foncé. De la chevalière au doigt qui allait le cogner dans la suite de ses souvenirs. Du costume noir et du manteau de qualité qu'il portait, trahissant son statut social.

— SORS DE LÀ !

Raffaele avait croisé les regards apeurés des clients qui le connaissaient et qui comptaient sur lui pour faire quelque chose.

Il s'était alors montré devant l'inconnu qui avait fait irruption. Mais il n'y avait pas eu besoin d'introduction pour qu'il sache qui était ce type qui se croyait tout permis.

Ses collègues adoraient commérer sur des histoires mafieuses, et plus particulièrement sur le fils du Parrain. Toujours accompagné de « Dante, le chien fou », ce duo de criminels était redoutable.

Mais ce n'était pas à partir de ces rumeurs urbaines qu'il avait entendu parler de lui.

— Qu'est-ce que vous me voulez ?

Lucio Verratti, qui buvait goulûment dans une bouteille, s'était arrêté pour le regarder. Et à la seconde où il l'avait vu, son visage s'était transformé. Déformé par une ire incompréhensible. Ses traits s'étaient tendus et il s'était mis à respirer de plus en plus fort, comme un taureau face à sa proie.

— A... Alors c'est toi... ! avait-il sifflé, avec des yeux injectés de sang. C'est toi... Le gringalet... ! Le bâtard !

Si Raffaele avait senti son sang bouillir sous cette appellation, il n'avait rien laissé montrer. Il avait toujours appris à sa petite sœur à ne pas se laisser emporter par les émotions. Des fois, elles pouvaient rendre aveugle et provoquer plus de dégâts qu'autre chose.

Par ailleurs, en tant que futur médecin, il devait donner l'exemple.

Il avait alors levé ses deux mains en l'air pour montrer au mafieux qu'il était inoffensif et qu'il était prêt à discuter.

— Je ne sais pas ce qu'on vous a dit sur moi, mais il doit y avoir une erreur.

— UNE ERREUR ?! UNE ERREUR ?! LES VERRATTI NE FONT PAS D'ERREUR ! avait-il hurlé, en brisant sa bouteille en deux sur le comptoir. OÙ EST-CE QU'ELLE EST ?! DONNE-LA MOI !

Pendant que les clients commençaient rapidement à le contourner pour quitter le restaurant, Raffaele avait lentement reculé vers les tables pour mettre de la distance.

— Je ne sais pas de quoi vous parlez !

Et il avait dit la vérité.

Il ne savait pas de quoi Lucio Verratti parlait et ce qu'il avait mené ici ce soir.

Ni comment il avait été retrouvé.

— Mais je suis sûr que c'est un malentendu ! Dites-moi ce que...

— MENTEUR ! T'AS TROIS SECONDES POUR ME LA DONNER ! JE SAIS QUE TU L'AS ET JE TE LA PRENDRAI SUR TON CORPS !

— JE N'AI RIEN DU TOUT ! s'était-il mis à crier et à vider ses poches. Regardez ! Alors soyez raisonnable ! Je suis sûr qu'on peut discuter ! Vous et moi, on a une connaissance en commun ! Sergio Romano ! Je suis sûr qu'il...

LA RACINE DU MAL [TOME 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant